Épicure

Épicure, opéra en 3 actes, en vers, de Demoustier, musique de Méhul et Cherubini, 23 ventôse an 8 [14 mars 1800].

Théâtre de l'opéra comique national, rue Favart

Titre :

Épicure

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

3, puis 2

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

23 ventôse an 8 [14 mars 1800]

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique National, rue Favart

Auteur(s) des paroles :

Demoustier

Compositeur(s) :

Méhul et Chérubini

Almanach des Muses 1801

Epicure est aimé d'Aspasie, son élève et sa pupille ; mais il croit plutôt à sa reconnaissance qu'à son amour. Il lui annonce quatre soupirans qui prétendent à sa main : le sybarite Narcisse, le stoïcien Rustau, le pleureur Héraclite, et le rieur Démocrite. Leur déclaration est mal accueillie ; ils soupçonnent qu'Epicure en est la cause, et pour s'en venger, ils vont le dénoncer à l'aréopage. Epicure est conduit en prison. Sa philosophie le soutient, et le lieu qu'il habite lui paraît un lieu enchanteur. Il s'endort, et le rêve aimable qu'il fait se réalise par l'apparition de la Sagesse qui descend du ciel, et vient chanter une ariette. Epicure s'éveille : le charme de son rêve est détruit. Il est sous les verroux d'une prison, et sous la garde d'un geolier dont il veut faire son disciple. Cependant on le mène devant l'aréopage. Il est accusé de séduire le jeunesse, et de prêcher la corruption. Epicure expose les principes les plus purs de sa morale. Aspasie vient à son aide, et dévoile les motifs criminels de l'accusation. Epicure est absous et pardonne à ses dénonciateurs.

Peu d'action ; situations qui, toutes, n'ont pas également intéressé. De jolis détails. Des morceaux de musique qui ont plus généralement.

Succès qui n'a pas répondu à l'espérance que l'on avait conçue de la réunion de trois hommes d'un vrai mérite.

Courrier des spectacles, n° 1106 du 24 ventôse an 8 [15 mars 1800], p. 2 :

[Pour mettre Épicure sur la scène de l’Opéra-Comique, il faut bien sûr l’inclure dans une intrigue amoureuse qui l’associe à une dénommée Aspasie, et le rend rival de ses disciples, dont certains font contre lui une conjuration, dont il sort évidemment vainqueur, après avoir séjourné en prison. Occasion de le montrer en train d’enseigner, bien sûr, et de développer ses idées. Le critique insiste sur la double image d'Épicure, le philosophe austère et le voluptueux : la pièce montre le philosophe austère, ce qui fait qu’il paraît « toujours sérieux et sententieux », et l’auteur des paroles lui fait soutenir des opinions qui ne sont pas celles du véritable philosophe. Ces défauts ont « nui au succès de la pièce », malgré « l’élégance de la poësie » et « les beautés remarquables de la musique ». La pièce a eu bien de la peine d’aller à son terme.].

Théâtre Favart.

Epicure enseigne tous les jours à un cercle nombreux de disciples cette philosophie si séduisante, et jusqu’alors inconnue, qui le rendit à jamais célèbre ; Aspasie, l’une de ses élèves, a été confiée particulièrement à ses soins : elle est déjà dans l’âge de plaire, et les qualités de son ame, autant que le charme de son esprit, lui attirent beaucoup d’adorateurs. Parmi ces derniers, on distingue le pleureur Héraclite, le rieur Démocrite, le sombre Ruston et le fade Narcisse. Aspasie leur déclare que son choix est fait, mais qu’il ne tombe sur aucun d’eux ; ils soupçonnent dès-lors qu’Epicure est leur rival secret, et jurent sa perte ; en effet, ils ont été le dénoncer à l’Aréopage comme employant la magie pour se capter le cœur de ses élèves, et comme versant dans leur ame le poison de la corruption, à la faveur des préceptes d’une morale dont la volupté fait la base. Epicure est jetté dans un cachot ; du pain, de l’eau, de la paille, voilà tout ce qu’on ni accorde ; cependant il conserve toute sa sérénité, et se croit même toujours entouré de ses amis. Le gardien de la prison admire tant de grandeur d’ame, il jouit de l’entretien du philosophe, et lui laisse la facilité de voir ses élèves, et sur-tout Aspasie ; mais on l’enlève à leurs einbrassemens pour le conduire devant ses juges. Il paroît bientôt aux yeux de l’Aréopage ; chacun de ses rivaux déduit ses imputations ; Epicure explique la morale que l’on veut si mal interpréter, et pour éclairer les juges sur la cause des calomnies dont il est l’objet, il fait paroître Aspasie qui dévoile l’intrigue des persécuteurs d’Epicure, et qui consacre par le don de sa main, la reconnaissance dont elle est pénétrée pour un tel maître.

