Constance et Théodore, ou la Prisonnière

Constance et Théodore, ou la Prisonnière, opéra-comique en deux actes, de Marsollier, musique de Kreutzer, 22 novembre 1813.

Théâtre de l’Opéra Comique.

Titre :

Constance et Théodore, ou la Prisonnière

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

22 novembre 1813

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Marsollier

Compositeur(s) :

Kreutzer

Connue également comme Théodore et Constance, ou la Prisonnière.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome VI, p. 412 :

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.

Théodore et Constance, ou la Prisonnière, opéra comique en deux actes, joué le 22 novembre.

Cette pièce n'a obtenu qu'une représentation et demie. Sujet invraisemblable, point de gaieté : chûte complète.

Journal des arts, des sciences, et de littérature, tome 15, n° 241 (25 novembre 1813), p. 255-256 :

[Le compte rendu s’ouvre sur un constat réjouissant : enfin, on retrouve à l’Opéra-Comique tous les personnages, comme ceux qu’on voyait à la foire Saint-Germain, et le critique en dresse la liste, en les assimilant aux personnages de la commedia dell’arte : un Cassandre, un Léandre, une Isabelle, un Gilles, un Pantalon. Ces personnages vivent une intrigue pleine de surprises et de rebondissements : une jeune fille mise en prison parce qu’elle refuse celui que le méchant gouverneur veut lui faire épouser, mais libérée par le fils du gouverneur à qui elle dit qu’elle l’aime ; la jeune fille est présentée au père comme une cantatrice, jusqu’à ce qu’arrive un envoyé qui doit la retrouver en prison ; mais l’envoyé est l’oncle de la fausse cantatrice qui lui apporte son ordre de mise en liberté, et tout s’arrange de ce fait : elle n’est plus prisonnière et épouse son amoureux à qui elle offre même un régiment. Très logiquement, le critique distingue « le poëme [qui] a paru baroque et invraisemblable » (mais le résumé du critique n’est pas très fidèle, et la lecture de ce qu’en dit le Mémorial dramatique ci-dessous en donne une image assez différente, même si le jugement ne change pas complètement : « pénible complication de moyens », action « ni intéressante, ni comique, ni vraisemblable ») de la musique, très appréciée. si la pièce survit, ce sera grâce à la musique de Kreutzer. Il donne un exemple de la qualité de cette musique en décrivant le dialogue entre paroles et musique, l’actrice voyant ses propos soulignés par le violon de son amant, « placé dans la pièce voisine. L’article s’achève par la liste des principaux interprètes, deux étant particulièrement mis en avant. Par contre, l’interprète du rôle du gouverneur semble n’avoir pas été un bon Cassandre.]

THÉATRE DE L’OPÉRA-COMIQUE.

Première représentation de Constance et Théodore, ou la Prisonnière, opéra-comique en deux actes, paroles de M. ***, musique de M. Kreutzer.

Cette pièce rappelle parfaitement les premiers temps de l'Opéra-Comique car on-y retrouve chacun des personnages qui faisaient, à cette époque, la gloire de la foire St.-Germain. M. ***a mis en scène, 1°. un gouverneur qui, certainement, est le plus imbécille des Cassandres ; 2°. un amoureux qui dupe le Cassandre, rôle évidemment dans le ressort des Léandres ; 3°. une amoureuse, ou plutôt une Isabelle ; car elle a tout autant de retenue qu'il en faut pour cet emploi ; 4°. un valet presque niais, auquel il ne manque qu’une veste blanche et de gros boutons, pour débuter avec succès dans les Gilles ; 5°. enfin, un oncle qui amène le dénouement en quatre mots, et qui dès lors n'est autre que messire Pantalon.

Maintenant les acteurs sont connus. : voici comment l'auteur les a fait agir.

Constance, devenue veuve d'un mari maussade et jaloux, est prisonnière en Allemagne par ordre d'un ministre dont elle a refusé d'épouser le neveu. Théodore, fils du gouverneur, outré d'une injustice aussi odieuse, et de plus amoureux de la belle prisonnière, cherche à lui rendre la liberté. Constance court au-devant de ce projet, en apprenant à Théodore qu’elle l’aimę et qu'elle ne demande pas mieux que de partir avec lui dans une chaise de poste. Il ne s'agit donc plus que de trouver un moyen d'évasion ; mais quoi de plus ingénieux que l'amour ?

