Les Deux prisonniers, ou la Fameuse Journée

Les Deux prisonniers, ou la Fameuse Journée, drame historique et lyrique en trois actes, en prose et en vers, de Marie-Joseph-Désiré Martin, musique de Stanislas Champein, publié en 1792, créé le 10 février 1794.

Théâtre des Arts de Rouen.

Le catalogue de la BNF situe la première (et seule) représentation à Rouen.

Titre :

Deux prisonniers (les), ou la Fameuse journée

Genre

drame lyrique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

prose, avec couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

10 février 1794

Théâtre :

Théâtre des Arts de Rouen

Auteur(s) des paroles :

Joseph Martin

Compositeur(s) :

Stanislas Champein

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez l’auteur, 1792 :

Les deux Prisonniers, ou la Fameuse Journée, drame historique et lyrique en trois actes, Dédié à Henri Masers de Latude, Par Joseph Martin. Prix 30 sous. A Paris, Chez l’Auteur, rue Montmartre, N°. 5, près le Boulevard, Et chez Denné, Libraire, au Palais-Royal, près le Passage du Peron, en face de la rue Vivienne. 1792.

La pièce est donc à la gloire du célèbre chevalier de Latude (Jean Henry Masers de Latude, 1725-1805), un intrigant ayant connu abondamment les prisons royales, et spécialiste de l’évasion (il s’est évadé trois fois de la Bastille, en particulier le 25 février 1756. Il a écrit (presque seul) ses mémoires, publiées en 1787 et très lues pendant la Révolution.

Le texte est précédé d’un avertissement.

Les Livres dans lesquels j’ai dû naturellement puiser, en composant cette Piece, sont les Mémoires de M. de Latude, l’Ouvrage de M. Linguet sur la Bastille, les Lettres de Cachet, les Prisons d’Etat par Mirabeau, et la. Brochure dans laquelle M. Dusaulx a tracé, avec autant d’énergie que de précision les grands événémens qui ont décidé la Révolution. Voilà mes Guides ; je me fais gloire de les nommer, et j'ai souvent emprunté leur langage, en vertu du privilége que les Historiens et les Auteurs dramatiques ont d'employer les matériaux analogues aux sujets qu’ils traitent.

Cet avertissement est suivi d’une dédicace à Monsieur de Latude, p. 3-6 :

A MONSIEUR DE LATUDE.

Plus d’une fois, Monsieur, dans le cours de la composition de cet Ouvrage, et usant de la permission que vous m’avez donnée, d’y conserver, au personnage principal, votre véritable nom, j’ai regretté d’être obligé de supprimer quantité de traits et de détails importans, qui manquent à ce tableau dramatique, pour que vous puissiez vous y reconnaître. Heureux, si j’eusse été libre de suivre l’exemple de certains peuples, qui prolongent l’action théâtrale, en autant de journées que le sujet le comporte. Mais, vous le savez, Monsieur, nos grands Maîtres nous ont, non seulement prescrit la régle des 24 heures, il faut encore que la courte durée d’une représentation soit conforme à nos usages reçus. Voilà mon excuse, et voilà pourquoi, sans doute, aucun Auteur n’a encore essayé de transporter sur la Scène les événemens si extraordinaires de votre vie.

La difficulté d’amener un dénouement qui termina vos malheurs, à la satisfaction des spectateurs, étoit encore bien grande à surmonter. Pour y parvenir, voici comment j’ai raisonné : --- Il est de fait que vous vous êtes évadé de la Bastille ; --- il est de fait que vos persécuteurs vous ont fait ensuite reprendre ; --- il est de fait que l’on compte, parmi ceux qui ont le plus contribué à la Révolution, ceux-là mêmes qui sont parvenus à vous faire recouvrer votre liberté ; --- il est de fait que, le lendemain de la prise de la Bastille, on y trouva votre échelle de corde qui vous fut rendue par ordre de la Municipalité ; --- il est de fait, enfin, que vous n’avez goûté de consolation , sans mélange d’amertume, que depuis la fuite honteuse des despotes, qui, heureusement pour nous, portent leurs principes atroces et leur rage impuissante hors du Royaume. Ainsi, Monsieur, d’après cette connéxion d’idées, ne voyant plus en vous que le premier héros de la liberté, le premier vainqueur de la Bastille, j’ai pu, j’ai dû, pour produire de l’effet .au théâtre, tout sacrifier à cette seule pensée. En contribuant à délivrer la Nation du. joug de ses tyrans, vous brisez pour jamais les chaînes dont vous avoient surchargé vos bourreaux. L’imagination saisit, avec avidité, cette attitude fiere et menaçante qui peint tout à la fois, et ce que vous avez fait, et ce que vous n’auriez pas manqué de faire, si vous vous fussiez trouvé dans toutes les circonstances où je vous ai placé.