S’il faut compter les imperfections d’un ouvrage par les mouvements d’improbation que montre le public, celle du poème d’Epicure sont en très-grand nombre. Il s’en trouve également et dans le plan et dans les détails ; le sujet en lui-même a peu d'intérêt ; le projet de dénonciation concerté par les quatre aspirans à la main d’Aspasie, est à-la-fois bien subit et au-delà de la vraisemblance. Presque tout le second acte est épisodique et peu nécessaire à l’action ; en effet, Epicure conservant toute sa tranquillité dans la prison, s’abandonne à un sommeil paisible, pendant lequel la Sagesse lui apparoît entourée de songes aimables ; il se réveille, l’illusion s’évanouit. Il a un entretien fort long avec le gardien, qu’il initie dans les secrets de la philosophie ; et il jouit pendant le reste du tems des témoignages d’affection de ses disciples qui sont venus le voir. Voici tout ce qui constitue ce second acte. Au troisième, Epicure est devant l’Aréopage, et toute cette scène n’a d’intérêt que par les principes de philosophie que l’accusé développe à ses juges pour confondre ses accusateurs.

Dans Epicure, on pourroit voir deux hommes différents, celui de l’antiquité, qui est sans doute le véritable Epicure, philosophe dont 1a morale étoit sévère, quoique facile, et celui de la tradition, c’est-à-dire l’Epicure voluptueux, tel que nous supposons dans les mœurs de notre siècle.

Ici on n’a mis que le premier sur la scène ; aussi paroît-il toujours sérieux et sententieux : une partie des maximes qu’on lui prête est fausse ou tient du paradoxe. Héraclite et Démocrite ne sont pas reconnoissables.

Ces défauts que n’ont pu pallier ni l’élégance de la poésie, ni les beautés remarquables de la musique, ont nui au succès de la pièce : elle a cependant été terminée , mais avec peine.

La Décade philosophique,n littéraire et politique, an VIII, 2e trimestre, n° 18 (30 ventôse), p. 559 564 :

[Ce long compte rendu s’ouvre par une utile mise au point sur l’épicurisme que Dumoustier a voulu venger « des reproches qu'il n'a pas mérités », en écrivant un opéra-comique en trois actes après l’avoir fait « dans son Traité de Morale à l'usage des Dames ». Mais le critique pense que le cadre étroit de l’opéra-comique se prête mal à un tel exercice, et que « des sentences et des madrigaux » ne se prêtent pas « à des compositions musicales ». Le critique prend toutes les précautions oratoires avant de se lancer dans un examen impartial de « la fable et [d]es détails de cet ouvrage ». L’analyse est menée parallèlement à un examen critique, le résumé du premier acte étant suivi de sa critique (la caricature d’Héraclite et de Démocrite ne plaît pas à l’auteur de l’article, qui la compare au personnage de Marsias dans le Jugement de Midas, comédie de Thomas d'Hèle, musique de Grétry, 1778). Le second acte est jugé complètement inutile et « pourrait être entièrement supprimé sans qu'on s'en aperçût ». Épicure y passe pour un peu fou, et les quatre prétendants sont « quatre scélérats odieux » : « plus de comique, plus de vérité ». Le troisième acte est celui où Épicure se justifie en expliquant sa doctrine, Aspasie venant lui apporter son témoignage. Tout cela manque complètement d’intérêt dramatique. Reste la délicate question du style. Après maintes précautions, le réquisitoire : le texte n’est pas toujours très juste, et certaines expressions sont d’une préciosité qui les rend fades (comme un tableau de Boucher... : chacun appréciera !). Certes Demoustier sait éviter l’écueil de l’afféterie, mais il faut craindre qu’il ne donne le mauvais exemple, et que d’autres l’imitent sans avoir son talent : l’opéra comique ne se prête pas à « la peinture des mœurs antiques ». La musique est mieux traitée que les paroles, les deux musiciens ayant su bien que les paroles « n'offrent ni passions à peindre, ni mouvemens, ni expression ». Pour finir, le critique note que la seconde représentation s’est mieux passée que la première, et que Solié a « parfaitement joué et chanté le rôle long et difficile d'Épicure »]

