Le Dernier couvent de France, ou l’Hospice

Le Dernier couvent de France, ou l’Hospice, anecdote en deux actes et en vaudevilles de Corsange et Hapdé, musique arrangée par Gautier, 26 thermidor an 4 [13 août 1796].

Théâtre des Jeunes Artistes.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez la Citoyenne Toubon, 1796 :

Le Dernier Couvent de France, ou l’Hospice, anecdote en deux actes et en vaudevilles, Par les Citoyens Corsange et Hapdé: Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de Jeunes Artistes, le 26 Thermidor an IVe. Samedi 13 Août 1796 (Vieux Style). La partition est arrangée par le Citoyen Gautier, Maître de musique audit Théâtre.

Eugène Jauffret, Le Théâtre révolutionnaire (1788-1799) (Paris, 1869), p. 360-361 :

[Il s’agit pour l’auteur de montrer que les attaques contre la religion, et en particulier les couvents, ont cédé la place à une mise en cause de l’intolérance et du fanatisme de la période de la Terreur.]

A quelque temps de là, une attaque ouverte, sinon plus vigoureuse, fut dirigée dans le même sens par Corsange et Hapdé. Le Dernier Couvent de France, représenté le 13 août 1796 (26 thermidor an IV), est un des signes qui indiqua le mouvement de l'esprit public.

On avait applaudi à la suppression des couvents ; on regardait encore cette suppression comme une mesure sage ; mais on commençait aussi à être dégoûté des excès irréligieux. On représente donc ici ce que l'on eût désiré, un couvent qui est à la fois hospice et maison d'éducation, dirigé par une femme du monde, bienveillante, dépourvue de préjugés et parlant en tout temps le langage de la philosophie chrétienne. Il ne faut pas nous dissimuler que ce phénix est rare ; mais le désirer, mais laisser croire qu'il existe, n'est point un mal.

Ce couvent existait donc dans toutes ces conditions. Devenu propriété du département, il avait été en quelque sorte oublié ; seulement il était à craindre qu'il ne tombât dans les mains de quelque homme dur, sans religion, sans respect pour autrui. Cette crainte trouble les habitantes de ce lieu. La supérieure les rassure... « Les temps de haine sont passés, leur dit-elle. On n'osera plus inquiéter la vertu. Si par hasard on venait à surprendre la bonne foi de ceux qui nous gouvernent, croyez que tout l'odieux retomberait sur les calomniateurs. Que pourrait-on nous reprocher ?

– Que nous sommes encore en communauté, dit une sœur.

– Oui, mais on dirait aussi, répond la supérieure, que, libres de nous séparer, nous ne sommes restées réunies que pour être utiles à la société. »

Le nouveau propriétaire du couvent se trouve être un honnête homme, partisan de la liberté des cultes, et qui, loin d'affliger le cœur de ces braves religieuses, est charmé de leur zèle, de leurs vertus, de leur dévouement à l'humanité souffrante, et les laisse jouir en paix du bien qu'elles font.

Nous avons laissé de côté l'intrigue, pour ne montrer que la partie sociale, celle qui touche au mouvement des idées.

Henri Welschinger, Le théâtre de la révolution, 1789-1799, avec documents inédits (Paris, 1880), p. 286-288 :

[L’auteur vient d’évoquer les pièces attaquant la religion dans les années de 1790 à 1796. Il arrive à la pièce de Corsange et Hapdé.]

Le Dernier Couvent de France(3), vaudeville de Corsange et Hapdé, représenté le 26 thermidor an IV (13 août 1796) sur le théâtre des Jeunes Artistes, est moins grossier que les pièces précédentes :

Un officier français blessé, La Valeur a été recueilli dans un couvent que la Révolution a oublié de fermer et qui sert aujourd'hui d'hospice. Cet officier s'éprend d'amour pour une des prisonnières appelée Sophie. Sur ces entrefaites un sieur Belmont réclame le couvent qu'il vient d'acheter ; mais apprenant que c'est un hospice, il renonce à ses droits. Il découvre enfin que La Valeur est son neveu et il le marie à Sophie.

Qu'on nous permette d'insister sur certaines déclarations qui prouvent que 1793 était déjà loin.

La sœur Radegonde craint que les méchants ne dénoncent le couvent de Sainte-Magdeleine.

LA SUPÉRIEURE.

« Eh ! ma sœur, bannissez toute crainte ; les temps de haine sont passés. L'on n'osera plus troubler la vertu. On ne serait plus écouté et si par hasard on parvenait à surprendre la bonne foi de ceux qui nous gouvernent, croyez que tout l'odieux retomberait sur le calomniateur. Il est vrai que nous n'avons dû, dans tous ces temps malheureux, notre existence qu'à l'oubli où nous sommes restées. Mais aujourd'hui le grand jour ne peut que nous être favorable. D'ailleurs, qu'aurait-on à nous reprocher ?

RADEGONDE.

« Que nous sommes encore en communauté ; car, à l'exception de nos habits, nous observons ainsi qu'autrefois nos saints exercices.

LA SUPÉRIEURE.

« L'on dirait aussi, ma sœur, que libres de nous séparer, nous ne sommes restées réunies que pour être utiles à la société, que chaque jour notre conduite l'atteste.

« Au Ciel si nous portons nos vœux
« C'est pour le bonheur de la France,
« L'infortuné, le malheureux
« Avec nous trouve son assistance,
« A ses enfants nous n'enseignons
« Rien que des mœurs bien raisonnables ;
« On voit donc que nous n'existons
« Que pour secourir nos semblables. »

Survient Folleville, un libre penseur, qui veut renverser de sa canne une statuette religieuse.

BELMONT (s'y opposant).

« Ce serait un attentat à la liberté des cultes que d'en profaner les images. Ne favorisons aucune religion, mais respectons-les toutes.

Il chante :

« Nous devons partout éviter
« Les esclaves du fanatisme,
« Mais bien plus encore redouter
« Les partisans de l'athéisme.
« Car ce principe selon moi
« Est à jamais irrévocable :
« L'homme qui n'a ni foi ni loi
« De tout crime est bientôt capable ! »

(3) A Paris, chez la citoyenne Toubon, 1796.

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