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Le Curieux

Le Curieux, comédie en un acte et en vers, par M. Eugène, 4 juin 1807.

Théâtre de l'Impératrice.

Eugène est le pseudonyme d'Eugène de Planard.

Titre :

Curieux (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

non

Date de création :

4 juin 1807

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Eugène de Planard

Almanach des Muses 1808.

Forlange, très amoureux, mais plus curieux encore, veut tout savoir, et épie les démarches de tout le monde. Il compromet bientôt son bonheur, et la sûreté d'une famille entière. Son zèle et son amour lui font tout réparer. Il promet de se corriger, en se réservant cependant de connaître les secrets de sa femme.

Ouvrage qui annonce du talent.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mad. Masson, 1807 :

Le Curieux, comédie, en un acte et en vers, Par M. Eugène. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Impératrice, rue de Louvois, le 4 juin 1807.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1807, p. 274-279 :

[Le critique a choisi de commencer son compte rendu sur un ton impatient devant une succession d’évidences. L’emploi de « on » pour désigner sa source d’information n’est pas si courante. L’analyse du sujet ne se prive pas d’en montrer les limites (on goûtera particulièrement la façon dont le critique aligne les multiples incohérences tous ces gens qui ne connaissent pas les membres de leur famille...). Il s’en prend aussi au caractère du curieux — le titre avait déjà été mis en cause dans les premières lignes de l’article). Sa curiosité est présentée comme un très superficiel désir de s’informer, sans plus. Dans la suite, après quelques vers cités en exemple pour en montrer la faiblesse, il s’attache à souligner la très faible motivation des situations, et l’insuffisance des informations données sur les relations entre les personnages. La pièce accumule les quiproquos sans réelle lien avec le « fond de la pièce, qui est le danger de l'incognito » d’un des personnages, Gerville, qui n’est pas le curieux. Une seule scène semble en rapport avec cet incognito, et elle vient d’une pièce de Mme de Genlis, la Curieuse (1781). Il suffit de multiplier les questions sur l’intrigue pour en montrer l’incohérence. Le dénouement n’échappe pas à la règle : Gerville, dénoncé, est arrêté, mais aussitôt libéré sur l’intervention du curieux, pourtant responsable de son arrestation. Si le but de la pièce était de corriger les curieux, le but n’est pas complètement atteint : le public a demandé l’auteur, malgré des sifflets.]

Théâtre De L'impératrice,

Première représentation du Curieux.

On a appellé cette pièce le Curieux, apparemment parce qu'on ne voulait pas l'appeller l'Indiscret, l'Etourdi, les Quiproquos  ou autrement ; un titre aurait convenu aussi bien que l'autre. On nous a averti qu'elle était en vers, de peur que nous ne la crussions en prose.

.   .   .   .   .   .   .On pourrait aisément s'y tromper.

On nous a dit après que c'était le premier essai d'un jeune homme, comme si nous ne nous en étions pas bien doutés : mais ce qu'on nous a appris de vraiment intéressant, c'est que ce jeune homme s'appelle Eugène. C'est bien fait de s'appeller Eugène et de s'essayer à faire des comédies, et le public doit être infiniment touché de cette double confidence. Cependant, comme les jeunes gens prennent assez l'habitude, depuis quelque temps, de faire représenter leurs premiers essais, on pourrait leur indiquer la ressource des théâtres de société ; la pièce de M. Eugène, par exemple, est meilleure qu'il ne faut pour réussir en famille. Je ne sais pas si c'est dans la sienne qu'il a pris ses personnages ; il a pu les prendre là tout aussi bien qu'ailleurs : ce sont de ces gens qu'on peut voir par-tout et qu'on ne regarde nulle part. M. de Gerville est le mari de Mme. de Gerville, rien de plus simple ; Mme. de Gerville, sa femme, est fille de Mme. . . . , dont je crois, par parenthèse, qu'on ne nous a pas dit le nom, sœur de Mlle. Emilie, cousine de M. de Forlange, voilà tout ce que je sais de son caractère. Quant à M. de Gerville, son mari, il est à-peu-près comme tous les maris, un peu froid, un peu jaloux quand il ne peut pas faire autrement, un peu de mauvaise humeur ; il est vrai qu'il a de quoi. II s'est battu avec son colonel, à qui il n'a pas fait le moindre mal, qui ne lui en veut pas du tout ; personne ne se plaint de lui, et cependant on veut absolument le faire arrêter ; il a été obligé de quitter son nom de Gerville pour celui de Favière, et est venu se cacher tout simplement chez sa belle-mère, où apparemment personne ne l'a jamais vu. Sa belle-sœur ne le connaît pas, parce qu'elle était en province lors du mariage de sa sœur, et que depuis, Gerville a toujours été à son régiment. Forlange, son cousin ne le connaît pas non plus et voudrait bien savoir qui il est, car c'est Forlange qu'on appelle la curieux. Mais de quoi est-il curieux ? Est-ce de porcelaines, de bijoux, de médailles ? Il veut tout voir, comme il veut tout savoir, et pénétrer le secret d'une machine, comme le secret de ses amis. Il est possible tout simplement que ce jeune homme aime à s'instruire. Il a été voir un automate, on a refusé de lui en faire connaître les ressorts ; furieux, il s'élance, dit son valet, apparemment pour le briser,

Et se bat en duel avec un automate.

