Les Deux voisines, ou les Prêtés rendus

Les Deux voisines, ou les Prêtés rendus, comédie en un acte et en vers, de Marc-Antoine Désaugiers et Gentil ; 4 février 1815.

Théâtre Français.

Titre :

Deux voisines (les), ou les Prêtés rendus

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

4 février 1804

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Marc-Antoine Désaugiers et Gentil

Almanach des Muses 1816.

Dumoulin, restaurateur, et Maigret, libraire, ont chacun pour femme une commère dont la langue n'épargne personne. Deux jeunes et jolies veuves ont été en butte à leur malignité ; celles-ci veulent s'en venger, d'autant qu'elles sont, par suite de mauvais propos, exposées à perdre leurs amans. Arrivée à Paris, rendez-vous au bal de l'Opéra, méprises, fausses confidences ; bref, tout s'explique, le spectateur a ri, et la pièce a réussi.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1815 :

Les deux Voisines, ou les prêtés rendus, comédie en un acte, en vers, par MM. Désaugiers et Gentil ; Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre Français, le 4 Février 1815.

Journal des débats politiques et littéraires, 7 février 1815, p. 1-2 :

[La pièce n’est pas un succès, et la multiplication des nouveautés ce soir-là l’explique. Le résumé de l’intrigue montre que l’histoire est bien compliquée et laisse même supposer une relative confusion dans l’esprit du critique (certains faits ne semblent pas bien motivés, comme la jalousie de Dumoulin, née d’un quiproquo non expliqué). Le dénouement est présenté avec beaucoup d’optimisme, les jeunes femmes pardonnant bien facilement. Que retenir ? Que la pièce est spirituelle et gaie, qu’elle est bien jouée, et que « quelques traits d’assez mauvais ton » sont rendus excusables par le Carnaval, tout comme la bien grande proximité avec d’autres pièces.]

THEATRE FRANÇAIS.

Première Représentation des Deux Voisines, ou les Prêtés rendus, comédie en un acte et en vers, par MM. Desaugiers et Gentil.

Cette petite comédie avoit attiré peu de curieux : la foire cependant n’étoit pas à Bezons, comme disoit ce bon Lemierre, mais elle étoit à l’Opéra; et les auteurs eux-mêmes avoient contribué, en les divisant, à affoiblir le nombre des spectateurs. Deux de leurs productions paroissoient dans la même soirée sur deux théâtres différens. et ils faisoient leurs farces aux Variétés, pendant que leurs Voisines égayoient le public du Palais-Royal.

Victor et Charles, sur le point d'épouser Julie et Clarice, prétextent des affaires à Francfort, et. quittent Bruxelles pour venir passer leur Carnaval à Paris. Leur ruse est bientôt connue de leurs futures, et, comme ces demoiselles n'ont sans doute personne à qui elles doivent compte de leurs actions, elles se mettent à la poursuite de leurs amans, les suivent à la trace, et descendent à Paris, chez M. Dumoutin, restaurateur à l'enseigne du Croissant.

A peine arrivées, elles s'affublent d'un domino, et volent au bal de l’Opéra, dans l’idée d'y rencontrer les deux perfides qui se sont joués de leur crédulité. Leur espérance se réalise : elles les reconnoissent dans la foule, les agacent et les intriguent au point de leur faire tourner la tête. Nos étourdis veulent absolument savoir le nom et l’adresse des belles inconnues.

Julie et Clarice, malgré la brièveté du séjour qu'elles ont fait dans la capitale, ont déjà eu à se plaindre de Mme Dumoulin, leur hôtesse, et de sa voisine, épouse de M. Maigret, libraire; elle trouvent plaisant de profiter de la circonstance pour se venger doublement, et de donner un rendez-vous à leurs dupes pour le lendemain à dix heures au restaurant de M. Dumoulin. De là un quiproquo, dont l’effet est d’inspirer au. traiteur une violente jalousie

Victor et Chartes se trouvent exactement au lieu désigné : ils demandent à déjeuner ; on les sert dans un cabinet. M. Dumoutin écoute à la porte la conversation de ses hôtes et il apprend à son grand regret tout ce qui s'est passé la veille au bal de l’Opéra : le voilà plus convaincu que jamais de son malheur. Maigret, placé dans la même catégorie, apprend aussi le sort qui lui est réservé ; les époux offensés se font connoître à Victor et à Charles et ceux-ci, prenant leur parti en braves, offrent aux pauvres maris un dédommagement pire que l'injure, et leur proposent de se couper la gorge avec eux.