Théodore qui, sans doute, a lu les Liaisons dangereuses, gagne son cocher, rentre dans la cour de la prison avec sa voiture, y fait introduire secrètement Constance, et la présente ensuite à son père, sous le nom d'une cantatrice qu'il a fait demander, Le gouverneur donne dans le piége, et ne reconnaît pas sa prisonnière ; mais bientôt il s'aperçoit que Constance est évadée, et sa colère est au comble, quand on lui apprend qu'un exprès venu de la cour apporte une lettre qu'il doit remettre à Constance elle-même. Théodore conseille aussitôt à son père un expédient admirable: « Présentez la cantatrice, dit-il, vous la ferez passer pour la prisonnière. Vous le ferez d'autant plus facilement, qu'elle lui ressemble beaucoup.

Le gouverneur s'appaise alors, et paraît enchanté, de l'esprit dont son fils vient de faire preuve ; mais quelle est sa surprise ! le courrier est l'oncle de la prisonnière, il vient lui apprendre que le ministre est disgracié ; il apporte l'ordre de mise en liberté, et il serre dans ses bras la prétendue cantatrice ! Le gouverneur veut détromper cet honnête homme d'oncle ; mais on ne lui en laisse pas le temps : on le détrompe à son tour. Enfin, Constance déclare au père de Théodore qu'elle prend son fils pour mari , et qu'elle va lui donner un régiment. Le bon gouverneur, étourdi de tant d'événemens, reste immobile, garde le silence, et chaque spectateur s'écrie involontairement :

C'est bien en vrai Cassandre achever l'aventure !

Autant le poëme a paru baroque et invraisemblable, autant la musique a obtenu d'applaudissemens. L'ouverture du second acte surtout est charmante, et la plupart des airs que chante Mme Boulanger sont très-favorables à sa voix. On peut donc croire que, grâce au talent de M. Kreutzer, la pièce pourra yivre quelque temps encore; et, comme on le dit vulgairement, la sauce fera passer le poisson.

On a beaucoup ri d'un dialogue du premier acte entre les deux amans. Constance interroge Théodore en chantant, et celui-ci, placé dans la chambre voisine, répond avec son violon. Sortirai je bientôt d'ici ? dit la prisonnière. – Le violon exprime la douleur. – Ah! j'entends : j'ai bien du chagrin. – Le violon exprime la tristesse. – Quoi ! vous avez aussi du chagrin ?... A cette interprétation charitable, la moitié du parterre n'a pu retenir de bruyans éclats de rire ; mais, malgré ce léger orage; le violon a pleuré, supplié, menacé, a fait même une déclaration, s'est faché , et...... a été brisé enfin par le musicien.

Mme Boulanger est au-dessus de tout éloge dans le rôle de la prisonnière. Sans être jolie, elle est remplie de grâce, et ne manque ni d'aisance, ni d'expression. Elle a chanté avec beaucoup de goût les airs du premier acte. Quoiqu'elle ait fait quelques fausses notes dans le récitatif de son dialogue musical, elle n'en a pas moins été couverte des plus vifs applaudissemens.

Paul a joué avec vivacité le rôle de Théodore ; mais sans doute il avait fait un pacte avec l'auteur des paroles pour qu'on ne pût pas les entendre. Il parlait avec tant de promptitude que trois ou quatre fois il a été obligé de se reprendre. Ce défaut est trop ridicule pour qu'il ne s'en corrige pas à une seconde représentation.

Le valet a été bien rendu par Moreau. Chenard, qui a joué le gouverneur, n'a peut-être pas assez la physionomie d'un Cassandre ; mais c'est moins la faute de l'auteur que la sienne.

Mémorial dramatique, ou Almanach théâtral pour l’an 1814, p. 82-85 :

[La comparaison des deux comptes rendus est éclairante : dans le Journal des arts, tout n’est pas claire, et le rédacteur du Mémorial dramatique remet de l’ordre (au moins apparent) dans une intrigue échevelée et insiste sur l’aspect politique de l’intrigue (encore un ministre qui se venge, et un prince qui l’empêche de nuire). Mais le jugement final ne change guère : le livret ne vaut pas grand chose, et la musique seule peut permettre à la pièce de survivre.]

Constance et Théodore , ou la Prisonnière, opéra en 2 actes, paroles de M. ***, musique de M. Kreutzer, (22 novembre.)

