Les Deux portraits

Les Deux portraits, comédie en deux actes, en prose, avec musique, paroles de d’Avrigny, musique de Francesco Parenti, 20 novembre 1790..

Théâtre Italien.

Titre :

Deux portraits (les)

Genre

comédie avec musique

Nombre d'actes :

2

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

20 novembre 1790

Théâtre :

Théâtre Italien

Auteur(s) des paroles :

M. d’Avrigny

Compositeur(s) :

Francesco Parenti

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 49 du samedi 4 décembre 1790, p. 44-47 :

[Le Mercure de France se trompe sur le titre de la pièce : il s’agit des Deux Portraits, de Charles-Joseph Loeillard d’Avrigny, musique de Paolo Francesco Parenti.

Le critique vient de rendre compte des représentations de la tragédie Brutus, de Voltaire, qu’on a remis à la scène, et dont il a souligné le patriotisme. Il passe maintenant à une pièce d’un tout autre niveau, pour laquelle il sollicite l’indulgence du public : « On ne peut exiger d'un Auteur dramatique que ce qu'il a promis », et ici, l’auteur n’a voulu que permettre à un compositeur italien de montrer son talent et à une cantatrice de faire sa rentrée très attendue. Le poème n’a donc guère d’importance, c’est la musique qui importe. Et cette musique est jugée favorablement. On lui reproche seulement d’avoir trop voulu donner à ses chanteurs, et la répétition finit par lasser. L’article s’achève sur une présentation dithyrambique de la cantatrice. Elle est dotée de toutes les qualités comme chanteuse, sa voix a toutes les qualités, elle est d’une étendue inégalée. DE plus elle estd evenue une bonne actrice, y compris pour le comique qu’on lui croyait étranger. L’article s’achève sur l’habituel bilan  auteurs nommés, cantatrice paraisant sur la scène. Et les autres interprètes auront droit à leur propre éloge, à une prochaine occasion.]

THÉATRE ITALIEN.

On ne peut exiger d'un Auteur dramatique que ce qu'il a promis, & il seroit injuste de le juger avec une sévérité plus grande que sa prétention. Celle de M. Davrigny, en composant la petite Pièce qu'il a donnée sous le titre des Portraits , n'a été, comme il le dit lui-même, que d'établir un cadre où un jeune Artiste Italien ,M. Francesco Parenti, pût déployer ses talens, & de faire reparoître d'une manière plus intéressante, une Cantatrice bien justement chérie du Public, qui s'en étoit cru privé pour toujours. Nous serons donc d'accord avec l'Auteur, comme avec les spectateurs, en passant légèrement sur le Poëme, qui est tiré d'un canevas Italien de M. Goldoni. Nous observerons seulement que le comique de l'original naissoit de la figure bizarre d'Arlequin opposée à celle de son Maîtr  ; & que ce comique disparoît nécessairement en François. Cet échange de portraits, en passant par diverses mains, forme tout l'imbroglio de la Pièce, & amène le dénouement qui pouvoit, il faut l'avouer, venir au commencement tout aussi bien qu'à la fin. Mais l'intrigue, toute légère qu'elle est, suffit pour soutenir l'attention qu'on doit aux beautés musicales ; & c'est tout ce qu'on a voulu.

La musique offre beaucoup d'airs & plusieurs duos d'un chant fort agréable, & dont les accompagnemens sont travaillés avec soin. On y retrouve ce sel de bouffonnerie attaché à la mélodie même, indépendant des paroles, mais qui servent à les faire valoir, & dont les Maîtres Italiens paroissent seuls posséder le secret. On a distingué sur-tout le final du premier Acte. Le désir de plaire à tous les Acteurs qu'il employoit, a engagé M. Parenti à multiplier les passages dans ses airs ; ce qui les rend d'un caractère trop uniforme, & répand une sorte de monotonie sur tout l'Ouvrage. Il est à présumer que plus maître de ses moyens à l'avenir, il sacrifiera ces considérations au mérite de l'ensemble. C'est ce qu'on doit attendre de son talent, s'il tient tout ce qu'il promet.

Madame Davrigny a surpassé de beaucoup l'idée avantageuse qu'on s'étoit faite de ses progrès pendant l'absence d'un an qu'elle a faite à ce Théatre. Loin de perdre des qualités qu'on lui connoissoit, elle les a augmentées,& en a même acquis beaucoup d'autres. Sa voix qui a la même pureté, la même égalité, la même douceur, une agilité, une facilité aussi étonnante, a beaucoup plus de timbre, de volume & d’étendue. Elle montoit aussi haut qu'il est permis à la voix humaine de former des sons appréciables ;. mais les cordes graves étoient molles & foibles ; elle les a cultivées avec succès, les a rendues égales aux autres, tant pour la force que pour la qualité de son, & elle possède aujourd'hui une échelle de vingt deux à vingt-trois sons, du sol grave au sol, ou même au la aigu, étendue qu'aucune voix en Europe ne surpasse.