Épicure.

Épicure fut un Philosophe aimable de l'Attique ; il prêchait la volupté. Sa doctrine fut calomniée par les Stoïciens ; l'abus de ses maximes pouvait conduire au libertinage et au dérèglement des mœurs, et, suivant l'usage, on ne manqua point d'attribuer à sa philosophie même ce qui n'en était que la corruption… ; Épicure a conservé depuis ce tems deux réputations, et l'on range ses disciples dans deux classes distinctes, l'une d'Epicuriens rigides qui, pénétrés des leçons de leur maître, prêchent la volupté vertueuse, et les Epicuriens relâchés qui, ne reconnaissant pour Dieu que le plaisir, se plongent dans tous les excès de la débauche qu'ils confondent avec la volupté : c'est ce qu'Horace désignait par ce vers.

Epicuri de grege porcum.

C’est l’immonde animal du troupeau d'Épicure.

Le C. Dumoustier qui, dans son Traité de Morale à l'usage des Dames, a déjà voulu venger ce philosophe des reproches qu'il n'a pas mérités, et rétablir sa réputation, vient d'essayer aussi de le faire connaître à la scène sous un rapport avantageux, et il en a fait le sujet d'un opéra comique en trois actes, écrit en jolis vers : nous croyons d'abord que c'est une première faute d'avoir choisi ce cadre étroit pour un portrait qui exigeait quelques développemens. Nous croyons de plus que rien ne prête moins à des compositions musicales que des sentences et des madrigaux. Avec un écrivain aussi connu que le C. Dumoustier, aussi accoutumé aux succès, on est forcé d'être plus rigoureux qu'avec tout autre, et le devoir de la critique est malheureusement de proportionner sa sévérité au rang qu’occupent les auteurs, et à l'influence qu'ils peuvent exercer. Examinons avec impartialité, mais sans prévention, la fable et les détails de cet ouvrage.

Épicure est aimé de sa disciple Aspasie, dont il est aussi le tuteur ; l'histoire désigne sa courtisane Léontium, mais les formes lyriques ont fait préférer sans doute le nom d'Aspasie. La modestie du philosophe l'empêche apparemment de soupçonner, dans le cœur de sa pupille, un autre sentiment que celui de la reconnaissance et de l'amitié, quoiqu'elle s'explique avec assez de chaleur pour être mieux devinée. Il lui annonce quatre soupirans qui demandent sa main ; le Sybarite Narcille, le Stoïcien Rustau, le Lamentable Héraclite, et le rieur Démocrite. Ils font tous les quatre leur entrée et leur déclaration dans le style analogue à leur caractère, ils sont tous quatre éconduits, et tous quatre, soupçonnant Épicure d'en être la cause, se liguent, pour s'en venger, en le dénonçant à l'aréopage.

Cet acte présente quelques aperçus comiques. L'opposition du Stoïcien et du Sybarite était une idée heureuse, celle d'Héraclite et de Démocrite déjà si connue, l'est beaucoup moins. L'auteur prenant le rire et les pleurs de ces deux personnages à la lettre physique, n'en a fait que deux bouffons ridicules, dont l'un est insupportable par ses éclats de rire sans motifs, et l'autre bien plus encore par ses hélas, et ses soupirs répétés jusqu'à satieté. Il rappelle un peu trop ce Marsyas de Grétri, dans le jugement de Midas, et n'est que la caricature d'une caricature.