En me lisant, en analysant le caractère de Julie, vous retrouverez celui de votre digne et respectable amie. Oui, c’est elle, c’est Mme. Legros qui m’a inspiré ce langage de la vertu, ces pensées consolantes qui, tempérant vos souffrances, ont pour l’ame un attrait, un charme inexprimable qu’il est si doux de partager. Ah ! Monsieur, si, pour fruit de mon travail, j’obtiens votre approbation et la sienne, si quelques fois je suis présent à votre pensée,si j’inspire à ceux qui n’ont pas lu vos Mémoires l'envie de les connaître ; et si, dans l’émotion de quelques souvenirs agréables, vous répandez une seule larme de plaisir, ah ! sans doute, je suis trop récompensé !

MARTIN.

Paris, le 20 Janvier 1792.

La dédicace est suivie d’une préface, p. 7-11 :

Les moyens employés par le chevalier de Latude pour s’évader de la Bastille, sont connus de tous Ceux qui ont lu ses Mémoires. Il est, pour ainsi dire, le seul de tous les prisonniers, qui ont été enfermés dans cette célébre forteresse, sur qui la France ait, dans ces derniers tems, fixé les yeux, avec surprise et admiration. De toutes parts, il a reçu des hommages et des couronnes ; honorables mais foibles dédommagemens de ses longues souffrances. Exposer son caractère à la vénération publique ; déployer l’énergie de son. ame ; voilà quel a été mon but en composant cet Ouvrage. Pour faire mieux ressortir mon Héros, et amener des contrastes, je mets en scène avec lui son compagnon d’infortune, lequel je suppose charmer les ennuis de sa captivité, par l’étude de la peinture, et profiter de toutes les consolations que le Major du Château se plaisoit à lui procurer. --- Je suppose encore que Julie, âgée de seize ans, est fille du Capitaine-commandant la Compagnie de Bas-Officiers Invalides pour la garde du Château de la Bastille, et qu’elle est sur le point d’épouser le Major. Ainsi, les cinq personnages principaux, savoir, les deux Prisonniers, le Major, le Capitaine Commandant et Julie, sont sans cesse, en opposition avec les autres interlocuteurs.

Inventez des ressorts qui puissent m’attacher, a dit le Législateur du Parnasse; et c’est en vertu de ce précepte qu'il est permis aux Poètes d’intervertir l’ordre des tems, de rapprocher les événemens, de les tronquer même à leur gré. On sait avec quel avantage les Anciens, sans parler des Modernes, ont mis à profit cette licence poétique, à laquelle nous devons les:Amours d’Énée et de Didon , et tant d’autres chef-,d’œuvres de l’antiquité. Cependant, pour.faire un bon ouvrage,

« Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu ;
» Que le début, la fin, répondent au milieu ;
» Que, d’un art délicat, les pieces assorties,
» N'y forment qu’un seul tout de diverses parties ».

Scrupuleux observateur de cette loi, je m’écarte peu des faits connus pour avoir précédés [sic] la fameuse journée du 14 Juillet 1789. Seulement j’accumule ces faits pour les restreindre à la règle des vingt-quatre heures dont il n’est pas permis de s’écarter au théâtre ; et, si M. de Latude se fut [sic] évadé de la Bastille le 13 Juillet 1789, au lieu du 25 Février 1756, il était ‘possible qu’il lui arrivât ce que j‘ai supposé, à son égard, dans les deux derniers actes de mon Drame. En cela il ressemble à tous les Héros de Tragédie, lesquels agissent et parlent au gré de l’Auteur ; ce qui est de toute nécessité, :car l'Auteur, en les adoptant; et entreprenant de développer leur caractère, s’impose la. loi de les représenter, non seulement tels qu’ils ont été, encore tels qu’ils se seroient montrés dans telles ou telles circonstances données : et voilà,  sans contredit, ce qui apporte un grand charme aux fictions poétiques. Or, pour trouver grace auprès des censeurs les\plus rigides, lorsqu’il s’agit de signaler, de célébrer la fämeuse journée du 14 Juillet 1789, sans doute il suffit de bien choisir ses personnages et de les soumettre aux événemens qui sont réellement arrivés ; observant, toutes fois, que les rapprochemens soient ménagés de maniere à produire de l'effet, sans nuire à la régularité de la fable. J ’ai donc lieu d’espérer que le Spectateur se prêtera d’autant plus volontiers à l'illusion, que, sans avoir pu le prévoir d'abord, il jouira d’une suite de tableaux variés et attachans, dont l’enchaînement et l’ensemble peuvent assurer, en quelque sorte, le succès de l’ouvrage.

