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La Chatte merveilleuse, ou la Petite Cendrillon

La Chatte merveilleuse, ou la Petite Cendrillon, folie en un acte, de Marc-Antoine Désaugiers et Gentil, 12 novembre 1810.

Théâtre des Variétés.

Titre :

La Chatte merveilleuse, ou la Petite Cendrillon

Genre

folie-vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

12 novembre 1810

Théâtre :

Théâtre des Variétés

Auteur(s) des paroles :

Marc-Antoine Désaugiers et Gentil

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 15e année, 1810, tome VI, p. 140-142 :

[Point important, puisque mis en premier : la pièce (ou du moins son héroïne) est à la mode (1810, année des Cendrillons). Plein succès, attribuée à l’interprétation de Brunet. La pièce est un décalque du conte de Perrault, ce que doit confirmer le résumé de l’intrigue. Les trois grands temps de l’histoire correspondent aux trois actes et à leur décor. Un peu de merveilleux tout au long de la pièce. Seul commentaire critique, la qualité de l’interprétation. Le compte rendu s’achève sur le nom des auteurs.]

La Chatte merveilleuse, ou la Petite Cendrïllon, folie en un acte, jouée le 12 novembre.

Voilà la pièce à la mode : celle qui fait courir tout Paris. La salle est pleine tous les jours avant six heures, et les grâces de Brunet rivalisent aujourd'hui avec celles de Mademoiselle Saint .Aubin dans le rôle de Cendrillon.

La pièce a été à peu près calquée sur celle de l'Opéra-Comique; mais on l'a ornée de tous les détails qui se trouvent dans le Conte de Perrault.

Cendrillon, l'une des filles de M. de la Canardière, est au coin du feu à gémir sur son sort, en écumant le pot. Une chatte blanche est à ses côtés ; cette chatte est une Fée. Tandis que la pauvre Cendrillon se lamente, des transparens de feu apparoissent avec ces paroles « Ça n'durra pas toujours » La joie succède à la tristesse : Cendrillon croit à peine ce qu'elle voit. Ses sœurs arrivent pour déjeûner ; elles la traitent avec dédain, se disputent pour plaire au prince Mirliflor, qui doit venir-les voir, et sortent pour faire des toilettes brillantes. Dans cet intervalle, le prince, qu'on n'attendoit pas si tôt, arrive. Cendrillon lui plaît par ses charmes et sa candeur ; il lui demande ce qu'elle est; c'est alors qu'elle chante une romance sur l'air : la chanson que chantoit Lisette. Cette ressemblance avec la musique de l'Opéra-Comique a été sentie généralement. Les sœurs arrivent bien éblouissantes, mais ne touchent pas le cœur du
prince. Cependant on part pour le bal que donne Mirliflor.

Cendrillon reste seule; alors la chatte prend sa forme de Fée, et vient au secours de sa filleule. Cendrillon change à vue au premier coup de baguette. Elle a une belle robe, des diamans, etc. Au second coup, un énorme potiron se transforme en une jolie calèche, traînée par deux chevaux, un rat et deux souris forment un cocher et deux laquais. « Partez, dit la bonne Fée, et songez, au coup de minuit, à vous retirer dû bal. » Cendrillon s'en alloit, mais elle fait arrêter son équipage pour dire une chose qui décèle un bon cœur, une ame charitable : « Ma marraine, pendant que je serai au bal, s'il vous prenoit envie de redevenir chatte, vous trouverez votre pâtée sous la fontaine. »

Le théâtre change et représente le palais du prince Mirliflor, qui ne sait à quelle Vénus donner la pomme, lorsque Cendrillon, par sa danse et son chant, achève de le séduire et de le fixer. Minuit sonne, Cendrillon se sauve, et laisse échapper de son pied une petite pantoufle verte. La scène change de nouveau, et l'on revoit le Salon de M. de la Canardière ; on essaye la pantoufle, Cendrillon seule peut la chausser. La Fée vient expliquer le mot de l'énigme, et le prince Mirliflor épouse Cendrillon,

L'ensemble de la pièce a été parfait. Brunet, Potier, Tiercelin, Mesdames Pauline, Baroyer et
Vautrain, se sont acquittés on ne peut mieux de leurs rôles, et méritent les applaudissemens qu'ils ont reçus.

