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Candos

Candos ou les Sauvages du Canada, opéra en trois actes, livret de Delrieu, musique de Jadin, 13 nivôse an 6 [2 janvier 1792].

Théâtre de la rue Feydeau

Almanach des Muses 1799

Pièce dont le public n'a pas goûté la représentation.

Félix Clément et Pierre Larousse, Dictionnaire lyrique, (Paris, 1876-1881, Sltakine Reprints, 1999), p. 134 :

Candos ou les Sauvages du Canada, opéra en trois actes, paroles de Delrieu, musique de L.-E. Jadin, représenté à Feydeau en 1797.

Censeur dramatique, volume 2 (1797), n° 14 (20 Nivôse an 6), p. 290-296 :

Opéra.

Pièce nouvelle.

Le 13 nivôse, on a donné la première représentation de Candos, ou les Sauvages du Canada, Opéra en trois actes, en vers, de M. Delrieu, Musique de M. Jadin.

Sylvie, embarquée dans un même vaisseau avec Léon son époux, a été engloutie dans la mer à la suite d'un naufrage ; mais sauvée par Candos, elle a trouvé une retraite dans la cabane de ce Sauvage Canadien, et y a mis au monde le fils dont elle étoit enceinte. C'est-là que, depuis près de cinq années, elle éprouve, de la part de ce Sauvage et de sa mère Zaïca, les soins les plus généreux et les plus désintéressés.

Candos cependant n'a pu voir tant de charmes sans y être sensible ; et après avoir long-temps combattu, long-temps renfermé sa passion dans son cœur, il se détermine à en faire 1'aveu. Sylvie, qui conserve l'attachement le plus tendre pour son époux, et l'espoir de le retrouver un jour, avoue à Candos qu'elle ne peut payer ses soins que par la reconnoissance. Ce Sauvage va, selon sa coutume, à la chasse, et Sylvie, craignant les suites de son amour, se détermine à fuir avec son enfant, qui dort dans la cabane de Zaïca. En ce moment, survient une affreux orage ; la foudre tombe sur la cabane de Sylvie, et la réduit presqu'en cendres. Ce malheur est suivi d'un autre plus terrible encore. Un parti de Hurons, qui a pénétré jusqu'en ce lieu, enlève Sylvie, malgré ses cris, et la sépare de son enfant, qui n'a cessé de dormir dans la cabane de Zaïca.

Candos ouvre le second acte en revenant de la chasse. Il voit avec effroi les ravages de l'incendie qui a consumé la .cabane de Sylvie ; mais son désespoir est au comble, voyant qu'elle a disparu. Une flèche qu'il trouve à terre, et qu'il reconnoît pour être une arme des Hurons, lui fait soupçonner la vérité. Il .sort pour courir-après les Ravisseurs.

Un voyageur arrive en ces déserts, accompagné d'un ami ; c'est Léon qui, depuis cinq ans, erre dans cette partie de l'Amérique pour chercher son épouse ; car il espère qu'elle n'a point péri dans le naufrage. Un ours terrible sort d'une caverne voisine, et est prêt à pénétrer dans la cabane où repose l'enfant de Sylvie. Léon, d'un coup de pistolet, tue cet animal féroce, et sauve ainsi la vie à cet enfant, qu'il ne sait pas lui appartenir d'aussi près. Candos, qui revient, désespéré de n'avoir pu trouver Sylvie, entendant nommer Léon par son ami Goumer (Capitaine de vaisseau), reconnoît en lui l'époux de Sylvie, lui apprend que l'enfant auquel il vient de sauver la vie est le sien, &c.

Au troisième acte, à la suite d'un combat entre les Canadiens et les Hurons, Sylvie est délivrée par Léon même. Elle est évanouie, et l'on a peine à la rappeler à la vie. Son époux même se cache un instant pour lui lajsser reprendre ses sens; et c'est la présence seule de son enfant qui opère ce miracle. Il se montre ensuite ; la reconnoissance se fait ; ils sont au comble de leurs vœux, et le généreux Candos, qui a fait l'entier sacrifice de son amour, partage le bonheur et la reconnoissance de ce couple fidèle.

