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Le Calife de Bagdad

Le Calife de Bagdad, opéra comique en un acte, en prose, de Saint-Just [Godard], musique de Boyeldieu, 29 fructidor an 8 (16 septembre 1800).

Théâtre de l'Opéra Comique National

Titre :

Calife de Bagdad (le)

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

29 fructidor an 8 [16 septembre 1800]

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique National

Auteur(s) des paroles :

Saint-Just

Compositeur(s) :

Boieldieu

Almanach des Muses 1802

Isaoun, jeune et beau calife de Bagdad, se plait à se déguiser, et à chercher des aventures bizarres. Sous l'un de ses travestissements, il a eu le bonheur d'arracher la jeune et intéressante Zétulbé à la fureur d'une troupe de brigands ; il l'aime, et en est aimé ; mais il a promis à son conseil de mettre son amour à l'épreuve d'un mois d'examen et de mystère. Le dernier jour de l'épreuve est arrivé ; il s'amuse sous le nom supposé d'Ilbendo-Kali, de la frayeur qu'il inspire à Hémaide, mère de Zétulbé, qui s'obstine à le prendre pour un chef de dévaliseurs de caravanes ; il demande à cette femme la main de sa fille, envoie des présens, prépare des fêtes, et n'éprouve qu'un refus constant, jusqu'à ce que, paraissant sous son vrai nom, et dans tout l'appareil de sa puissance, il devient enfin l'époux de celle qu'il aime.

Sujet tiré des contes arabes, mais adapté fort adroitement à la scène ; situations plaisantes, fondées sur le déguisement du calife, sur la méprise d'Hémaide, et sur l'effet que produit le nom d'Ilbendo-Kali, connu de tous les officiers de police pour celui du calife. Dialogue spirituel ; musique fraîche, gracieuse et gaie. Grand succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Vente, an IX :

Le Calife de Bagdad, opéra en un acte, Représenté sur le théâtre Favart, le 29 fructidor an VIII. Paroles de S. Just, musique de Boieldieu.

Décade philosophique, littéraire et politique, an IX, premier trimestre, n° 2 (20 Vendémiaire), p. 107-110 :

[Le compte rendu renvoie aux Mille et une Nuits, dont la pièce s’inspire heureusement, et qui constitue une « mine féconde de traits ingénieux et d'aventures plaisantes » (on est à l’Opéra Comique, pas au Théâtre Français). Suit le rituel résumé de l’intrigue insistant sur le jeu des identités usurpées. A ce schéma qu’on pourrait trouver peu vraisemblable, le critique trouve des qualités dues à la rapidité et à la variété de l’action, à la qualité du dialogue et à celle de la musique. Les deux caractères principaux (le Calife et Hémaide) sont même trouvés remarquables. Mais on peut regretter que « la manie des petits actes » à l’Opéra Comique conduit à « tronquer des sujets féconds », ce qui est le cas ici, même si le talent de l’auteur apparaît dans cet acte. C’est vrai tant pour l’auteur des paroles que pour le musicien dont on peut craindre de voir leur talent bridé par cette mode dont on peut craindre qu’elle ne tue « l'intérêt et le goût des compositions larges et savantes, comme la manie des brochures a déjà nui si efficacement à la lecture des livres profonds et raisonnés ». Prophétie pessimiste (comme on les aime en ce temps comme en d’autres temps), compensée par l’affirmation de la qualité de cet « ouvrage charmant, qui doit attirer et plaire fort longtems »]

Théâtre de l'Opéra-Comique-National, rue Favart.

Le Calife de Bagdad.

La collection des contes arabes, intitulée les Mille et une Nuits, est une pépinière de situations comiques ou intéressantes, déjà mise fréquemment à.contribution ; mais l'art de les transplanter sur la scène française est devenu d'autant plus difficile, qu'on a puisé plus souvent dans cette source. Le citoyen Saint-Just vient de prouver qu'avec de l'esprit et du goût on pouvait encore tirer parti de cette mine féconde de traits ingénieux et d'aventures plaisantes.