Cette situation est comique, mais on en trouve des modèles sur tous les théâtres. Les jeunes gens rentrent dans leur cabinet, et se mettent à boire. Julie et Clarice, qui surviennent, s'efforcent de piquer la jalousie de leurs amans, en se faisant de fausses confidences assez haut pour qu'elles soient entendues.

L'arrivée de Mme Dumoulin et de Mme Maigret force les demoiselles de passer dans le cabinet opposé à celui où se trouvent Chartes et Victor. Les deux femmes sont en domino. Victor et Chartes se précipitent à leurs pieds. Les maris entrent, se tiennent au fond du théâtre et, après une anxiété beaucoup trop prolongée, arrachent les masques qui couvrent les visages surannés de leurs femmes. A cet aspect, nos amans reculent d’épouvante. Dix heures sonnent ; Julie et Clarice sortent de leur retraite Victor et Charles s'aperçoivent qu'ils ont été joués, et sollicitent aux pieds de leurs maitresses un pardon que l'amour n’a pas de peine à leur accorder. Julie et Clarice finissent en rappelantt aux voisins :

Que tout ce qu'on leur prête est toujours bien rendu.

De l'esprit, de !a gaîté, le jeu de Michot, de Baptiste cadet, celui de Mlle Leverd, la circonstance du Carnaval, ont fait pardonner quelques traits d'assez mauvais ton et oublier les rapports trop fréquens de cette petite pièce avec les Maris Garçons de Nanteuil, et la jolie comédie de la Suite d’un Bal masqué.

Journal des débats politiques et littéraires, 9 février 1815, p. 4 :

[Deux jours après le compte rendu de la création, nouveau court article sur les pièces de carnaval dont les Deux Voisines sont censées faire partie. Un point important : dans ces pièces, au Théâtre-Français comme aux Variétés, on rit beaucoup.]

La seconde représentation des Voisines a fait encore plus de plaisir que la première : on rit depuis le commencement jusqu’à la fin. On ne peut rien imaginer de plus comique que Michot, de plus plaisant que Baptiste cadet. Cette pièce prolongera le Carnaval bien avant dans le Carême. J'ai voulu voir lundi, aux Variétés, l’autre pièce des mêmes auteurs, intitulée : Je fais mes farces ; mais quoique arrivé à sept heures, il m'a été impossible de pénétrer dans la salle. Réduit à me promener dans le foyer et dans les corridors, je puis seulement attester, comme témoin auriculaire, que les convulsions les plus bruyantes du rire ont franchi, sans interruption, l’épaisseur des murs, et que, comme les soldats de ce régiment suisse, je riois beaucoup, avec quelques compagnons d'infortune, de ce que le Loustigh disoit de drôle sur le théâtre.                               C.

Mercure de France, volume 62 (janvier-février 1815), n° DCLXX (11 février 1815), p. 243-245 :

[Une petite comédie pour le théâtre Français, en un acte et en vers, de deux auteurs habitués aux succès : le critique n’a qu’à raconter une intrigue assez peu surprenante, dans laquelle deux fiancées veulent s’assurer de la fidélité de leurs fiancés, s’aperçoivent qu’ils sont prêts à les tromper et acceptent pourtant de leur pardonner, ce que le critique appelle dénouer « le nœud de l'intrigue à la satisfaction de tout le monde ». La pièce comporte « quelques gaîtés un peu triviales », mais aussi « des intentions vraiement comiques », dont le critique donne une série d’exemples. La pièce a été bien jouée par les actrices comme par les acteurs. Il ne restait plus qu’à nommer les auteurs.]

Théâtre-Français. — Les Voisines, ou les Prêtés rendus, comédie en un acte et en vers.

