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Les Caméléons

Les Caméléons, vaudeville, de Moreau, Vafflard et Bérenger, 25 octobre 1815.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Caméléons (les)

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

25 octobre 1815

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Moreau, Vafflard et Bérenger

Journal des débats politiques et littéraires, 27 octobre 1815, p. 3-4 :

[Pour nous parler des Caméléons, le critique commence par parler de ce que Picard aurait pu en faire. La première affirmation concernant la nouvelle pièce, c’est qu’elle n’est qu’une tentative de renouveler un « fond déjà usé » en parlant non plus de l’obsession de la richesse, mais de la volonté de pouvoir, sujet difficile, entre l’écueil de l’attaque directe et celui de l’atténuation de l'attaque, qui deviendrait sasn effet. L’intrigue qu’il analyse ensuite est vite jugée, et l’absence de réaction du public est considérée comme presque pire qu’une chute bruyante : l’intrigue n’a pas de force comique, et elle est invraisemblable (le critique considère que les « intrigans qui assiègent les antichambres ministérielles » ne sont pas si naïfs, que les ministres ne peuvent être soupçonnés d’être sensibles à des flatteries aussi basses). Pas de gaieté non plus dans les couplets : les détails ne sauvent pas « la nullité du fond ».]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Première représentation des Caméléons, vaudeville en un acte, par MM. Moreau, Wafflard et.Bérenger

C'est La Fontaine qui est le Pline ou le Buffon de la morale ; c’est lui qui a écrit l’histoire naturelle du cœur humain. Observateur profond et peintre ingénieux,il saisit et il rend avec autant de charme que de précision les moindres nuances de nos ridicules, les artifices les plus secrets de nos passions. Voyez avec quelle justesse il définit les gens qui,

Tristes, gais,prêts à tout, à tout indifférens,
Sont ce qu'il plaît au prince, ou, s'ils ne peuvent l'être,
            Tâchent au moins de le paroitre.
Peuple caméléon, peuple singe du maitre,
On n esprit anime mille corps ;
C'est bien là que les gens sont de simples ressorts.

Ce dernier vers auroit pu donner à M. Picard l’idée de ses Marionnettes. Tous les personnages de cette comédie .sont en effet des machines mues par des fils que la Fortune tient entre ses mains ; c'est la Fortune qui dirige leurs goûts, leurs paroles, leurs actions ; les regards tournés vers cette divinité inconstante, ils changent toutes les fois qu’elle change elle-même de favoris ou de victimes. Ils obéissent, sans paroître en douter, aux impulsions qu’elle leur donne. Le sujet étoit fécond ; il étoit à la vérité déjà indiqué dans plusieurs comédies, et particulièrement dans le Dissipateur ; mais ce qui appartient à M. Picard, c'est d'avoir peint l’influence des variations de la fortune sur ceux même qui les éprouvent, et non plus exactement sur ceux qui en sont les témoins intéressés.

Les auteurs des Caméléons ont cru pouvoir rajeunir ce fond déjà usé, en substituant des courtisans du pouvoir aux adorateurs de la richesse ; et par là ils se sont placés volontairement entre deux écueils également dangereux : s’ils abordaient franchement leur sujet, leurs tableaux devenoient des portraits, et leur censure pouvoit paroître de la satire ; si, pour éviter le péril, ils éteignoient leurs couleurs et affoiblissoient leurs touches, dès lors ils se perdoient dans le vague, et leur peinture restoit sans effet, pour ne ressembler à rien. Ils ont préféré ce dernier parti, qui étoit sans contredit le p!us sage : il en résulte une comédie à la vérité très innocente, mais aussi très insipide, qui ne troublera la tranquillité ni des auteurs qu’il est impossible d'accuser de malice, ni des originaux qu’ils ont voulu peindre, et qui certainement ne se reconnoîtront point dans une ébauche aussi imparfaite.

Un ministre est obsédé d'importuns solliciteus, qui tous demandent des places, qui tous croient avoir des droits à sa faveur et à sa bienveillance ; i! tëmoigne à Eugène, son secrétaire, le desir de s'affranchir de leur fatigante assiduité. Eugène accepte avec plaisir la comission ; il s'agit de mettre à l'épreuve le dévouement sans borner dont ces messieurs et ces dames font hautement profession pour le ministre. Eugène suppose que M. de Saint Phal est furieux contre lui ; la grand'tante du ministre est morte, et lui Eugène n'a pas pris le deuil : avis à nos caméléons qui, réunis dans l’antichambre, attendent le moment de l’audience. Par un hasard assez singulier, ils logent tous à deux pas de l’hôtel ; ils volent à leur maison, et au bout d'un quart d'heure reparoissent changés du blanc au noir. L'un d’eux même a pris le grand crêpe et les pleureuses. Combien le ministre va être flatté de cette attention délicate, de ce témoignage éclatant de leur attachement à sa famille ! Mais voici bien une autre affaire. Dans le court intervalle qu'a nécessité leur lugubre toilette, M. de Saint-Phar a été disgracié, et son successeur est un homme dont l’imagination, couleur de rose, ne veut voir que des objets rians, propres à entretenir le fonds de gaieté dont la nature l'a pourvu. Les courtisans sont dupes de cette grossière mystification : nouveau voyage chez eux ; nouveau travestissement : ils reviennent avec des habits plus qu’élégans, et font retentir la salle des accens de la joie la plus bruyante. Eugène leur apprend qu'on s'est moqué d'eux, et pour prix de son adresse, il reçoit la main de la nièce du ministre, à laquelle un des solliciteurs est obligé de renoncer.

