Les Deux magots de la Chine

Les Deux magots de la Chine, vaudeville en un acte, de Sewrin, 12 janvier 1813.

Théâtre des Variétés.

Titre :

Deux magots de la Chine (les)

Genre

comédie en un acte, mêlée de couplets

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

12 janvier 1813

Théâtre :

Théâtre des Variétés

Auteur(s) des paroles :

Sewrin

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1813 :

Les deux Magots de la Chine, comédie en un acte, mêlée de couplets, Par M. Sewrin. représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Variétés, le 12 janvier 1813.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome I, p. 180-181 :

[Le mot « magot » « s’emploie pour désigner une personne très laide, très grossière ou très sotte » (TLFI). Il désigne aussi un « bibelot figurant un personnage plus ou moins grotesque, sculpté ou modelé, provenant ou imité de l'Extrême-Orient » (TLFI).

A noter, à la fin de la critique, le reproche de ne pas respecter la « couleur locale »...]

THÉATRE DES VARIÉTÉS.

Les deux Magots de la Chine, vaudeville en un acte.

La scène est dans un des faubourgs de Canton. Torillos, portugais riche et fripon, tient une auberge, qui a pour enseigne : A la Fortune. Frantz, allemand pauvre et honnête, a placé la sienne sous les auspices de la bonne-foi. Un malheureux lettré, accompagné de sa fille, vient demander l'hospitalité à Torillos, qui la lui refuse; Frantz la lui offre. Pour récompenser son hôte, le lettré Fo-kien met à profit l'amour que deux riches Magots ont subitement
conçu pour sa fille, la jeune et jolie
Nin-kia. Il leur donne à entendre qu'il n'est peut-être pas ce qu'il paroît, et aussitôt nos deux imbécilles s'imaginent que c'est un grand mandarin déguisé. L'ambition se joint à l'amour, et il n'ont rien de plus pressé que de venir, avec leur brillant cortège, loger dans la même auberge que celui dont chacun d'eux veut être le gendre. Les sequins, les thalers sont prodigués au bon Frantz ; l'or pleut chez lui. Fo-kien, satisfait d'avoir ainsi payé son écot, ne songe qu'à s'embarquer pour l'île Formose, où il doit recueillir une succession, et trouver le bonheur.

Torillos, qui le croit aussi un mandarin, s'empresse de lui offrir sa felouque, qu'il garnit des meilleurs vins et des provisions les plus délicates. Fo-kien part en. se moquant de ceux aux dépens desquels il a acquitté la dette de la reconnaissance.

L'ouvrage manque de gaieté, et surtout de la couleur locale et de la connoissance des mœurs et usages de la Chine.

Rien de plus ridicule que ces deux riches Magots qui deviennent épris d'une petite coureuse...... Mais on va aux Variétés pour rire ; et les figures de Brunet et de Potier, en Magots, ont fait la fortune de la pièce.

L'auteur est M. Sewrin. Le décorateur peut réclamer une grande part du succès.

Geoffroy, Cours de littérature dramatique, tome sixième (seconde édition, Paris, 1825), p. 58-61 :

[De manière audacieuse, Geoffroy assimile personnages et acteurs, les deux acteurs vedettes devenant des « magots », des « vieux singes », mais c'est par facilité : les noms chinois « sont un peu difficiles à retenir, à prononcer, à écrire ». La pièce montre deux européens tenant une auberge en Chine. Les deux établissements sont rivaux, et cette rivalité est au cœur de la pièce. Les deux magots tombent amoureux de la fille d'un chanteur ambulant, mais le dénouement tournera à leur confusion. L'article souligne la qualité de l'interprétation et ironise sur les quelques sifflets qui ont salué la pièce : sans doute jalousie envers un auteur heureux.]

LES DEUX MAGOTS DE LA CHINE.

De Brunet et de Potier, l’auteur a fait deux vieux singes, véritables magots de la Chine. Ils sont riches et magnifiquement parés : c’est un avantage dont jouissent bien des magots. Ils sont amoureux d’une très-jolie fille : c’est encore ce qui arrive assez souvent aux magots. On se moque de leur amour : la plupart des magots ont le même sort. Ce qui est beaucoup plus rare, c’est qu’on refuse leurs richesses, et qu’une fille qui n’a rien n’épouse pas l’un des deux en considération du magot qu’il apporte.