Julie et Clarisse apprenant que Charles et Victor, à qui elles sont sur le point d'être unies par les liens du mariage, se rendent secrètement à Paris, dans l'intention d'y assister au bal de l’opéra, prennent, un peu légèrement peut-être, la résolution de les v suivre incognito pour y épier leurs démarches. Descendues à l'hôtel de M. Dumoulin, traiteur, à l'enseigne du Croissant, leur air éveillé et leur ton mystérieux les ont bientôt mises en butte aux mauvais propos et aux caquets de madame Dumoulin et de madame Maigret, sa voisine, femme d'un libraire, ami de M. Dumoulin. Instruites de tout par une soubrette espiègle, nos deux jeunes étourdies se promettent bien de se venger des deux vieilles prudes par le même coup qui les vengera de leurs trop légcrs amans. Affublées d'un domino, elles volent au bal de l'opéra, et l'on s'imagine aisément que les premières personnes qu'elles y rencontrent, c'est ce même Charles et ce même Victor qu'elles y sont venues chercher. Après les avoir lutinés une bonne partie de la nuit, sous les noms de madame Dumoulin et de madame Maigret, elles laissent un peu désarmer leur fierté, et finissent par leur accorder un rendez-vous pour les dix heures du matin, à l'hôtel du Croissant. Nos deux jeunes gens n'ont garde d'y manquer : ils sont reçus par M. Dumoulin, à qui ils n'ont rien de plus pressé que de confier leur bonne fortune de la nuit, et de s'informer s'il ne connaîtrait pas une certaine madame Dumoulin, une certaine madame Maigret. Le hasard avait voulu que ces deux dames eussent passé la nuit hors de chez elles, pour vaquer à des devoirs de charité. A leur retour, les dominos de Julie et de Clarisse, laissés à dessein dans l'antichambre, leur font naître l'idée de s'en revêtir, pour s'égayer un peu aux dépens de leurs crédules époux. Charles et Victor, trompés par le costume, deviennent très-pressans ; les voilà aux genoux de leurs belles, qui se prêtent de bonne grâce à tout ce manège : les maris furieux sont hors d'eux-mêmes, et l'on ne sait comment aurait fini cette scène extrêmement comique, si la pendule ayaut sonné dix heures, Julie et Clarisse, qui observaient tout, et qui se croient assez vengées, ne fussent accourues et n'eussent dénoué le nœud de l'intrigue à la satisfaction de tout le monde.

Tel est le canevas de cette petite pièce, où parmi quelques gaîtés un peu triviales, on a remarqué des intentions vraiement comiques. Plusieurs vers ont été très-applaudis et méritaient de l'être.

M. Dumoulin , parlant des dangers du bal de l'opéra, dit assez, plaisamment de ceux qui, pour séduire de certaines beautés cruelles, ont recours à des déguisemens ridicules :

« Et, pour mieux triompher de leur cœur trop crédule,
« Une massue en main se donnent pour Hercule.

Le libraire, M. Maigret, porte envie au sort de son voisin le traiteur :

« Dont à tous les instans la cuisine embaumée,
« Voit en lingots d'argent s'obscurcir la fumée.

tandis que lui, pauvre diable,

« N'ayant pour aliment que sa bibliothèque,
« Il dîne de Buffon et soupe de Sénèque.

On a beaucoup ri d'un mot de Dumoulin, refusant d'accepter le cartel que lui offrait Cbarles en réparation de son honneur offensé : « Vous ne me connaissez point, n'est-ce pas, et sûrement

« Vous n'aviez pas dessein, par cette injure extrême,
« Physiquement parlant, de m'offenser moi-même.

Mademoiselle Leverd, qui ne dédaigne aucuns rôles parce qu'elle sait prêter à tous le charme de son talent, s'était chargée de celui de Clarisse, qu'elle a joué avec esprit, et dans lequel elle a déployé un enjouement plein de malice et de naturel. Mademoiselle Bourgoin l'a très-bien secondée dans celui de Julie ; Michot et Baptiste cadet sont très-comiques, l'un dans le rôle de Dumoulin, l'outre dans celui de Maigret.

Les auteurs ont été demandés ; ce sont MM. Désaugiers et Gentil.

Magasin encyclopédique ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1815, tome I (janvier 1815), p. 393-396 :

[Le critique commence par analyser avec précision une intrigue qui tourne autour de la fidélité des hommes envers leurs bien-aimées : deux fiancés qui cherchent l’aventure au bal de l’Opéra, et le trouvent, mais auprès de leurs fiancées, déguisées comme il convient au bal, et qui leur font croire qu’elles sont deux bonnes bourgeoises. L’intrigue se complique, puisqu’elle fait intervenir les maris des deux femmes faussement mises en cause. Mais le propre des pièce s en un actes est de trouver rapidement une solution, et tout le monde pardonne, les maris à leurs femmes d’avoir osé s’absenter sans les prévenir, les fiancées à leurs fiancés qu’elles estiment assez punis. Seule la servante regrette que les aris renoncent à battre leurs femmes. Le jugement porté ensuite est assez sévère : « des plaisanteries hasardées, des équivoques presque graveleuses et des traits de mauvais goût », ce n’est guère digne du Théâtre Français. Mais le tableau de l’intérieur des ménages bourgeois que la pièce offre semble assez vrai. Et les acteurs masculins « ont donné à leur jeu et à leur figure, l'expression la plus comique ». Rien à dire sur les actrices ?]

THEATRE FRANÇAIS.

Les deux Voisines, ou les Prêtés rendus, comédie en un acte et en vers.

La scène se passe chez le restaurateur Dumoulin, qui tient un hôtel garni.