Ce succès est fondé d’ailleurs, 1.° sur ce que, relativement à la prise de la Bastille, il n’a été, jusqu’à présent, mis en musique qu'un assemblage de versets de l’Ecriture Sainte, plus analogues à une victoire quelconque, remportée par ,les Israélites, qu’au triomphe des Parisiens en 1789 ; 2.° sur ce, qu’en rappellant, d’une maniere simple et dégagée de tout esprit de parti, l’événement qui a décidé la Révolution, c’est le plus sûr moyen de réunir tous les suffrages. En retraçant cet événement à jamais mémorable, telles qu’en puissent être les suites, j’ai écarté les scènes d’horreur et autres détails sinistres dont sont remplie plusieurs ouvrages dramatiques; relatifs aux:choses étonnantes qui se passent sous nos yeux. De plus, j'ai embelli mon sujet, en. développant l’amour du Major pour Julie, qui se trouve dans une position à intéresser vivement; ce qui parle à tous les cœurs sensibles, et rend la piece, pour ainsi dire, indépendante dés circonstances. Ainsi,:j’occupe le spectateur de sentimens tendres et délicats, de maniere à ne présenter que la nature; peinte en beau, la nature choisie, suivant l’expression d’Aristote, et telle. qu’on ne doit jamais se permettre de la. présenter autrement au théâtre ; c’est sans doute le moyen de plaire aux gens : le goût, et même à la multitude, qui finit par se lasser des pantomimes de siege, et autres accessoires, dont il faut être très-sobre, pour obtenir un succès durable. Que, si je n’ai pas réussi à faire une piece au moins passable, je regretterai de m’être trompé dans arrangement du sujet, mais je resterai convaincu qu’un maître habile peut en tirer un très-grand parti, et c’est alors ce que je souhaite.

Liste des personnages :

PERSONNAGES.

Le Ch. DE LATUDE

Prisonniers à la Bastille.

D'ALEGRE,

Le Major de la Bastille.

Le Capitaine-Commandant la Compagnie des Bas-Officiers Invalides pour la garde du Château de la Bastille.

Julie, fille dn Capitaine.

M. de Saint-Yon, Commandeur de Malthe, retiré à la campagne.

Le Pere Duchêne, Aubergiste.

M. de la Pinte, Cabaretier.

Toinette, Fille aînée du Pere Duchêne, mariée à M. de La Pinte.

Suzon, Sœur de Toinette,

Dragon, Porte-Clef, Geolier à la Bastille.

Cavaliers de Maréchaussée.

Soldats de différens Régimens.

Paysans et Paysannes,

Au premier Acte, la scène se passe dans l'intérieur de la Bastille : au second et au troisième, le Théâtre représente la campagne à un quart de lieue de Paris, sur la route de Vincennes,

Mercure Français, n° 13 du 31 mars 1792, p. 130 :

Les deux Prisonniers, ou la Fameuse Journée, Drame historique & Lyrique en 3 Actes, dédié à Henry Masers de la Tude ; par Joseph martin. Prix, 30 sous. A Paris, chez l’Auteur; rue Montmartre, N°. 5, près le Boulevard ; & chez Denné, Libr. au Palais-Royal, près le passage du Perron, en face de la rue Vivienne.

La base Dezède contient une notice pour cette pièce, et indique une représentation à Rouen, au Théâtre des Arts, le lundi 10 février 1794 (mais à cette date, le Théâtre des Arts s'appelle Théâtre de la Montagne, d'après le site Dezède). Elle est décrite comme un « drame lyrique en trois actes », de St. Champein, compositeur, et J. Martin, librettiste. La base César connaît cette date de représentation, mais ignore dans quel théâtre elle a eu lieu.

Paola Perazzolo, « La dramatisation de la prise de la Bastille pendant la Révolution : représentations et révisions », Annales historiques de la Révolution française, 367 (janvier-mars 2012), dit que la pièce, comme d’autres évoquant la Bastille, n’a pas été jouée. Elle insiste par ailleurs sur la « singularité » d’une pièce qui mêle éléments historiques (l’emprisonnement de Latude, la prise de la Bastille) et éléments fictifs (Latude n’a pas participé à la prise de la Bastille).

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