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La Cendrillon des écoles, ou le Tarif des prix

éLa Cendrillon des Ecoles, ou le Tarif des prix, vaudeville, de M. de Saint-Remy, 10 novembre 1810.

Théâtre du Vaudeville.

De Saint-Remy est le pseudonyme commun de René de Chazet et Jean-Baptiste Dubois.

Titre :

Cendrillon des écoles (la), ou le Tarif des prix

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

10 novembre 1810

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

de Saint-Remy

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mlle. Lecouvreur, 1810 :

La Cendrillon des écoles, ou le tarif des prix, comédie-vaudeville en un acte, en prose, représentée, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le 10 novembre 1810.

Journal de Paris, n° 512, jeudi 8 novembre 1810, p. 2203 :

Il y a à Paris beaucoup de pensions de demoiselles (beaucoup de pensionnats, pour parler d’une manière plus correcte) où l’on distribue les prix avec beaucoup de partialité ; on ne couronne les élèves qu’en raison des sommes que payent leurs parens, & des cadeaux qu’ils font : s’il faut en croire les furets de coulissses, c’est cet abus que l’on doit attaquer dans la pièce intitulée : le Tarif des Prix, ou la Cendrillon des Ecoles, que l’on donne samedi au théâtre du Vaudeville. Si ce sujet est bien traité, il peut donner lieu à des critiques fines & à des aperçus piquans. Le nom de l’auteur est encore un mystère.

Dans les journaux qui suivent, on repère des représentations

le 10 novembre 1810,

le 12 novembre,

le 13 novembre,

le 15 novembre,

le 16 novembre,

le 18 novembre,

le 19 novembre,

le 20 novembre,

le 22 novembre,

le 23 novembre,

le 24 novembre,

le 27 novembre,

le 29 novembre,

le 2 décembre,

le 4 décembre,

le 6 décembre,

le 13 décembre.

Dès le 14 novembre, une polémique s’ouvre à propos de la paternité de l’intrigue que la pièce raconte (p. 2247) :

AUX AUTEURS DU JOURNAL.

Paris, le 5 novembre 1810.

Messieurs, il est juste que chacun réclame son bien où il le trouve ; je réclame donc l’invention de la fable sur laquelle roule le vaudeville intitulé : Le Tarif des Prix, ou le Cendrillon des Ecoles. Dans mon Histoire d’un Pensionnat de jeunes Demoiselles, ouvrage qui parut, il y a plus de deux ans, j’ai mis en scène une jeune orpheline, nommée Annette, modèle de sagesse et d’application, qui ne reçoit aucun des prix qui sont distribués solennellement dans son pensionnat. Un jeune homme, pénétré de l’humiliation de cette fille vertueuse et pauvre, l’en dédommage en l’épousant. Vous voyez, Messieurs, qu’à quelques circonstances près, ma fable et celle du Vaudeville sont semblables.

J’ai l’honneur de vous saluer.

Ant. Caillot.

Réponse le 15 novembre (p. 2254) :

AUX RÉDACTEURS DU JOURNAL.

Messieurs, voulez-vous bien me permettre de répondre, par votre feuille, à M. Antoine Caillot, que ce n’est pas son histoire d’un pensionnat, que je ne connoissois nullement, mais un petit article inséré, il y a environ six semaines, dans le Journal de l’Empire, qui m’a suggéré l’idée du Tarif des Prix. Du reste, quand mon ouvrage n’auroit servi qu’à ménager à M. Antoine Caillot l’occasion de parler du sien, il auroit toujours été bon à quelque chose.

J’ai l’honneur de vous saluer.             S.-Rémy.

Le 21 novembre (p. 2302), un court article revient sur la pièce :

Le succès de la Cendrillon des Ecoles augmente tous les jours, et la preuve, c’est que le Vaudeville la joue sans interruption : le grand mérite de cette nouveauté, c’est d’être à la fois de circonstance et de fonds, de circonstance par le titre, et de fonds par son but moral.

