Le Château des Apennins

Le Château des Apennins, ou le Fantôme vivant, pièce en 5 actes, à spectacle, mêlée de chants, danses et ballet, de Guilbert de Pixerécourt, musique de Morange, ballets de Milon, 19 Frimaire an 7 [9 décembre 1798].

Théâtre de l'Ambigu-Comique.

Almanach des Muses 1800

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an 7 :

Le Château des Apennins ou le fantôme vivant, drame en cinq actes, en prose, et à grand spectacle. Imité du Roman anglais, les Mystères d'Udolphe. Par R. C. Guilbert Pixerécourt. Ballets de L. J. Milon, du Théâtre des Arts. Représenté pour les premières fois, sur le théâtre de l'Ambigu-Comique, les 19, 20, 21, 22, 23, 24 Frimaire, an VII.

Courrier des spectacles, n° 657 du 20 frimaire an 7 [10 décembre 1798], p. 2-3 :

[L'essentiel de l'article se réduit à raconter par le menu une intrigue tout de même bien touffue, sans porter de jugement. On y retrouve les recettes du mélodrame (même si la pièce est présentée comme une pantomime dialoguée). On s'y travestit, on y donne du poison, on se bat. Le jugement final montre une relative déception : le critique aurait voulu plus d'intérêt, tout en reconnaissant que la faute pourrait en être au fait qu'il s'agit de la première représentation et au choix maladroit d'un acteur pour un rôle essentiel. Pour lui, le meilleur acte, c'est le premier, et il suggère de fondre actes 2 et 3. Les auteurs sont nommés. Les félicitations vont surtout au décorateur et au chorégraphe. C'est le menuet « qui a ouvert la fête » qui a permis de montrer le talent supérieur de Milon dans la composition de ce menuet.]

Théâtre de l'Ambigu-Comique.

On a donné hier, pour la première fois, à ce théâtre, le Château des Appenins, pantomime dia- [sic] en cinq actes et à spectacle. En voici l’analyse :

Montoni, chef de brigands, et maître du château d’Udolphe, veut marier à un de ses partisans, le comte Morano, sa nièce Emilie, au mépris de la promesse qu’il lui a faite jadis de lui faire épouser Alfred, jeune seigneur vénitien. Morano, jaloux du crédit et des richesses de Montoni, ne veut épouser Emilie que pour s’emparer des biens de son rival ; et pour s’en défaire il confie à Cesario, un de ses affidés, le projet de l’empoisonner. Déjà la fête ordonnée par Montoni a fait place à un repas splendide ; Césario tient le vase, et verse la liqueur dans la coupe ; mais en même teins il l’aproche de Morano, qui, mêlé parmi plusieurs personnes masquées, y jette du poison. La liqueur bouillonne, la coupe se brise ; Montoni, furieux, déclare qu’il y a un traître près de lui. Morano veut s’échapper. Il est arrêté. On lui arrache son masque, et on l’entraîne en prison. Sa garde est confiée à son complice même, à Cesario, qui est geôlier du château.

Les soupçons de Montoni se portent aussi sur Emilie, et il la fait enfermer dans l'appartement qu’avoit occupé sa femme Laurentina. Emilie a pour compagne une jeune Vénitienne, nommée Anna, aimée de Ludovico, homme de confiance de Montoni, mais entièrement opposé à son maître par le cœur et par les principes. Ce Ludovico a souvent entretenu Anna d’histoires de revenans, qui troublent la tête de cette pauvre fille, ensorte qu'elle a toutes les frayeurs du monde lorsqu’il s’agit de passer la nuit dans cette chambre abandonnée, et où est morte une femme.

Cependant le sommeil suspend leurs craintes ; Morano, conduit par Césario, pénetre dans la chambre, et veut enlever Emilie sur le champ. Une voix lugubre leur crie : arrêtez. Césario qui est amoureux d’Anna, sans en être aimé, veut empêcher ses cris en lui fermant la bouche avec un mouchoir. Le Fantôme approche, Morano demeure interdit, et le bruit que fait Montoni qui accourt, attiré par les cris, force Césario à une fuite précipitée. Morano se défend, et se sentant vivement pressé par son adversaire, il tombe, feignant d’être blessé à mort. Montoni dupe de ce stratagème, le fait porter hors des murs du château.