Tel est à-peu-près l'extrait de cet Opéra. Nous disons à-peu près, car, depuis le commencement du second acte jusqu'à la fin du troisième, les murmures du Parterre ont presque toujours couvert la voix des Acteurs ; ensorte qu'il étoit assez difficile de suivre le fil de l'action. Ce que nous en avons dit suffit cependant pour faire voir que cette action offre peu d'intérét. La plupart des situations de cette Pièce sont forcées, sans vraisemblance, et une foule de choses, qui ne sont qu'indiquées, jetent dans la marche de cet Ouvrage une obscurité qu'il est souvent difficile de percer. L'exposition trop peu détaillée laisse beaucoup à deviner, et n'éclaircit point assez le sujet. L'histoire de ce naufrage est une espèce d'énigme, et l'on ne sait pas bien pourquoi Léon s'obstine à chercher une épouse qu'il a vu périr sous ses yeux, &c. La manière dont ces époux se retrouvent; cet ours tué. sur la Scène d'un coup de pistolet; ces marches, ces chœurs multipliés de Sauvages, ces combats, cet incendie; tout cela, qui dans une Pantomime seroit sans doute d'un grand effet, n'en produit aucun ici. Ces incidens peu liés, jetent dans cette Pièce un froid et un décousu qui n'ont pas peu contribué à l'échec qu'elle a reçu.

Mais ce qui paroît surtout avoir déterminé l'humeur du Public, c'est la foule de niaiseries, de trivialités, de platitudes même (tranchons le mot) dont le rôle du Capitaine de vaisseau est rempli. Ce rôle, que l'Auteur a cherché à rendre plaisant, a produit l'effet contraire. Il a été repoussé d'un bout à l'autre, par le Public, d'une façon très marquée. Il est donc nécessaire de le faire entièrement disparoître ; et cela sera d'autant plus aisé, qu'il ne tient en rien à la Pièce.

Le style de cet Ouvrage, à part quelques détails assez agréables, a paru prosaïque, embarrassé, et d'une trivialité qui a souvent excité des murmures.

La Musique a été beaucoup plus goûtée que le Poëme ; et il est à croire que si ce Poëme eût été bon, l'Ouvrage auroit eu du succès. L'Ouverture, d'un effet d'harmonie très agréable, a été fort applaudie. Le premier Air que chante Candos a paru faire un très grand plaisir, ainsi que plusieurs autres Ariettes des deux premiers actes. Elle confirme l'opinion qu'on avoit des talens et de la facilité de M. Jadin.

Nous devons rendre justice aux Acteurs qui ont joué dans cet Opéra ; ils n'ont rien négligé pour en assurer le succès. M. Josserand a mis beaucoup d'ame et d'intelligence dans le rôle de Candos ; mais le peu d'habitude qu'il paraît avoir de l'habit de Sauvage, lui donnoit un air gêné, qui a nui dans plusieurs endroits au développement de ses moyens. Sa chevelure surtout paroissoit l'incommoder beaucoup, et il faut convenir qu'en tout ce costume n'est ni agréable ni commode.

Mme Verteuil a mis, dans le rôle de Zaïca, toute la gaieté qu'il pouvoit comporter, et la finesse qu'on lui connoît ; ce n'est assurément point sa faute, si elle n'y a pas fait plus d'effet.

On ne saurait donner trop d'éloges au parti que Mme Scio a tiré du rôle de Sylvie ; elle y a mis une grâce, une sensibilité, un abandon vraiment faits pour ajouter à la haute opinion qu'on a de son talent; et elle l'a chanté avec cet organe harmonieux dont les étonnantes modulations ravissent les oreilles et pénètrent l'ame.

M. Gaveaux a mis sans doute de la noblesse dans le rôle de Léon; mais nous lui reprocherons toujours un peu trop de roideur dans les gestes et une sorte d'emphase dans la diction, qui peut quelquefois faire de l'effet, mais dont les vrais Connoisseurs l'engageront toujours à se défaire, parce qu'elle -nuit à la vérité.

Le rôle du Capitaine Goumer ne pouvoit mériter à M. Vallière des applaudissemens, si ce n'est pour les efforts qu'il a faits pour en adoucir les défauts ; efforts dont il faut lui savoir d'autant plus de gré, qu'il devoit cruellement souffrir en jouant un pareil rôle.

L'Administration avoit monté cet Ouvrage avec soin, et n'avoit rien épargné pour le faire paroître avec éclat. La vérité des costumes, le pittoresque et la fraîcheur de la décoration, l'ensemble des chœurs, &c. n'ont laissé que peu à desirer. Il est fâcheux que ces soins n'ayent pas eu pour objet un meilleur Ouvrage ; mais si elle s'est trompée sur le sort de celui-ci (et nous avons prouvé plus d'une fois, dans ce Journal, qu'une première Représentation peut seule donner sur ce point des lumières certaines), elle a donné au moins une nouvelle preuve de son zèle constant et inaltérable pour plaire au Public. Ce zèle, loin de se ralentir, se reproduit sans cesse, et sous toutes les formes. Nous ne doutons pas qu'une Nouveauté brillante ne succède bientôt à celle-ci, et nous faisons des vœux d'avance pour qu'elle mérite et qu'elle obtienne une destinée- plus heureuse.

La base Cesar ne connaît qu’une représentation pour Candos, celle de sa création, sans indication de théâtre.

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