Les Deux Figaro, ou le Sujet de comédie

Les Deux Figaro, ou le Sujet de comédie, comédie en 5 actes et en prose, par Richaud Maretelly, 5 octobre 1790.

Théâtre du Palais Royal.

Courrier des spectacles, n° 2723 du 23 thermidor an 12 (11 août 1804) : annonce de « la reprise du Sujet de comédie, ou les Deux Figaro, coméd. en 5 actes, en prose ».

Courrier des spectacles, n° 2724 du 24 thermidor an 12 (12 août 1804) :

[Article pour la reprise au Théâtre Français d’une pièce qui a déjà près de quinze ans, mais qui n’est pas sortie de la mémoire des amateurs de théâtre. Le critique commence par rappeler les pièces de Beaumarchais où apparaît Figaro, en insistant surtout sur la Mèce coupable, où il est devenu un moraliste, un peu contre sa nature. Dans la pièce de Marelly qui n’a pas droit à une analyse, puisqu'elle est censée être connue de tous, Figaro est d’abord conforme à ce qu’il est dans les deux premières pièces où Beaumarchais le fait figurer, mais curieusement au dénouement, il est puni au lieu de triompher, comme cela arrive chez Beaumarchais. Peut-être avec un peu d’ironie, le critique suggère qu’« il est utile que le théâtre invente la justice quand il n’en trouve pas dans la société ». La pièce est gaie, et Figaro est fort comique dans ses efforts parfois vains pour contrarier les desseins du faux Figaro : le combat des deux Figaro apporte beaucoup de situations comiques. Pourtant la pièce n’est pas sans défauts pour le critique : l’attention y est dispersée sur trop d’objets, et les personnages autres que les deux Figaro sont sans relief : trop de détails, certes piquants, mais pas assez de fonds. C’est cependant l'œuvre d’un homme d’esprit, à l’image des pièces de Beaumarchais, qui font d’ailleurs à plusieurs reprises les frais de la satire de l’auteur (mais on joue si peu la Folle journée que cela échappe aux spectateurs). Dommage encore que l’auteur, qui se moque si bien du goût actuel pour les intrigues embrouillées, n’ait pas fait lui-même une bonne comédie (mais le critique ne dit pas précisément ce qu’il entend par « bonne comédie »). Un acteur sort du lot, Michot, dans le rôle très lourd d eFigaro.]

Théâtre Français.

Reprise des Deux Figaros.

La comédie du Barbier de Séville commença la réputation de Figaro, dont le nom devint si célèbre. Dix ou douze ans plus tard, la Folle Journée lui valut un succès prodigieux.

Beaumarchais, qui avoit une prédilection toute particulière pour ce personnage de son invention, voulut encore s’en servir dans la Mère coupable. Il en fit une espèce de converti qui, devenu vieux et fatigué du rôle d’intrigant, s’avise de jouer celui d’honnête homme, pour réparer les torts de sa jeunesse ; mais ce pauvre Figaro, auquel on avoit pardonné tant de fautes en faveur de sa gaîté, parut insipide lorsqu’il voulut parler morale.

Au théâtre, le mauvais sujet qui fait rire est préféré au sermoneur qui ennuie. Le repentir de Figaro ne toucha pas plus ses spectateurs que celui de la comtesse Almaviva. Figaro, pénitent, parut presqu’aussi ridicule que pourroit le paroitre à des Anglais le bouffon Falstaff qui feroit le pleureur.

M. Marelly a peint Figaro tel qu’il est dans la Folle Journée ou dans le Barbier de Séville, intrigant, rusé, menteur, et quelquefois fripon. Mais après avoir mis en jeu toutes les ressources de l’esprit du personnage, il le punit pour l’exemple à la fin de la pièce, ce qui n’arrive pas toujours dans les comédies de Beaumarchais, où souvent le fripon adroit voit le succès couronner ses entreprises. De pareils dénouemens sont la peinture des mœurs du siècle, celui de Martelly est plus moral. Il est utile que le théâtre invente la justice quand il n’en trouve pas le modèle dans la société.

Il y a de la gaîté dans les Deux Figaros. Fi garo, dupe de sa propre ruse, est un personnage fort comique. Les peines qu’il se donne pour déjouer les projets du faux Figaro, pour découvrir qui il est, ont quelque chose de fort divertissant, sur-tout quand ses menées n’aboutissent qu’à servir les desseins de son antagoniste. Cette lutte continuelle de deux hommes, conduite sur des intérêts opposés, ne pouvoit manquer d’amener des situations fort comiques.

Il est fâcheux que l’auteur n’ait pas tracé tous ses rôles aussi bien que celui de Figaro. C’est le seul personnage qui donne du mouvement à la pièce. Tous les autres sont mal tracés ou insignifians ; celui du faux Figaro , qui est le meilleur après celui de Figaro, pourroit être encore plus comique, si l’auteur eût mieux développé son caractère.

Cette comédie pèche par le défaut d’ensemble. L’attention se porte sur trop d’objets à-la-fois, pour que l’on puisse s’arrêter à aucun. Si l’auteur n’eût pas fait d’Inez un personnage insignifiant, s’il eût animé celui de l’amant, il auroit donné à son intrigue une marche plus décidée, et jeté plus d’intérêt dans sa pièce ; mais il a négligé le fonds pour s’occuper des détails qui souvent , il est vrai, sont piquans, mais quelquefois aussi trop négligés.

On peut dire beaucoup de mal et beaucoup de bien de cette comédie, mais on ne pourra s’empêcher de convenir que ce ne soit l’ouvrage d’un homme de beaucoup d’esprit.

On trouve dans cette pièce quantité de traits d’une satyre assez fine contre le Figaro de Beaumarchais ; ils échappent aujourd’hui que l’on ne voit pas souvent la Folle Journée, mais durent paroitre plaisans dans le tems.

L’auteur, dans plusieurs passages, blâme adroitement le goût du siècle qui ne veut plus voir sur la scène que des pièces à intrigues embrouillées. Il auroit dû profiter de sa propre critique, il avoit assez de talent pour faire une bonne comédie.

Le rôle de Figaro est très-fatigant. Michot le joue avec beaucoup de naturel, et y déploie une rare intelligence.

D’après la base la Grange de la Comédie Française, la pièce a été créée au Théâtre-Français le 11 août 1804 et y a connu 48 représentations, de 1804 à 1832. Mais elle avait été créée au Théâtre du Palais-Royal le 5 octobre 1790.

Ce qui renvoie à la base Césa r : création le 5 octobre 1790, 29 représentations au Théâtre du Palais-Royal (20 en 1790, 9 en 1791, jusqu’au 26 mars). On trouve encore 4 représentations au Grand Théâtre d ela Monnaie à Bruxelles (en 1791 et en 1792), 7 représentations au Théâtre Français de la rue de Richelieu (en 1791 et 1792, jusqu’au 22 mars). La pièce a été reprise au Palais des Variétés à partir du 23 avril 1798, et y a connu 21 représentations en 1798 (19) et 1799 (2, en mars).

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