Les auteurs de cette folie, sont MM. Desaugiers et Genty.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1811, p. 284-289 :

[En pleine mode des Cendrillon, une nouvelle pièce, mais qui pourrait bien clore la liste, tant elle a eu de succès. La nouvelle version est fidèle au conte de Perrault, avec tous les éléments caractéristiques de l’univers merveilleux. Pas de frais d’imagination donc pour l’intrigue et tous les détails empruntés à Perrault, mais les auteurs les ont arrangés pour la scène « avec une adresse admirable ». Ils montrent « une Cendrillon qui ne le cède à aucune de ses sœurs en innocence, en graces et en tournure, et qui l'emporte évidemment sur elles par le double avantage de briller alternativement sous les habits des deux sexes », puisque son rôle est joué par un acteur masculin, Brunet. La première représentation a été un grand événement. Le public a attendu avec une impatience brillante la pièce nouvelle, après deux pièces entendues avec plus ou moins d’indulgence. Le critique renonce à analyser la pièce, et le compte rendu joue de la prétérition pour refuser de dire ce qu’il dit néanmoins, de la fée, du bal, de la déroute des deux méchantes sœurs, du succès de Cendrillon. Inutile donc de parler de l’enthousiasme du public, des multiples qualités de la pièce (action rapide, gaieté du dialogue, couplets). Les acteurs ont été excellents, en particulier Brunet. Les auteurs ont été cités, bien sûr.]

Théâtre des Variétés.

La Petite Cendrillon, ou la Chatte Merveilleuse.

Voici encore une Cendrillon, et probablement la dernière. Quel auteur assez téméraire oserait traiter le même sujet après un succès si brillant et si mérité ? Cette fois, au moins, nous avons vu une véritable Cendrillon, et celle de toute cette nombreuse famille qui, certainement, ressemble le plus à sa patrone. C'est le conte de Perrault mis en scène avec toute l'exactitude possible. Une fée bonne et puissante, un prince tout aimable, un beau-pére et deux sœurs fort ridicules, une Cendrillon bien naïve, et pour qu'il n'y manque rien, une citrouille changée en carosse, un gros rat et deux souris métamorphosés en laquais et en cocher. Si les auteurs n'ont pas eu de grands frais d'imagination à faire pour inventer tous ces détails heureux dont on a bercé notre enfance, ils n'en ont pas moins le mérite de les avoir arrangés pour la scène avec une adresse admirable, et pour ajouter encore à l'effet des changemens de costumes à vue, à la fraîcheur et à la variété des décorations, en un mot à tous les prestiges de la féerie, ils ont fait choix d'une Cendrillon qui ne le cède à aucune de ses sœurs en innocence, en graces et en tournure, et qui l'emporte évidemment sur elles par le double avantage de briller alternativement sous les habits des deux sexes. Brunet est une autre Cénis dont on peut dire encore avec plus de vérité que de la première :

.  .  .  .  .Et juvenis quondam, nunc fœmina, Cœnis
Rursus et in veterem fato revoluta figuram.

(Virgile).

Cénis enfin, Cénis, tour-à-tour homme et femme,
Et tour-à-tour changeant et de sexe et de flamme.

(Delille).