Dans le journal du 4 décembre, p. 2399, annonce de la publication de la brochure :

La Cendrillon des Ecoles, ou le Tarif des Prix, comédie-vaudeville en un acte, représentée pour la première fois sur le théâtre du Vaudeville, le 10 novembre 1810 ; par M. de S.-REMY. – Prix 1f 25c, et 1f 40c franc de port. – A Paris, chez M.lle Lecouvreur, libraire, éditeur de pièces de théâtre, galerie et porte du Théâtre Français, n°. 1, rue de Richelieu.

La pièce reparaît le 24 janvier 1811, dans un spectacle demandé consacré à trois pièces mettant Cendrillon en scène (p. 168) :

THEATRE DU VAUDEVILLE. – Spectacle demandé : La Cendrillon des Ecoles ; Cendrillon, ou l’Ecole des Mères ; les six pantoufles ou le Rendez-Vous des Cendrillons.

Même opération le 3 février (p. 242).

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 15e année, 1810, tome VI, p. 138 :

[Cendrillon est à la mode en 1810, et en voici une version scolaire, l’histoire d’une pauvre fille mal traitée parce qu’elle est orpheline, mais que la bonté d’un jeune homme et de son père sort de sa condition malheureuse (il ne semble pas qu’il y ait une intrigue amoureuse dans cette pièce, du moins le critique n’en parle pas). En tout cas, une belle pièce morale. La pièce a réussi, l’auteur a été nommé, et les acteurs chargés des rôles principaux « ont très-bien joué ».]

La Cendrillon des Ecoles, ou le Tarif des prix, vaudeville en un acte, joué le 10 novembre.

Le Vaudeville a aussi donné sa nouvelle Cendrillon, quoiqu'il en eût déjà une dans son répertoire. Celle-ci est victime des intrigues scolastiques.

Madame de Saint-Gérant, maîtresse de pension, s'est ruinée en 1809 pour avoir donné tous ses prix au mérite seul. La distribution des prix pour l'année 1810 arrive. La pauvre Annette, jeune orpheline, est celle qui fait les couronnes, mais ce n'est pas pour elle qu'elle travaille. Elle a cependant beaucoup de vertus et de mérite, mais Madame de Saint-Gérant n'aime que l'argent, aussi a-t-elle une sensibilité qui compte. A côté de la pension de Demoiselles, est un collège ; un jeune homme, nommé Emile, a pris en amitié cette pauvre orpheline. Il saute par dessus le mur, et se trouve chez les Demoiselles. Le jardinier, séduit par les discours du jeune homme, qui a sa sœur en pension chez Madame de Saint-Gérant, lui permet d'attendre la distribution des prix ; mais il lui recommande d'être sage, de tout voir et de ne rien toucher.

Madame de Saint-Gérant et son mari viennent dans un petit pavillon faire leur liste pour les prix : les élèves écoutent aux portes; la soeur d'Emile, comme la plus riche, a de rigueur le premier prix ; les autres sont donnés avec la même justice; par conséquent Annette n'a rien. Le jardinier surprend la liste, et la donne au jeune Emile ; celui-ci se déguise, et vient apporter une lettre à Madame de Saint-Gérant, avec une bourse de 600 fr. Une pareille somme change les idées de l'institutrice ; Annette aura un accessit. Le père d'Emile vient voir sa fille ; il est surpris de rencontrer son fils dans sa pension : celui-ci s'excuse, et dévoile l'injustice de Madame de Saint-Gérant; le père a peine à la croire ; il s'assure de la vérité, et adopte Annette. Madame de Saint-Gérant fait faire par son mari une liste nouvelle, dans laquelle Annette a le second prix. Le père d'Emile tire la première de sa poche, et fait voir à l'institutrice qu'il n'est pas sa dupe.