Le second acte pourrait être entièrement supprimé sans qu'on s'en aperçût. Épicure est traduit en prison, il s'extasie fort ridiculement sur la tranquillité du lieu, sur la bonté de l'eau qui doit lui servir de breuvage et du pain noir qu'on destine à sa nourriture ; il appelle son grabat un lit délicieux, s'endort paisiblement sans trop regretter ses amis, et singe la volupté. L'auteur voulant ici faire briller le machiniste a personnifié le rire d'Épicure. C'est la Sagesse elle-même qui descend avec tous ses attributs dans une gloire enveloppée de nuages diaphanes, et qui lui chante une ariette accompagnée de danses et de fleurs. Ce prestige disparaît, Épicure s'éveille ; se retrouve en prison, veut faire du géolier son disciple, lui offre son amitié, lui vante le bonheur de n'être ni spirituel, ni savant, se félicite d'avoir trouvé une ame pure, reçoit la visite et les témoignages d'intérêt d'Aspasie et de ses élèves, leur répond une foule de lieux communs, et n'est interrompu que par l'arrivée de ses quatre accusateurs qui viennent le chercher pour comparaître devant l'Aréopage. Avons-nous tort de dire que cet acte est entièrement superflu ? Quel pas a fait l'action ? Est-ce pour développer le caractère du Philosophe qu'on le fait s'extasier sans mesure sur tout ce qui doit précisément lui déplaire ? Le géolier n'a-t-il pas raison de le croire un peu fou. La philosophie fait supporter avec courage les persécutions ; l'innocence de l'ame adoucit les maux, et peut nous consoler jusques dans les fers ; mais n'est-ce pas une exagération ridicule de prétendre quelle change une prison en palais, de l'eau pure en nectar et du pain noir en ambroisie ? Comment un philosophe accusé connait-il assez mal les hommes pour ne pas craindre le jugement, pour ne pas démêler dans son géolier toute l'atrocité de celui qui vient de se faire payer par ses ennemis pour le bien tourmenter : que sont devenus les caractères opposés des quatre prétendans ? On ne les retrouve plus que comme quatre scélérats odieux sous la même physionomie ; plus de comique, plus de vérité.

Enfin Epicure paraît devant l'aréopage ; on l'accuse de séduire la jeunesse, de prêcher la corruption ; il se défend ; il expose les principes les plus purs de sa morale ; Aspasie dévoile le motif sordide et criminel de l'accusation ; Epicure est absous et pardonne à ses lâches dénonciateurs ; il fait plus, toujours exagéré, il les affilie en quelque sorte à sa famille ; et voilà toute la pièce. Or nous demandons où se trouve dans ce plan la plus légère trace d'intérêt dramatique, et si l'improbation de ceux qui viennent au théâtre pour y chercher des émotions n'était pas suffisamment motivée ?

Nous savons que parfois le style flenri de l'écrivain paraissait demander grâce pour le vice de sa fable ; mais de jolis vers suffisent-ils pour remplir un vide absolu d'intérêt et d'action ?L'élégance du style suffit-elle pour faire oublier la fausseté et le hors d'œuvre des pensées ? Le. citoyen Dumoustier nous permettra d'être plus sévère avec lui qu'avec des écrivains médiocres et sans cachet : il a le sien, il fait école, il séduit par le charme et le vernis le plus aimable ; mais il applique son coloris indistinctement à tous les sujets, à tous les tableaux antiques et modernes. S'il est toujours brillant par l'expression, il sacrifie quelquefois trop la justesse de la pensée, et j'en vais citer quelques exemples puisés au hasard dans sa pièce même.

Epicure dit, en parlant du plaisir :

Glanez, ne moissonnez pas.

C'est une idée fausse ; on ne peut glaner qu'après la moisson : on avait dit avant lui, d'une manière plus juste et plus élégante :

· Glissez, n'appuyez pas.