Isaoun, jeune et beau, Calife de Bagdad, aime à se déguiser et à chercher des aventures bisarres. Sous l'un de ses déguisemens fantasques, il a eu l'avantage d'arracher une jeune et intéressante beauté à la fureur d'une horde de brigands. La jeune Zétudbé, c'est son nom, se trouve être la fille d'un ancien Officier du Calife. Elle est depuis quelque tems tombée dans l'infortune, ainsi que sa mère Hémaide. Le généreux Isaoun conçoit le noble projet de venger les grâces et la vertu des injustices du sort, et d'élever jusqu'à lui Zétudbé, dont il est parvenu à se faire aimer, tant à cause du service qu'il lui a rendu, que par l'assiduité d'un hommage délicat et persévérant, auquel la jeune personne n'a pu refuser un tendre retour.

Hémaide s'est bien apperçue également de cet amour ; mais elle ne peut s'imaginer qu'un homme dont on ignore complettement la naissance et les moyens, et qui paraît avoir des raisons essentielles de se déguiser toujours, soit un parti sortable pour sa fille ; elle cherche donc à l'en dissuader ; elle pousse même la prévention contre ce prétendant, jusqu'à le croire lui-même un chef des dévaliseurs de caravannes, ou un insensé. Plus il fait parade de magnificence, plus ses offres sont brillantes, plus il lui devient suspect.

Isaoun, de son côté, ne peut encore se faire connaître, parce qu'il a promis à son conseil de mettre son amour à l'épreuve d'un mois d'examen et de silence. Il se cache en attendant sous le nom supposé de Il Bendo-Kali, avec l'attention de prévenir tous les Magistrats, tous les Officiers de Police de ce nom mystérieux, et d'exiger d'eux le serment du silence le plus absolu.

Le dernier jour de ce mystère touche à son terme. Le Calife, plus amoureux que jamais, croit pouvoir donner plus d'éclat à ses prétentions sur Zétudbé. Il se présente, demande sans préambule à Hémaide la main.de sa fille, envoie des présens magnifiques, prépare des fêtes et des festins ; envain Hémaide. le refuse, l'erreur dans laquelle il la trouve sur son compte ne fait que l'amuser, il se plaît à la prolonger. Un Emir, amoureux de Zétudbé, à qui Hémaide a refusé sa main, apprend qu'un inconnu s'est mis sur les rangs ; il fait cerner la maison, envoie des Alguazils pour l'arrêter ; Il Bendo-Kali se nomme, tous les Sbirres se prosternent et lui demandent pardon. C'est de ce déguisement toujours comique de la puissance qui se cache, de l'obstination, peut-être un peu trop longue de Hémaide, à prendre le Calife pour un chef de brigands; de l'effet que produit ce nom de II Bendo-Kali, et des surprises réitérées de la mère de Zétudbé, que naissent, coup sur coup, des situations fort gaies, dont le dénouement est enfin la présence du Calife, sous son véritable costume, déployant tout l'appareil de sa puissance, et donnant publiquement sa main et son trône à l'objet de son amour.

Il ne serait pas impossible à la critique d'élever d'assez fortes objections contre la vraisemblance de ce plan et de cette action : mais les Auteurs ont eu l'adresse de la désarmer sans cesse, par la rapidité de la marche, par la variété des tableaux, par l'esprit d'un dialogue vif et saillant, par la fraîcheur des compositions musicales. Il faut même rendre justice à l'Auteur des paroles : le caractère du Calife, affectant les airs d'un audacieux brigand, et trahissant malgré lui son rang et sa dignité, est une opposition neuve et piquante. Le ton et le style de Hémaide, d'abord un peu bisarres, sont assez adroitement motivés pour en sauver l'invraisemblance, et font mieux ressortir le comique des situations. Ces deux rôles, sur lesquels repose tout l'édifice de la pièce, ont en outre l'avantage d'être joués d'une manière très-originale et très-bien sentie, par Elleviou et madame Dugazon.