Cette petite pièce a réussi. On a demandé l'auteur qui est M. de Saint-Remy.

Mesdames Hervey et Deville, et M. Hippolite ont très-bien joué les rôles principaux.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1811, p. 270-275 :

[En pleine « mode » des Cendrillon, le Vaudeville propose la sienne, mais le titre réel, c’est le Tarif des Prix, qui donne une bonne idée du sujet. Puisque dans la pièce, il s’agit plus de distribution des prix que de jeune fille rejetée par sa famille, Cette cérémonie des prix est un rite de fin d’année scolaire, et elle devrait couronner le mérite des élèves. Mais le critique souligne combien cette équité peut être mise à mal par « des considérations particulières », un grand nom, une grande fortune. Après une indispensable citation de Properce (l’or corrupteur n’est pas une nouveauté), résumé de l’intrigue, en évoquant d’abord la situation d’Annette, puis en racontant les injustices subies par la pauvre Annette, puis la façon dont son mérite est enfin reconnu. La pauvre orpheline obtient le prix qu’elle mérite grâce à un protecteur qui accepte encore qu’elle épouse son fils. La fin estd écrite comme parfaitement morale : l’injustice est réparée, mais la bonté naturelle d’Annette l’incite à demander qu’on pardonne à sa persécutrice. Intrigue simple, intéressante ; style pur, dialogue facile, qualités rares au Vaudeville, où la langue n’est pas un souci premier. Les couplets sont agréables, les scènes sont spectaculaires : le succès a couronné la pièce. Les interprètes « ont joué avec leur intelligence ordinaire », l’auteur a été demandé, et la pièce est promise à un bel avenir, conforme au souhait du couplet d’annonce.]

Théâtre du Vaudeville.

Le Tarif des Prix, ou la Cendrillon des Ecoles.

Chaque théâtre veut avoir une Cendrillon. C'est maintenant le nom à la mode, et c’est probablement la seule raison qui ait déterminé l'auteur de cette nouveauté à donner ce second titre à sa pièce. A la rigueur, elle pouvait s'en passer, et le premier indiquait le sujet d'une manière assez positive. Mais on fait toujours bien à la scène, comme dans le monde, de s'étayer d'une bonne recommandation ; un nom puissant en impose, prévient quelquefois une catastrophe et quand il ne servirait, comme celui de Cendrillon, qu'à attirer la foule, ne serait-ce pas déjà une assez bonne raison pour l'adopter ? Laissons donc l'auteur s'applaudir du choix de son titre, et bornons-nous à examiner sa pièce, qui est bien moins un exemple des caprices de la fortune en faveur d'une petite fille rejetée, ainsi que Cendrillon, dans les derniers rangs de la société, qu'une leçon vigoureuse et sévère donnée à ces maîtres intéressés qui trafiquent de l'éducation de leurs élèves. On sait qu'il est généralement en usage, dans nos maisons d'éducation, de distribuer des prix tous les ans, et cette époque importante est, par parenthèse, assez ordinairement consacrée, dans les institutions des deux sexes, à des fêtes, bals et comédies, qui détruisent souvent, en accoutumant la jeunesse à la distraction et aux plaisirs, le fruit des leçons de l'année entière. Mais ce n'est pas cet abus que l'auteur a voulu attaquer ; il en est un autre non moins pernicieux, et c'est lui qui fournit la morale de la pièce. Ces prix, si pompeusement décernés dans une représentation publique, devraient être uniquement accordés au mérite ; mais comme l'amour propre des parens est peut-être encore plus vivement flatté de ces succès que celui des enfans mêmes, il arrive que la justice est sacrifiée quelquefois à des considérations particulières ; le respect pour un nom puissant, et surtout la vénération profonde pour une grande fortune, l'espoir d'une marque de satisfaction, un présent fait à propos, l'emportent souvent, dans la balance, sur le talent sans appui, sur la vertu dans la pauvreté, et l'intérêt adjuge les couronnes et distribue les récompenses :

Auro pulsa fides, auro venalia jura.