Dumoulin a une femme bavarde et médisante qu'il adore depuis trentre-trois ans, et dont il est jaloux comme à la veille de sou mariage. Son voisin Maigret, libraire très-peu achalandé, n'est pas mieux partagé que lui ; la femme du libraire est le second volume de celle du traiteur. Mais, Maigret n'est ni si amoureux ni si jaloux de sa moitié surannée.

La langue des commères n'a pas épargné deux jeunes et jolies veuves de province, qui, depuis quelques jours, sont venues loger dans l'hôtel garni ; elles ont poussé la malignité jusqu'à les appeler des veuves d'occasion. Clarisse et Julie ont suivi jusqu'à Paris les traces de leurs deux prétendus qui les ont quittées sous le faux prétexte d'un procès. Nos provinciales vont au bal de l'Opéra dans l'espoir d'y rencontrer leurs infidèles ; tout réussit au gré de leurs désirs.

Charles et Victor abordent au bal Julie et Clarisse qu'ils n'ont garde de reconnoître. Ils les croient en province occupées à pleurer leur absence ; ils pressent vivement les deux aimables inconnues, qui, pour se venger à la fois de leurs médisantes voisines et de leurs volages amans, se parent des noms de Mesdames Maigret et Dumoulin, et donnent aux entreprenans cavaliers un rendez-vous pour le lendemain à l'hôtel garni où elles rentrent sans être aperçues que de la servante Jeannette, qui leur est dévouée.

Dumoulin, qu'une affaire d'intérêt a forcé de s'absenter, apprend à son retour que sa femme a passé la nuit hors de la maison; son amoureuse jalousie le livre à mille soupçons qui ne se dissipent pas en apprenant qne la voisine Maigret est avec son épouse. La maligne Jeannette lui insinue que ces Dames ont probablement passé la nuit au bal de l'Opéra. Le susceptible époux s'emporte ; le libraire Maigret prend la chose plus pacifiquement ; il ne s'étoit pas même aperçu de l'absence de sa moitié.

Les commères rentrent au logis, elles ont passé la nuit auprès d'une de leurs amies qui est en couche : cette excuse n'empêche pas une scène fort vive entre le jaloux Dumoulin et sa chaste moitié ; la paix se rétablit, mais ce n'est pas pour longtemps. Charles et Victor arrivent au rendez-vous, et racontent à Dumoulin lui-même leur bonne fortune au bal de la nuit dernière. Cette confidence ne réjouit pas les deux maris ; mais, comme ils tiennent à la vie au moins autant qu'à leur honneur, et qu'on peut être bon traiteur et honnête libraire sans savoir et sans vouloir tirer l'épée, ils s'épuisent en raisonnement pour prouver à leurs rivaux qu'ils n'ont aucun tort, parce qu'ils n'ont pas eu l'intention d'offenser de pacifiques maris.

Tandis que les amans aventuriers attendent dans un cabinet leurs tendres inconnues, Julie et Clarisse se placent dans un cabinet voisin, et feignent d'attendre la visite de deux jeunes gens. Les curieuses et méchantes voisines prennent les dominos des deux Dames, et se présentent à Charles et à Victor. Elles sont surprises par leurs maris, qui les forcent à lever le masque. Quelle confusion pour les commères et pour les jeunes gens ! L'imbroglio s'explique. Les deux amantes outragées, toujours bonnes, toujours indulgentes, croient leurs infidèles assez punis. Elles pardonnent ; plus de soupçons, plus de querelles dans les deux ménages bourgeois ; tout le monde est satisfait, excepté Jeannette, qui avoit espéré que les maris battraient un peu leurs femmes : elle avoit compté sur ce petit divertissement pour égayer son carnaval.

Si, pour pouvoir se glorifier d'un succès mérité au Théâtre Français, il suffisoit d'avoir excité par des plaisanteries hasardées, des équivoques presque graveleuses et des traits de mauvais goût, les éclats de rire de cette classe de spectateurs dont les suffrages ne sont pas les plus honorables, on n'auroit que des félicitations à adresser à MM. Désaugiers et Gentil ; mais la gaieté qu'on vient chercher, même en carnaval, au Théâtre Français, ne doit-elle pas être de la même espèce que celle qu'on est sûr de rencontrer ailleurs dans toutes les saisons de l'année.

Cette comédie présente un tableau assez vrai de l'intérieur des ménages bourgeois.

Michot, dans le rôle de Dumoulin, et Baptiste cadet, dans celui de Maigret, ont donné à leur jeu et à leur figure, l'expression la plus comique.

D’après la base La Grange, Les Deux voisines ou les Prêtés rendus, comédie en 1 acte en vers ; texte de Marc-Antoine-Madeleine Desaugiers et Michel-Joseph Gentil de Chavagnac a été créée le 4 février 1815 et a connu 8 représentations cette même année.

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