Il est cependant impossible de se défendre d'une observation qui chaque jour acquiert plus d'importance : c'est que la manie des petits actes, au théâtre de l'Opéra-Comique, force aujourd'hui presque tous les Auteurs à tronquer des sujets féconds, et à n'offrir ainsi que des extraits ou des canevas de pièces. Cette méthode et son succès sont, je le sais, à l'avantage de l'impuissance ou de la paresse ; mais l'Auteur du Calife de Bagdad, par le talent même qu'il a employé à réduire ce riche sujet, semble annoncer qu'il serait encore plus à son aise dans les développemens dramatiques que dans les esquisses, c'est ainsi que dans les arts tout se rapetisse incessamment, et les hommes d'un vrai talent sont à mes yeux toujours plus coupables que d'autres, de sacrifier ainsi au goût des succès éphémères, l'avantage des succès solides et durables. Les musiciens me paraissent plus particuliérement intéressés à ce que cette mode, des petits actes, ne borne pas leur essor. La musique du citoyen Boyeldieu est fort jolie, très-bien placée, pleine de fraîcheur et de mélodie : mais dans les sujets sans développemens, a-t-on le tems de donner de la variété, du caractère, d'imprimer un véritable cachet à ses compositions musicales ? J'oserais prédire que la manie des petits actes, au théâtre de l'Opéra-Comique, finira par tuer l'intérêt et le goût des compositions larges et savantes, comme la manie des brochures a déjà nui si efficacement à la lecture des livres profonds et raisonnés.

La pièce qui a motivé cette digression, est néanmoins un Ouvrage charmant, qui doit attirer et plaire fort longtems.                         L. C.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, III, p. 409-410 :

[Compte rendu d’une pièce ayant rencontré « le plus brillant succès. L’article s’ouvre sur le traditionnel résumé de l’intrigue, avant de féliciter successivement l’auteur des paroles (« pièce gaie et originale »), l’auteur de la musique (« à laquelle on doit beaucoup d'éloges pour son caractère de gaieté et sa composition facile et harmonieuse ») et les interprètes (« le plus grand ensemble », quatre interprètes remarqués particulièrement, avec mention spéciale pour une d’entre eux).

THÉATRE FAVART.]

Le Calife de Bagdad.

Cet opéra a été joué, le 29 fructidor, avec le plus brillant succès. Le sujet est tiré des Mille et une Nuits.

Isaoul, calife de Bagdad, peu confiant dans la vigilance de ses officiers, se plaît à parcourir, la nuit, les rues de la ville. Il a pris un nom de convention pour se faire reconnoître de ses principaux officiers, lorsque l'occasion l'exigerait. Ce nom est Pontokali. C'est sur cette bizarre fantaisie que roule toute la pièce. Isaoul, à la faveur de son déguisement, a sauvé la vie à Zétulbé, dont il est devenu amoureux. Zétulbé l'aime sans le connoître, et refuse la main de l'émir Missour. Les surprises que cause à Zétulbé et à sa mère, Lémaïde, la conduite singulière d'Isaoul, qui s'est introduit, chez elles, sous le costume d'un brigand, occasionnent des scènes originales. Ici, le nom de Pontokali fait fuir un cadi, qui venoit exiger de Lémaïde une somme considérable ; là, ce nom fait tomber la face contre terre ceux qui venoient arrêter Isaoul, dénoncé comme voleur. Une fête brillante, dans laquelle il paroît sous les habits de son rang, et dans laquelle il se nomme enfin, dénoue cette pièce gaie et originale. Elle est du C. Saint–Just. La musique, à laquelle on doit beaucoup d'éloges pour son caractère de gaieté et sa composition facile et harmonieuse, est du C. Boyeldieu.

La pièce a été jouée avec le plus grand ensemble. Le C. Elleviou a rempli le rôle du caliſe avec tout le comique qu'on peut y desirer. M.me Dugazon et M.me Gavaudan ont très-bien joué les rôles de Lémaide et de Zétulbé ; mais le monologue, joué, chanté et dansé par M.lle Philis, a entraîné tous les suffrages. Cette scène est composée de caractères de musique analogues aux caractères des divers pays de l'Europe ; on doit y admirer également l'actrice et le compositeur.

L’Esprit des journaux français et étrangers, trentième année, tome I, vendémiaire an IX [septembre-octobre 1800], p. 211-214 :

[Dans la mode orientaliste, inspirée des Mille et une nuits (le critique est trop prudent pour l’affirmer), c’est une pièce remarquable par une intrigue invraisemblable (elle l’est vraiment) et un dialogue négligé. Mais elle est très gaie, et « le censeur le plus rigoureux » est obligé de le reconnaître. La musique vaut encore mieux que le livret, et elle réussit l’exploit d’unir les deux éléments inconciliables de la musique, le chant et l’harmonie (inconciliables aux yeux des gens du temps, bien sûr : la musique est un champ de bataille entre partisans de l’un et partisans de l’autre, et contenter tout le monde est bien difficile. Par surcroît, la distribution mérite les plus grands éloges, et les auteurs ont été demandés et nommés, et le compositeur a même « été amené sur la scène » (c’est de bon ton de résister un peu dans cette circonstance).]