Un ministre trompe son souverain et lui fait croire que le comte Urbain est coupable d'un crime d'état. Le malheureux comte n'a que le temps de se soustraire par la fuite à l'exécution de l'ordre qui doit-le-priver de sa liberté.

Constance, sa nièce et sa pupille, est arrêtée comme sa complice, conduite dans une forteresse dont le gouverneur reçoit l'ordre de la resserrer étroitement et de lui refuser des livres, des instrumens de musique, enfin tout ce qui pourrait adoucir sa captivité. C'est ici que l'action commence.

Constance, veuve et riche, a refusé d'épouser le neveu du ministre, voilà la cause des persécutions que cet homme vindicatif et puissant fait éprouver à elle et à son oncle. Le cœur de la jeune veuve n'est plus libre, et sa mémoire lui rappelle à chaque instant l'aimable Théodore qu'elle a vu plusieurs fois à Vienne, Elle le retrouve en prison, mais non captif comme elle. Théodore est fils du gouverneur, et ses soins obligeans adoucissent le sort de la belle prisonnière. Il lui fait donner des livres, une harpe, et pousse la délicatesse jusqu'à vouloir rester inconnu. II a cependant avec sa belle, à travers une cloison, un entretien d'une espèce assez singulière, Constance lui adresse des questions fort claires, et il s'obstine à n'y répondre qu'en jouant du violon.

Le jeune homme, déguisé en guichetier subalterne, s'introduit chez la prisonnière. Après des protestations d'une tendresse réciproque, Théodore cherche les moyens d'arracher son amante à cet affreux séjour ; il en imagine un qui n'a pas le sens commun : c'est pour cela qu'il le préfère. Le gouverneur, son père, espèce de mélomane, a transformé en musiciens ses domestiques et jusqu'à ses porte-clefs. Il doit ce soir même donner un concert, où l'on entendra une virtuose célèbre, qui passe par la ville où est située la forteresse. C'est Théodore qui est chargé d'aller chercher en voiture la cantatrice. Constance jouera ce rôle ; le geolier, qui est gagné, la conduira au bas d'un petit escalier mal éclairé, elle montera dans la voiture, paraîtra dans le salon, affectera des manières et un accent étranger, et bientôt elle prétextera une indisposition. Théodore doit naturellement s'offrir à la reconduire chez elle. Le gouverneur fera lui-même ouvrir les portes à sa prisonnière, qu'il ne reconnaîtra pas, parce qu'il ne l'a vue que couverte d'un vaste chapeau et enveloppée dans un grand schall ; une chaise de poste attend les deux amans, et fouette postillon.

Ce plan s'exécute en partie. Le gouverneur accueille la cantatrice, et la prie de vouloir bien chanter avant le concert , qui n'aura lieu qu'après souper. C'est une bonne œuvre à laquelle il l'engage à contribuer, Il sait que sa prisonnière aime beaucoup la musique, et il a donné ordre de la faire descendre dans un cabinet d'où, sans être vue elle pourra jouir des talens de la virtuose,

Constance chante donc pour se faire plaisir à elle-même. Le gouverneur veut savoir si la prisonnière est contente ; il entre dans le cabinet ; quel est son étonnement de n'y trouver personne ; il appelle, il fait chercher Constance, elle n'est plus dans sa chambre. On court, on visite partout, tout le monde est en l'air, et les amans sont dans un embarras que le gouverneur partage bientôt, quand on vient lui annoncer qu'un courier arrive de Vienne, chargé d'ordres qu'il doit remettre à Constance elle-même. Que faire ? Théodore propose à son oncle de faire passer la cantatrice pour la prisonnière, à laquelle il lui certifie qu'elle ressemble beaucoup. Il faut bien se résoudre à ce parti. Le courier entre : c'est le comte Urbain lui-même qui serre sa nièce dans ses bras. Le gouverneur ne sait où il en est, mais bientôt tout, s'explique : la vérité est parvenue jusqu'au prince ; le ministre oppresseur est disgracié, le comte Urbain rétabli dans ses biens et dignités, et un brevet de colonel est accordé à celui que Constance choisira pour époux.

Cette analyse suffira pour faire sentir quelle pénible complication de moyens l'auteur a été obligé d'employer pour soutenir pendant deux actes une action qu'il n'a pu parvenir à rendre ni intéressante, ni comique, ni vraisemblable. Aussi le public a-t-il accueilli froidement cet ouvrage, auquel la musique de M. Kreutzer parviendra peut-être à faire obtenir quelques représentations,

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