Voilà une image aussi vraie que gracieuse, et c'est un tort de redire plus faiblement ce que d'autres ont dit beaucoup mieux ;

Et qui n'use jamais les plaisirs dont il use.

N'est qu'un concetti, un jeu de mots ; c'est encore l'imitation affaiblie du vers :

Use, n’abuse pas

Ou de celui-ci :

L'abus même du bien en corromprait l'usage-

Il fait dire à son philosophe :

                 Aux deux pôles du monde
Les vrais amis ne sont jamais absens.

Il veut dire sans doute que le cœur et la pensée franchissent toutes les distances ; mais son expression contrarie son idée : en la pressant on trouverait que rien ne doit affliger, et que deux amis ou deux amans sont aussi heureux de loin que de près. Oh ! combien est plus juste, plus sensible, plus à la portée de tout le monde la pensée de l'autenr qui dit, en parlant de deux amans :

Ah ! pour peu qu'ils soient séparés,
Ils sont aux deux bouts de la terre.

Voilà du sentiment naturel, la pensée contraire n'est qu'une exagération.

Nous pourrions faire une foule de remarques semblables, mais nous craindrions d'en trop dire à notre tour : nous n'avons fait celles-ci que parce qu'en général l'intérêt du goût et de l'art d'écrire, exigent impérieusement qu'on déclare la guerre à un genre spécieux par lui-même, celui de tout madrigaliser, et de rassasier d'esprit. Les Ecrivains de cette école sont en Littérature ce qu'était Boucher parmi les Peintres ; ils affadissent tout par un coloris rose et bleu.

Le C. Dumoustier qui a dans son talent assez de fonds pour se faire pardonner un peu d'afféterie, pourrait faire des imitateurs moins adroits ; il ne s'en présente déjà que trop dans la carrière littéraire ; il est bon de leur dire que ce genre purement français, ne peut guères s'appliquer qu'à la pièce fugitive et galante, à la comédie de bon ton et de persifflage, au vaudeville badin et léger, mais qu'il faut se l'interdire sévèrement dans les ouvrages qui exigent un coloris local, sur-tout dans la peinture des mœurs antiques ; il faut bien leur persuader que rien ne serait si mal-adroit et de si mauvais goût que des guirlandes de fleurs artificielles, sur des colonnes d’'un style majestueux ; et qu'on regarderait avec raison comme un sacrilége le profane qui croirait rajeunir l'Apollon du Belvédère en donnant à sa draperie une teinture couleur de rose.

La musique fait d'autant plus d'honneur aux deux compositeurs célèbres qui s'en sont chargés, que les paroles y prêtaient moins, puisqu'elles n'offrent ni passions à peindre, ni mouvemens, ni expression. On a remarqué un très-joli air au premier acte, et une finale richement dessinée, on les dit du C. Chérubini ; au second, un morceau voluptueux d'Epicure, et un chœur du plus harmonieux effet ; ce second acte est, dit-on, tout entier du C. Méhul : le troisième a très-peu de musique.

La pièce, grâce à cette musique, et à des détails de style qui annoncent toujours une plume distinguée, a triomphé à la seconde représentation des contrariétés qu'elle avait éprouvées à la première. On a demandé les auteurs. Le C. Solié a parfaitement joué et chanté le rôle long et difficile d'Epicure.                              L. C.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome VI, pluviôse an VIII [février-mars 1800], p. 216-218 ;

[Le compte rendu donne d’abord l’analyse de l’intrigue, qui fait subir un sort curieux à la philosophie grecque. La première représentation n’a pas permis d’en connaître exactement le dénouement, à cause du vacarme des murmures et des sifflets (que le critique ne justifie pas). Le jugement porté ensuite souligne les qualités de l’ouvrage (« de la magie dans le style ;[...] des tirades remplies d'idées fines & de vers gracieux ». Mais il faut aussi relever de graves défauts (« l'ouvrage marche lentement, [...] plusieurs traits de mauvais goût s'y font remarquer, & [...] les moyens dramatiques en sont presque nuls ». La musique est rapidement évoquée : elle est de « deux grands maîtres ». Malgré le chahut final, les auteurs ont été nommés. Petite lueur d’espoir : on parle d’un passage de trois à deux actes, qui donnerait un rythme plus vif à la pièce.]

