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Le Désastre de Lisbonne

Le Désastre de Lisbonne ; drame héroïque en trois actes, en prose, mêlé de danse et pantomime, de M. Bouilly, musique d’Alexandre Piccini, ballets de M. Aumer, 1er frimaire an 13 [24 novembre 1804].

Théâtre de la Porte St-Martin.

Titre :

Désastre de Lisbonne (le)

Genre

drame héroïque mêlé de danse et de pantomime

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en prose

Musique :

oui

Date de création :

1er frimaire an XIII (24 novembre 1804)

Théâtre :

Théâtre de la Porte Saint-Martin

Auteur(s) des paroles :

Jean-Nicolas Bouilly

Compositeur(s) : Alexandre Piccini
Chorégraphe(s): Aumer

Almanach des Muses 1806.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an XIII (1804) :

Le Désastre de Lisbonne, drame héroïque, en trois actes, en prose, mêlé de danse et pantomime, Musique de Alex. Piccini, Ballets et mise en scène de M. Aumer, artistes de l'Académie Impériale de Musique. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de la Porte-St.-Martin, le 3 frimaire an XIII.

L'auteur du texte, Jean-Nicolas Bouilly, n'est pas mentionné sur la page de titre.

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome IV, nivôse an XIII [décembre 1804], p. 286-289 :

[La pièce nouvelle n’intéresse guère le critique, qui préfère manifestement s’en prendre au genre du mélodrame qu’elle illustre. L’essentiel du compte rendu est consacré à attaquer le mélodrame, parce que c’est un genre qui mélange tout, les genres comme les statuts sociaux : « ila attaque de tout réunir pour tout confondre ». Pratiquer un tel genre lui paraît si invraisemblable pour un homme de goût qu’il ne veut voir dans la pièce qu’une manière de dénonciation du mélodrame. Sinon, comme oser mettre sur un minuscule théâtre un sujet aussi vaste? Comment « allier un amour bourgeois et glacial de deux êtres inconnus à la plus terrible catastrophe » ? Car bien sûr la pièce comporte une intrigue amoureuse. Le prochain mélodrame sera sans doute sur le jugement dernier... Une anecdote amusante montre bien l’absurdité du mélodrame. Le Désastre de Lisbonne n’a pas réussi, mais le critique ne doute pas que tous les gens intéressés à la réussite du genre feront tout pour qu’il réussisse.]

THÉATRE DE LA PORTE ST.-MARTIN.

Le Désastre de Lisbonne, mélodrame.

Ce n'est pas assurément sans raison que les véritables gens de goût se sont élevés et s'élèvent tous les jours contre ce genre informe qui, à proprement parler, n'est pas même un genre, puisqu'il n'est que la caricature de tous les autres : tour à tour opéra, tragédie, ballet, pantomime et lanterne magique, il s'empare de tout ; et pour tout dénaturer, il déclame la tragédie en prose, il transforme les héros en goujats, habille des goujats en héros, il chante l'opéra sans paroles, il parle la pantomime, il affecte de tout réunir pour tout confondre, et la décoration d'un bouleversement pourrait être regardée comme le tableau allégorique d'un mélodrame. Un homme accoutumé à de grands succès sur des théâtres raisonnables, serait donc très-coupable de se rendre volontairement complice de cet attentat contre le goût, s'il n'était présumable que son arrière-pensée était peut-être de dégoûter son siècle d'un genre bâtard, en faisant voir jusqu'à quel excès peuvent à cet égard, se porter la bizarrerie et l'exagération Sans cette découverte consolante, comment imaginer qu'une tête dramatique eût conçu de sang-froid l'idée de faire d’un tremblement de terre aussi désastreux que celui de Lisbonne, un incident et un épisode d'action théâtrale, et de mêler à cette crise épouvantable de la nature les froids intérêts de quelques particuliers ? Comment imaginer de renfermer dans une salle de spectacle et dans un théâtre de trente pieds carrés, l'image de cette catastrophe qui fit périr, en 1755, trente mille personnes à Lisbonne ou dans les environs, qui détruisit plusieurs villes,et dont les secousses terribles ébranlèrent et l'Europe et l'Afrique ? On sent très-bien qu'après un tel événement, tous les intérêts individuels sont suspendus pour long-temps, et que dans aucun lieu du monde on ne parle d'amour et de jalousie sur les ruines fumantes de son pays, à la lueur de l'incendie qui le dévore. Qu'une action épique, tragique, après avoir effrayé l'imagination des malheurs de Priam et d'Hécube, complette la terreur par la description ou le tableau de la destruction d'un grand empire, c'est ce que Virgile a fait avec tout le talent d'un grand peintre, c'est ce qu'on peut encore à la rigueur essayer au théâtre ; mais il est trop bizarre, d'allier un amour bourgeois et glacial de deux êtres inconnus à la plus terrible catastrophe. Il est donc bien évident que l'auteur, homme d'esprit, connu par des succès immenses sur tous les théâtres, a voulu parodier le mélodrame, le ridiculiser, faire rougir ses contemporains de cet engouement ridicule qu'ils affectent par fois pour un genre, dont le machiniste et le décorateur ont toute la gloire. Si les décorateurs de ce nouveau mélodrame ne dégoûtent pas les administrateurs des théâtres de renchérir les uns sur les autres, et le public de chercher des compositions bizarres, je ne vois plus qu'un moyen d'y parvenir, c'est de faire un mélodrame du jugement dernier.

Il est vrai que le titre seul de l'ouvrage avait exalté les imaginations à un degré presque comique ; que nous avons entendu un des spectateurs du parterre, étonné et chagrin de ne voir dans la décoration du tremblement de terre et du désastre qu'un changement ordinaire de décoration et de quelques fusées, s'écrier plaisamment : Ce n'est. que cela ! qu'on mette
le feu à la salle, ou je m'en vais.

Malgré le peu de succès de cette nouvelle production à la première représentation, il est à croire que le public habitué des spectacles du boulevard et les partisans du mélodrame soutiendront pour l'intérêt du genre le succès du désastre, et nous pensons que pour mieux attraper l'auteur et déjouer efficacement l'intention que nous lui avons supposée, tous les faiseurs de mélodrames et tous les directeurs qui en vivent, au lieu de se liguer contre lui, comme ils l'ont fait pour en empêcher la réussite, doivent se réunir pour le faire aller aux nues.

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