Quoique les auteurs de ce malheureux canevas aient été nommés, quoique leurs noms aient été entendus sans murmure, il est vrai de dire néanmoins que le silence absolu avec lequel la pièce a été écoutée a quelque chose de plus fâcheux encore que les sifflets ; car enfin des sifflets peuvent être rejetés sur la cabale, mais la froide immobilité de la salle est une preuve irrécusable d'ennui. Comment trois auteurs qui quelquefois ont fait preuve d'esprit, n'ont-ils pas senti que leur sujet, avec les entraves qu'ils étoient obligés de s’imposer, n’avoit aucun côté comique, que les intrigans qui assiègent les antichambres ministérielles ne sont pas gens à se laisser prendre dans des pièges d’enfant ; qu'un ministre qui voudroit faire porter le deuil de sa grand'tante à tous ceux qui ont affaire à lui, ne pourroit avoir de portefeuille que dans l’île de Barataria ; et qu'enfin c'est bien un autre changement que celui de costume. qui caractérise des caméléons politiques ? La gaieté des détails auroit pu dans un théâtre où l’on n’est pas exigeant sur la vraisemblance, sauver la nullité du fond ; mais les auteurs ne se sont même pas donné ce faible mérite. Un seul couplet où l'on a reconnu le célèbre virtuose M. Lafond, quoiqu’il n’y soit pas nommé, a obtenu les honneurs du bis, et encore il les a dus moins à la tournure des vers qu'au sentiment patriotique qui les a inspirés.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 20e année, 1815, tome V, p. 439-440 :

[C’est l’analyse de la pièce, le résumé de son intrigue qui occupe la plus grande part du compte rendu. On perçoit son caractère schématique, montrant le revirement des « caméléons » selon ce qu’ils croient être leur intérêt. La pièce est ensuite rapidement jugée, avec une grande sécheresse : moyens pas neufs, pièce trop longue, dénuée de vraisemblance, et surtout absence de gaieté.]

THEATRE DU VAUDEVILLE.

Les Caméléons, vaudeville en un acte, joué le 25 Octobre,

Le secrétaire d'un ministre nommé le comte Saint-Phart obtient de S. Exc. la permission de la débarrasser de la foule des Caméléons qui vient assiéger perpétuellement ses bureaux et ses salons. On va donc les mettre à l'épreuve. L'heure de l'audience va sonner; tous les solliciteurs sont déjà rassemblés. Le secrétaire entre; il a de l'humeur ; le comte, dit-il, veut l'obliger à porter le deuil d'une grand'tante. Eh ! que lui fait à lui, la tante du ministre ?... Les solliciteurs paraissent partager son mécontentement ; ils se retirent dans l'intention de ne point se présenter devant le ministre de quelques jours, au moins : mais bientôt ils reparaissent tous en longs habits de deuil, et affectant tous les signes de la tristesse : ils espèrent que Monseigneur, flatté de leur attention, accueillera favorablement leurs demandes. Mais le comte lui-même vient leur annoncer qu'il est disgracié, et qu'un autre ministre l'a déjà remplacé. A cette nouvelle, les mouchoirs sont remis dans la poche, les larmes ont séché. On apprend aux Caméléons que le nouveau ministre est un homme aimable, qui veut que la gaieté règne autour de lui. Tout le monde sort, abandonne son crêpe, et reparaît avec des habits de fête ; leurs épigrammes sur l'homme disgracié ne tarissent pas plus que les louanges qu'ils lui donnoient une heure auparavant. Mais,, ô fortune ennemie ! Saint-Phar paroît à leurs yeux, Saint-Phar est plus en faveur que jamais ; on bégaye une excuse, mais le ministre, éclairé par son secrétaire, est inflexible. Un de ces Caméléons avoit l'espoir d'obtenir la main de la nièce de S. Ex., elle est accordée à l'auteur de leur mystification.

Tel est le canevas que MM. Moreau, Vafflard, et Bérenger ont brodé.

Leurs moyens ne sont pas neufs; la pièce est longue, et manque de vraisemblance. Elle n'a pas de gaieté; c'est là son plus grand défaut.

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