Le Calife de Bagdad, opéra en un acte.

Un conte tiré des Mille & une Nuits nous paroît avoir fourni le sujet de cet opéra, représenté dernièrement sur le théâtre de l'Opéra comique, avec le succès le plus complet.

Un calife de Bagdad se plaît à parcourir les rues de cette ville pendant la nuit, & sous divers déguisemens. Tous les officiers de sa garde, tous les hommes en place sont dans sa confidence ; &, quand il lui arrive une fâcheuse affaire, il lui suffit de prononcer un mot de convention pour être promptement secouru : ce mot est Bondo-cadi. Dans une de ses tournées nocturnes, il a occasion de sauver la vie à une jeune fille, Zetusbé, que des brigands veulent dépouiller. Cette innocente créature, pleine de reconnoissance pour son libérateur, éprouve bientôt pour lui un sentiment plus vif ; de son côté, le calife devient amoureux de Zetusbé, & forme le projet de l'épouser. Il se présente chez la mère de son amante, sous des vêtemens qui lui donnent plutôt la mine d'un Arabe-larron que celle d'un souverain. Cette apparence effraie Lémaide (c'est le nom de la mère) ; mais son effroi fait bientôt place à une surprise plus grande encore, lorsque cet inconnu lui demande la main de Zetusbé, & lui annonce affirmativement qu'il sera son gendre. Un émir, à qui cette bonne femme doit une forte somme, se présente alors chez elle, & réclame insolemment son argent ; l'inconnu paie la somme due ; l'émir veut savoir à qui il a affaire : « A Bondo-cadi », répond le calife : & ce mot épouvante tellement le créancier, qu'il s'enfuit en criant allah, & sans prendre sa bourse. Peu après on vient annoncer à Lémaïde que l'étranger a été reconnu pour un chef de brigands, & qu'on le cherche de tous côtés. Zetusbé & sa mère lui conseillent de se sauver. Bien loin de se rendre à cet avis, il affecte une grande gaieté ; il donne une fête brillante à ses hôtes stupéfaits ; &, lorsque les gens de la justice viennent pour le saisir, il boit tranquillement du vin de schiras à leur santé. Cependant, on va lui faire violence ; il nomme Bondo-cadi , & tous les soldats se prosternent devant lui, face contre terre. Zetusbé & sa mère ne peuvent sevenir de leur surprise ; elles questionnent tout le monde. C'est Bondo cadi, est la seule réponse qu'elles reçoivent. Plusieurs autres événemens mystérieux, du même genre, achèvent de confondre leurs idées ; enfin, une cérémonie magnifique annonce le retour de l'inconnu, & le calife paroît couvert des habits les plus somptueux. On pense bien que la mère de Zetusbé, reconnoissant son souverain dans l'homme qu'elle vouloit chasser, n'a plus envie de lui refuser sa fille. Zetushé fait encore moins de difficultés, & la pièce finit par une noce.

Cette pièce prête sans doute plus qu'une autre à la critique, surtout par son défaut de vraisemblance & par la négligence de son style ; mais le censeur le plus rigoureux ne peut s'empêcher de dire, en la voyant : J'ai ri, me voilà désarmé. En effet, peu d'ouvrages inspirent autant de gaieté ; tout y est original, tout y est comique d'un bout à l'autre ; en un mot, c'est un véritable & très bon opéra-folie.

Le mérite de la musique l'emporte encore, selon nous, sur celui du poëme ; gracieuse & savante, elle satisfait à la fois les amis du chant & ceux de l'harmonie, deux espèces d'hommes qui se trouvent rarement d'accord.

Mlle. Philis aînée, chargée du rôle de Quési (soubrette), a chanté son air de la 3e, scène avec un talent & un goût au-dessus de tous éloges ; aussi a-t-elle été applaudie à trois reprises avec le plus vif enthousiasme. Mme. Gavaudan n'a pas chanté sa romance avec moins d'expression ; Mme. Dugazon a donné une physionomie très-comique au rôle de Lémaide ; & le C. Elleviou a réuni tous les suffrages dans celui du Calife.

Les auteurs ont été demandés & nommés ; ce sont les CC. St-Just pour les paroles, & Boiel-Dieu pour la musique. Ce dernier a été amené sur la scène.

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