Durant le combat Emilie et Anna se sont échappées : Emilie, fidèle à un avis qu'un inconnu est venu lui donner pendant la fête, se rend à une chapelle en ruines. Là, malgré les prières d’Anna, qui craint sans cesse les esprits, elle attend que minuit sonne, et veut voir quel sera le .résultat de ce rendez-vous extraordinaire. Cesario les voit, et va avertir les gardes ; mais pendant son absence minuit sonne, une voix se fait entendre ; c’est Alfred que reconnoît Emilie.

Alfred est enfermé dans une tour du château  ; un escalier antique conduit encore près de la fenêtre de sa prison ; Emilie y monte ; tout-à-coup l’escalier s’écroule, et Alfred voit son amante suspendue et se retenant à peine à un angle de la muraille. Cesario vient avec sa patrouille ; Anna et Ludovico se cachent, personne n’est apperçu. Ludovico descend ensuite Emilie, et l’emmène, donnant une commission à la timide Anna, qu’ils laissent seule.

Cesario reparoît et cherche si bien, qu’enfin il trouve Anna, et qu’il l’emmène chez lui. Là, il veut lui parler de son amour. Anna, avertie par un billet, prétexte une indisposition pour l’éloigner. A peine est-il sorti, qu’Emilie, sachant qu’Alfred est dans une prison contiguë à la maison de Cesario, entre par la fenêtre au moyen d’une échelle de cordes, et à force de recherches, elle trouve la clef, qui l’introduit près de son amant. Ce dernier connoît une issue secrète par où il pénètre souvent dans le château sous la forme d’un fantôme ; c'est par-là qu’ils s’échappent, lui, Emilie et Anna. Césario amenant Montoni, lui conseille d’interroger Anna ; mais à sa grande surprise elle est disparue. Alors il intente une accusation contre Ludovico : ce dernier arrive, et confond son ennemi. Césario est jeté dans un cachot par ordre de Montoni.

Cependant Morano a été chercher des secours chez les Vénitiens ; il arrive à leur tète , et cerne le château. Alfred voulant s’échapper avec ses deux fugitives, et gagner le camp des Vénitiens, est arrêté de nouveau par Montoni ; mais ce succès dure peu. L’assaut est donné au château : Morano attaque Montoni qui le désarme une seconde fois, et se retire à l’abri de ses murailles. On le somme de se rendre ; il paroît et menace encore : mais Alfred et Ludovico l'arrêtent et le forcent à ouvrir les portes aux Vénitiens. On l’entraîne pour être livré à toute la rigueur des lois, et Alfred reçoit la main d’Emilie et Ludovico celle d’Anna.

Si cette pièce n’a pas présenté tout l’intérêt qu'on pouvait en attendre, peut-être est-ce le défaut d’ensemble, inséparable d’une première représentation. D’ailleurs les quatre derniers actes nous ont paru être au-dessous du premier. Le rôle d’Alfred confié à un sujet peu propre à le remplir, a aussi indisposé une partie du public ; mais cet inconvénient ne tient pas au corps de l’ouvrage. Quand [sic] à la pièce en elle-même, nous croyons que les second et troisième actes, au moyeu de quelques changemens, pourroient plutôt n’en former qu’un seul ; ils présentent trop peu d’intérêt.

On a demandé les auteurs, ce sont les citoyens Guilbert Pixérécourt pour les paroles, Morange pour la musique, Moench pour les décorations, et Milon pour les ballets. Ces deux derniers artistes ont mérité de nombreux applaudissemens, et sur-tout le citoyen Milon, qui a enrichi cette pièce de ballets charmans.

Le menuet qui a ouvert la fête, dansé par le citoyen Corniol et la citoyenne Bigotini, la grâce des pas exécutés par les artistes Duport frère et sœur, la légéreté et l’abandon de ceux exécutés par le citoyen Alexis, la variété, la fraîcheur des tableaux, tout a donné la plus haute idée des talens de cet aimable compositeur.

D'après le Théâtre choisi de G. de Pixerécourt, tome I, p. liii, publié en 1841 par René-Charles Guilbert de Pixerécourt et Charles Nodier, la pièce, jouée le 27 juin 1798, a eu 41 représentations à Paris et 5 en province.

La base César donne comme titre Le Château des Appenins ou le fantôme vivant. Elle signale 8 représentations, du 9 décembre 1798 au 25 janvier 1799.

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