La décoration est très-agréable :, elle représente le rivage de la mer, bordé de pavillons chinois : d’un côté du théâtre est une hôtellerie, qui a pour enseigne à la Fortune, tenue par un Portugais, nommé Torillos : ce Portugais est un arabe. Vis-à-vis est une autre auberge, à l’enseignc de la Bonne Foi, tenue par un bon Allemand, nommé Frantz. Le Portugais fait grand fracas ; il attend des seigneurs chinois avec une nombreuse suite. L’Allemand fume tranquillement à la porte de son auberge, où il ne vient personne. L’auteur dit à ce sujet, très-spirituellement , que tout le monde abandonne la bonne foi pour courir à la fortune : jolie antithèse, vraiment ; mais, n’en déplaise à l’auteur et à son esprit, la réflexion n’est ni neuve, ni ingénieuse, ni juste ; car il est faux que tout le monde coure à une auberge dont le maître veut faire fortune aux dépens de la bonne foi ; au contraire, tout le monde préfère une auberge dont l’hôte a de la bonne foi, et ne rançonne point. les voyageurs. Chacun pille pour faire fortune, oui ; mais chacun va où il croit n’être point pillé : critique peut-être un peu sévère, mais honorable pour une pièce des Variétés.

Un chanteur ambulant, d’humeur joviale, un autre Gulistan, arrive avec sa fille ; il se présente à l’auberge du Portugais, qui le rebute lui et ses chansons. Le chanteur se retourne vers l’autre hôtellerie, où il est bien mieux accueilli. Le brave Allemand met la table devant la porte, y fait asseoir l’étranger et sa fille, et leur tient compagnie. Pendant ce temps-là, un riche habitant de Pékin arrive, monté sur un dromadaire, accompagné d’un brillant cortége ; c’est Brunet, l’un des magots de la Chine. L’autre, riche négociant de Nankin, ne tarde pas à se présenter avec la même magnificence ; c’est Potier, autre magot de la Chine. Leurs noms chinois sont un peu difficiles à retenir, à prononcer, à écrire : je me sers du nom des acteurs.

Brunet a déjà vu la jeune fille en arrivant : il en est ravi ; mais la vue d’une belle n’ayant rien pour lui de solide, il entre dans son auberge pour dîner. Pendant le repas, les deux magots entendent, par la fenêtre, les doux accens de la voix de la jeune fille ; ils abrégent leur dîner, et sortent pour la mieux écouter. L’amour les transporte ; ils sont fous. Le chanteur profite de l’occasion pour récompenser son hôte et se venger du Portugais : il fait espérer aux deux magots amoureux que le plus empressé, le plus poli et le plus galant aura la préférence. Sur cet espoir, les deux Chinois se déterminent à quitter leur auberge et à passer dans celle de l’Allemand pour être plus près de leur maîtresse : chacun d’eux donne une grosse somme à l’honnête Frantz, pour retenir une place dans son auberge ; tous deux se persuadent, sur quelques paroles vagues du chanteur étranger, que c’est un grand mandarin; et le Portugais, troublé par sa conscience, s’imagine que ce mandarin est envoyé pour rechercher et punir ses friponneries. Cependant le frère de la jeune fille, fort embarrassé entre ses deux rivaux, prend le parti de s’embarquer pour l’île Formose, où il a un petit héritage à recueillir. Le Portugais, apprenant cette résolution, se hâte de fournir une chaloupe : on voit le chanteur et sa fille passer. A peine les a-t-on perdus de vue, que les deux magots arrivent tout en feu. Quelle est leur consternation ! la belle est partie avec son père : la confusion et le dépit des deux vieillards ridiculement amoureux, et la récompense de la générosité du brave Allemand, forment un bon dénouement. Brunet et Potier sont des magots de la Chine très-réjouissans et très-comiques. Bosquier-Gavaudan est excellent dans le rôle du chanteur ; il joue et chante à faire plaisir. Mademoiselle Pauline est charmante dans la jeune fille ; et les deux hôtes sont fort bien représentés, le Portugais par Cazot, l’Allemand par Dubois. La pièce est d’un genre convenable à ce théâtre, et l’on ne peut guère lui reprocher que certaines facéties ignobles, aisées à supprimer. Cependant quelques sifflets se sont fait entendre : on ne siffle que par envie. On trouve que M. Sewrin, auteur de la pièce, est un fournisseur des Variétés trop actif et trop heureux ; il fait à lui seul autant de besogne que ses confrères les auteurs tous ensemble. (14 janvier 1813.)

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