(Properce).

« L'or qui bannit la bonne foi, l'or qui rend la justice vénale », porte sa funeste influence jusque dans ces premiers tribunaux où l'enfance apprend à connaître l'injustice. Voyons comment l'auteur de la pièce nouvelle a traduit ce vice sur la scène.

M. et Mme. de St.-Géran tiennent un pensionnat de jeunes personnes, séparé d'une pension de garçons par un mur peu élevé ; un semblable voisinage est rarement sans conséquence, et M. Emile d'Olban n'a pas manqué d'en profiter pour faire connaissance avec Mlle Annette, orpheline des plus intéressantes, élevée par charité dans le pensionnat de Mme. de St.-Géran, mais qui, n'ayant ni protecteur, ni fortune, est considérée comme une servante par ses compagnes, dont elle a même reçu le surnom de Cendrillon. Annette n'en est pas moins laborieuse, ni moins intelligente ; elle est toujours la première de sa classe ; mais cela ne suffit pas auprès de madame pour obtenir un prix.

Cependant l'époque marquée pour la distribution approche, la liste des pensionnaires à couronner est déjà faite, et la pauvre Annette n'est pas même désignée pour un accessit. Emile, qui, l'année d'auparavant, avait été témoin de la même injustice, songe à la prévenir cette fois-ci. Ses petites économies et la générosité de son père l'ont rendu propriétaire de vingt-cinq louis. Il met cette somme dans sa poche, avec une lettre pour Mme. de Saint-Géran, dans laquelle il la prévient qu'un inconnu se charge désormais de la pension d'Annette, et lui en fait passer la première année. Il franchit ensuite le mur mitoyen, et trouve, avec le secours d'un jardinier, le moyen de faire remettre à leur adresse la lettre et l'argent. On se doute bien que Mme. de Saint-Géran commence à regarder l'orpheline d'un œil plus favorable. En ce moment M. de Saint-Olban arrive pour voir sa fille, qui est aussi dans cette pension ; il est passablement étonné d'y rencontrer son fils, déguisé en garçon jardinier ; mais il apprend que cette métamorphose était destinée à cacher une bonne action, et se charge lui-même du rôle de bienfaiteur. Mme. de Saint-Géran ne manque pas alors d'inscrire Annette sur une seconde liste pour un premier prix ; mais, malheureusement, l'ancienne est tombée entre les mains de M. de Saint-Olban, qui la présente à cette avide institutrice, et la fait rougir de sa méprisable conduite. Cependant, il consent à oublier ses torts, à la prière d'Annette, et promet d'unir un jour Emile à la nouvelle Cendrillon.

Cette pièce est, comme on voit, d'une grande simplicité ; mais elle n'en est pas moins intéressante. Le style est pur, le dialogue est facile et sans prétention ; ce qui est rare à ce théâtre. La critique est sans amertume. Il y a des couplets fort agréables, et des scènes qui produisent beaucoup d'effet. Ce vaudeville a été écouté favorablement jusqu'à la fin, et des applaudissemens unanimes ont constaté son succès.

Hippolyte, Vertpré, Mmes. Bodin, Hervey et Deville, ont joué avec leur intelligence ordinaire.

L'auteur a été demandé, et l'on est venu nommer M. de Saint-Remi. Tout nous fait croire que le vœu que l'auteur exprime dans son couplet d'annonce sera rempli :

« Momus voudrait, en chansons,
» Donner des preuves frappantes
» Que ces Ecoles brillantes
» Ont aussi leurs Cendrillons ;
» La nôtre avec confiance
» S'adresse à votre indulgence ;
» Surtout point de pénitence,
» Encor moins de châtiment :
» La punir serait dommage ;
» Par égard pour son jeune âge ;
» Laissez-la jouer souvent ».

S.......

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