Cette charmante Cantatrice avoit jusqu'ici donné l’idée de ce qu'il y a de plus parfait du côté de l'exécution ; mais on la désiroit plus sensible & plus animée : elle a rempli ce désir; & la perfection qu'elle avoit montrée dans la bravoure, elle la montre aujourd'hui dans le cantabile. Son jeu même, sa diction, son maintien sur la Scène ont singulièrement acquis. On voit dans cette Pièce que la gaîté ne lui est point étrangère, comme on l'avoit cru, & que, pour se livrer aux mouvemens dramatiques, elle n'a besoin que d'y être excitée par la nature de ses rôles.

Le Public a demandé les Auteurs, & on les a nommés. Il a demandé aussi Madame Davrigny : elle a paru, & a été reçue avec des applaudissemens qui justifient cet éloge.

Nous n'y ajouterons point celui des autres Acteurs de la Pièce, ni celui de l'excellente méthode de chant que quelques-uns d'entre eux commencent à naturaliser sur ce Théatre : nous aurons l'occasion d'y revenir.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1790, tome XII (décembre 1790), p. 322-323 :

[L’Esprit des journaux se trompe comme le Mercure de France sur le titre de la pièce...

Le critique renonce à critiquer : la pièce n’est qu’un prétexte à faire valoir de la musique. C’est l’occasion d’entendre à nouveau Madame d’Avrigny, et le critique accorde une large place à sa prestation, très appréciée, sauf qu’elle abuse des ornements « à l’italienne » : sa virtuosité lui permet des exploits en chantant, mais il ne faut pas en abuser ! La remarque vaut aussi pour . Solier : la musique italienne pousse les meilleurs chanteurs à des abus condamnables. La musique de M. Parenti est jugée de façon plutôt sévère : on retrouve le reproche classique de l’abus des réminiscence, et celui non moins classique de l’absence de sens de la scène.]

Le samedi 20 novembre, on a donné les Portraits, comédie en deux actes, en prose, avec musique ; paroles de M. d'Avrigny, musique del fignor Francesco Parenti, compositeur de l'école de Naples Cette comédie est, ainsi que M. d'Avrigny en a prévenu le public, tirée du portrait d'Arlequin, comédie de M. Goldoni. Comme ce n'étoit absolument qu'un cadre pour faire entendre la musique de M. Parenti, & pour la rentrée de Mde. d'Avrigny, ci-devant Mlle. Renaud l'aînée, on auroit tort de critiquer cet ouvrage qui, sans ces circonstances, seroit très-susceptible de l'être. C'est un imbroglio de deux portraits que l'on veut cacher à un tuteur, & qui se trouvent successivement entre les mains de la maîtresse, de la suivante, du valet, &c. Il suffit de dire, pour engager le public à voir cette piece, que Mde. Davrigny y chante avec une supériorité étonnante ; sa voix, au lieu d’être affoiblie, comme on l'avoit prétendu, a considérablement acquis. Elle a deux tons de plus & donne le sol très-plein. Cependant, pour lui prouver le desir que nous formons de la voir porter l'art du chant à sa perfection, ce qui lui sera très-facile, nous l'engageons à s'appliquer beaucoup à l'étude du cantabile, à filer des sons & à ménager davantage les agrémens à l'italienne, qui font un souvent [sic] allégro d'un adagio, & qui ne conviennent pas à toutes les syllabes de notre
langue. Il faut être avare de ces agrémens, pour chanter un
cantabile avec simplicité & en donnant de beaux sons : il nous a semblé qu'elle prodiguoit un peu trop les roulades diatoniques si difficiles pour bien des chanteurs, mais que la flexibilité de sa voix lui rend faciles, de quelque étendue qu'elles soient. Peu de gens méritent l'avis que nous lui donnons. Ce sont les grands moyens qui tombent dans ce léger défaut. M. Solier est applaudi avec enthousiasme, toutes les fois qu'il a quelque chose à chanter. Cet acteur sait aussi que le trop d'agrémens charge un air & le dénature : plus il avance, plus il saisit le vrai goût du chant. La musique de M. Parenti a du mérite ; mais (c'est le défaut sans doute de bien des compositeurs italiens) elle offre des réminiscences, & nous a paru peu
dramatique : nous engageons ce compositeur à étudier beaucoup la scene , & à nourrir un peu plus son orchestre.

Dans la base César, c’est les deux Portraits, opéra comique en deux actes, qu’il faut chercher. Mais la date de représentation n’est pas la bonne : c’est le 20 novembre qu’elle a été jouée, et non le 20 août 1790.

Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 370, lui connaissent 3 représentations.

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