On a beaucoup applaudi ce vers de caricature, ainsi que la naïveté de. celui-ci, que dit Forlange à sa maîtresse qui lui reproche d'être resté derrière elle pour l'écouter. Quand on vous voit, dit-il,

Vous savez bien qu'on reste et qu'on ne s'enfuit pas.

On ne peut pas dire que ces deux hémistiches se contredisent.

On devine bien que cette maîtresse de Forlange, c'est Emilie ; je dis qu'on le devine, car Forlange n'en a pas prononcé un mot ; on apprend par hasard, vers la milieu de la pièce, qu'il est amoureux, parce qu'il se montre jaloux. On a appris quelques instans auparavant qu'Emilie aimait Forlange, parce qu'elle l'a dit à sa sœur : pourquoi ne l'a-t-elle pas dit plutôt ? C’est ce qu'on ignore. Pourquoi cette sœur imagine-t-elle qu'il faut qu'Emilie donne un rendez-vous à son amant pour le corriger de sa curiosité ? Voilà ce qu’on ne se devine pas. Pourquoi Emilie, après avoir répété devant une glace les discours tendres qu'elle veut tenir à son amant, ce qui est tout-à-fait naturel et touchant, lui dit-elle, au moment où il la surprend, que ce n'est pas lui qu'elle aime ? C'est encore ce qu'il faudrait qu'on expliquât; Mais nous n'avons pas eu besoin, par exemple, d'un grand effort d'esprit pour comprendre par quelle raison Emilie, qui loge dans la même maison que son amantlui écrit pour lui donner un rendez-vous qu'il ne demande pas, pourquoi elle fait écrire ce billet par sa sœur, Mme. de Gerville, et le fait remettre à Forlange sans l'informer de quelle part il vient. On voit bien tout de suite que c'est afin que Forlange, qui croit ce billet de Mme. de Gerville, le montre à M. de Gerville, qu'il ne connaît que sous le nom de M. de Favière, que celui-ci reconnaisse l'écriture de sa femme, et qu'il s'ensuive une scène de jalousie et un quiproquo entre les deux époux, comme il résulte un quiproquo de la jalousie de Forlange, qui croit qu'Emilie aime Favière ; mais à quoi conduisent ces quiproquos, ces jalousies, ces amours absolument étrangers au fond de la pièce, qui est le danger de l'incognito de Gerville ? Voilà, j'espère, ce qu'on ne demandera pas. L'unique scène qui ait quelque rapport au sujet et quelques traits du caractère annoncé, c'est celle ou un espion de police, qui s'est introduit dans la maison pour découvrir Gerville, trouve moyen, en flattant la curiosité de Forlange, qui dit tout ce qu'il sait pour en savoir davantage, d'en tirer les indices qui le mettent sur la voie ; cette scène est assez bien filée; mais l'idée en est prise de la Curieuse de Mme. de Genlis. On peut découvrir aussi de loin en loin quelques intentions assez heureuses, mais bien légèrement marquées : la plupart du temps le curieux n'est que questionneur, accumulant les questions sans attendre les réponses, dont il a l'air de ne se pas soucier. Le véritable curieux est attentif, inquiet, écoutant plus qu'il ne parle, et regardant autant qu'il écoute. Son inquiétude doit paraître également active sur les petites choses et sur les grandes, parce qu'elle vient de curiosité et non pas d'intérêt; mais ici le curieux questionnant une soubrette sur les moindres actions de celle qu'il aime, peut ne paraître qu'amoureux. Il n'est qu'étourdi, lorsqu'il confie son secret à Gerville, sans s'assurer des avantages qu'il en peut tirer pour celui qu’il veut savoir ; il est mieux dans son caractère, lorsqu'après s'être emporté contre deux domestiques qu'il a surpris disant du mal de lui, il s'appaise et se familiarise tout de suite avec eux, dans l'espérance qu'ils vont lui apprendre quelque secret. Au reste, cette idée, est aussi indiquée dans la Curieuse. Le fond des deux pièces est d'ailleurs le même ; mais la conduite de celle-ci n'appartient qu'à M. Eugène. On vient pour arrêter Gerville d'après les renseignemens donnés par Forlange, mais celui-ci, averti à temps de sa sottise, a couru chez le ministre, a obtenu la grace de Gerville, et cela si aisément, que, pour en arriver là, il ne valait pas la peine de faire une pièce ; mais l'objet de celle-ci était seulement, à ce qu'il paraît, de corriger les curieux, et elle doit y avoir réussi, du moins quant aux curieux qui étaient venus pour la voir. Ce qui prouve cependant qu'il y a des gens qu'on ne corrige pas, c'est qu'on a voulu savoir le nom de l'auteur, et qu'on est parvenu à faire nommer M. Eugène, malgré les sifflets de quelques mécontens qui trouvaient que, de tous les actes de curiosité dont ils avaient été témoins dans la soirée, il n'y en avait pas de plus déplacé.                   P.

Mémorial dramatique, ou almanach théatral pour l'an 1808, p. 78 :

Le Curieux, comédie en 1 acte, en vers, de M. Eugène. ( 4 juin. )

Le curieux, nommé Forlanges, est un jeune amoureux, épiant sans cesse ce qui se passe autour de lui, voulant tout savoir, formant à chaque instant des conjectures hasardées, et finissant par compromettre la liberté et la vie d'un homme qui a une affaire d'honneur. Heureusement que ce curieux a plus de crédit que de prudence, car il sait tout réparer.

Cette petite pièce en vers, d'un style pur, facile et élégant, a été fort bien accueillie ; il y a de l'invention, des intentions comiques ; le caractère principal est bien tracé.

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