On comptait d'avance sur cette aimable Cendrillon-Brunet ; aussi l'impatience du public était-elle à son comble, et le pauvre Chanteur Eternel, qui commençait le spectacle, a failli en être la victime. Ce n'est pas sans peine qu'il est arrivé jusqu'au bout de sa longue litanie de couplets, et sa poitrine a dû souffrir un peu de l'accompagnement imprévu qu'on lui avait ménagé au parterre. Il a fallu dévorer encore une autre pièce , mais celle-là, du moins, était semée de couplets pétillans d'esprit et de gaieté, et on l’a écoutée avec plus d'indulgence. Enfin le rideau s'est levé pour la troisième fois, et Cendrillon a paru, au bruit des applaudissemens, entre un pot-au-feu et la Chatte Merveilleuse, écumant de colère des duretés de ses sœurs, et tirant des marrons du feu avec la patte de sa protectrice. Je ne chercherai point à donner l'analyse de cet ouvrage, elle est déjà connue de tout le monde ; car ceux qui, par hasard, n'auraient jamais entendu parler du code, ont vu sans doute la première Cendrillon, et l'intrigue et [sic] absolument la même dans les deux pièces. Mais il faut convenir que la fée Minette est bien plus intéressante que le précepteur magicien. Sous sa forme de chatte, elle joue mille tours à M. de la Canardière, beau .père de Cendrillon, et elle vient tout récemment encore de lui déchirer une superbe paire de manchettes ; aussi le vieux gentilhomme, qui n'est pas endurant, s'est-il mis à sa poursuite avec une longue rapière ; mais la bonne Cendrillon sauve la vie à Minette, et celle-ci ne tarde pas à lui en témoigner sa reconnaissance. Je ne raconterai ni l'histoire du bal, ni celle des prétentions de M.lles Madelon et Javotte de la Canardière sur le prince Mirliflore, ni l'apparition subite de Cendrillon, vêtue en princesse ; on se doute de l'effet qu'elle doit produire sous ce nouveau costume, puisque, dès le matin, elle avait, en soufflant le feu, allumé un incendie dans le cœur du prince. Les deux sœurs voient d'assez mauvais œil l'arrivée de cette redoutable rivale, et n'en veulent pas moins soutenir leurs prétentions par leurs talens. Madelon s'avance pour disputer le prix du chant ; elle entonne même, d'une voix perçante, une ariette qui commence par le mot quoi ; mais, ô disgrace imprévue ! La voix lui manque tout-à-coup, elle ne peut prononcer une seule syllabe; M. de la Canardière a beau s'écrier : Quoi de plus pur que ce quoi ? Le prince ne veut pas s'en contenter, et touché du trouble de Madelon, l'engage de se remettre.... à sa place. Javotte lui succède ; c'est au prix de la danse qu'elle aspire ; mais elle a beau faire des battemens de la jambe droite, la gauche reste impitoyablement immobile, et le prince observe fort judicieusement que cette malheureuse jambe gauche ne lui semble pas assez exercée. Ou se doute bien qu'il y a du sortilège là-dessous, et que ces petits accidens sont l'ouvrage de la fée. Peut-être serait-il à souhaiter que cette fée charitable exerçât plus souvent son influence secrette sur toutes celles qui, en dépit de la nature et de l'art, ont, comme M. le de la Canardiére, des prétentions aux entrechats. Cendrillon paraît à son tour ; elle chante et danse tout-à-la-fois avec cette perfection et ces graces qui ont déjà valu tant d'applaudissemens à Brunet. Le prince Mirliflore ne peut résister à tant de charmes ; il donne sa main à Cendrillon, qui, auparavant, ne manque pas de perdre et de retrouver sa pantoufle, de la manière que chacun sait. Je n'essayerai pas de décrire l'enthousiasme du public, et, franchement, la rapidité de l'action, la gaieté du dialogue et des couplets méritaient à cet ouvrage une réception favorable. Les caricatures des deux sœurs ont paru très-comiques ; le jeu plaisant de Potier, dans le rôle du prince Mirliflore, et de Tiercelin dans celui de- M. de la Canardière, n'a rien laissé à désirer ; mais Brunet sur-tout a réuni tous les suffrages, et on l'a applaudi avec transport après ce dernier couplet, qu'on lui a fait répéter :

Je n'ai pas de ma voisine
L’œil perçant, le jeu malin ;
Ce je n'sais quoi qui lutine.
La grace et l'air enfantin ;
Mais entre nous j'imagine
Qu'on peut aimer la voisine
Sans délaisser le voisin.

Le public a prouvé jusqu'à l'évidence sa faiblesse pour les Cendrillons ; mais celle-ci peut se passer d'indulgence, et ne réclamer que la justice. Et sans craindre d'être faux prophète, on peut assurer d'avance au voisin qu'il n'aura probablement rien à envier à sa voisine.

Les auteurs de cette ingénieuse parodie sont MM. Désaugiers et Gentil.

L'Opionion du parterre, septième année (1810), p. 333 :

Lundi 12 Novembre. Première représentation de la Chatte Merveilleuse, ou la Petite Cendrillon, folie-féerie en un acte, mêlée de couplets, par MM. Désaugiers et Gentil.

Brunet joue le rôle de la petite Cendrillon, Tiercelin celui de M. de la Canardière, et Potier celui du Prince Mirliflor. Grand succès.

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