THÉATRE DE L'OPERA COMIQUE NATIONAL, RUE FAVART.

Epicure , opéra en trois actes.

Epicure enseigne publiquement sa morale & s'est fait un grand nombre de partisans. Quatre personnages ridicules, Narcisse, Riestan, Héraclite & Démocrite viennent ensemble lui demander la main d’Aspasie, sa pupille & son amie ; il leur dit de la consulter elle-même ; chacun d'eux suit ce conseil, & tous sont éconduits. Choqués de ce refus, les quatre prétendans vont dénoncer le philosophe & l'accusent de sortilège. Epicure est traîné en prison ; mais la pureté de sa conscience fait qu'il y trouve, comme partout ailleurs, la volupté ; un pain noir lui paroît de l'ambroisie ; il prend de l'eau pour du nectar ; enfin, il s'endort sur un lit de paille, comme il l'eût fait sur les plus doux coussins. Son geolier, d'abord prévenu contre lui, finit par l'aimer, & ce grossier personnage, placé dans le cachot pour tourmenter le philosophe, en devient bientôt le plus zélé partisan. Au 3e. acte, Epicure est traduit devant l'aréopage. Il répond victorieusement aux interpellations qui lui sont faites ; mais les juges n'en sont pas moins disposés à le condamner, quand tout à coup Aspasie paroît au milieu d'eux. Elle plaide éloquemment pour son ami, & elle dévoile la turpitude de ses quatre calomniateurs....... Nous ignorons si c'est ce moyen seul qui détermine le dénouement. Des murmures & le bruit des sifflets nous ont empêché d'entendre la dernière scène.

Tel est à peu près le fonds de l'opéra en 3 actes & en vers (Epicure), qui a été représenté pour la première fois sur ce théâtre, & qui n'a point obtenu de succès. Il y a de la magie dans le style ; le dialogue offre des tirades remplies d'idées fines & de vers gracieux ; mais l'impartialité qui nous a commandé ces éloges, nous force d'ajouter que l'ouvrage marche lentement, que plusieurs traits de mauvais goût s'y font remarquer, & que les moyens dramatiques en sont presque nuls. Quant à la musique, elle nous a paru d'un très-beau genre. On y reconnoît facilement le génie & surtout la science de deux grands maîtres.

Les auteurs ont été demandés & nommés : ce sont les CC. Dumoustier, pour les paroles ; & Méhul & Chérubini, pour la musique.

On annonce la suppression d'un acte pour la prochaine représentation , & l'on augure très-favorablement de ce changement, qui doit donner à l'ouvrage une physionomie toute nouvelle.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 5e année, 1799, tome VI, p. 415 :

[Rapide compte rendu d’un opéra-comique au faible succès. La cause : le manque d’action (mais c’est d’après le critique « le défaut de toutes les pièces données depuis quelque temps ». Même la musique n’a pas pu la faire réussir.]

THÉATRE FAVART.

Epicure.

Cet opéra, joué en trois actes le 23 ventôse, a été ensuite remis en deux actes ; il n'a pas eu grand succès, malgré la musique harmonieuse et belle des CC. Méhul et Chérubini. Il a le défaut de toutes les pièces données depuis quelque temps, trop peu d'action, et par conséquent trop peu d'intérêt. Epicure est dénoncé par ses disciples, amoureux d'Aspasie, et jaloux de lui ; mais Aspasie dévoile le motif de l'accusation, et Epicure absous pardonne à ses dénonciateurs.

Cette pièce est du C. Dumoustier.

Nicole Wild, David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 238 :

Épicure : Opéra-comique en 3 actes. Livret de Charles-Albert Demoustier. Musique d’Étienne-Nicolas Méhul et Luigi Cherubini. Première le 14 mars 1800.

Modifié le 16 mars (coupures) et réduit en 2 actes le 20 mars suivant.

6 représentations.

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