Ernold et Eugénie ou l'Héroïsme de l'amour

Ernold et Eugénie ou l'Héroïsme de l'amour, mélodrame en trois actes, de Fleury Bié, 2 nivôse an 11 [23 décembre 1802].

Théâtre des Célestins de Lyon.

Bulletin de Lyon, n° 28 du 8 nivôse an 11 [29 décembre 1802], p. 112 :

[Compte rendu très positif d'un mélodrame ayant toutes les qualités qu'on attend de ce genre de pièce, intrigue amoureuse, assassinats, combats, trahisons, déguisements, tromperies, fin conforme à la morale. Et les défauts que lui trouve le critique sont en fait, pour lui, les défauts du genre, et non pas de la pièce. Tout le monde mérite d'être félicité : les acteurs comme l'auteur, à qui le critique souhaite d'autres succès, encore plus solides. A ce compte rendu, le critique ajoute un poème, élogieux lui aussi.]

THEATRE DES CELESTINS.

Ernold et Eugénie, ou l'Héroisme de l'Amour.

Cette pièce a eu, jeudi dernier 2 nivôse, un succès complet.

Rodolphe, comte de Mortorano, a demandé en mariage la sœur de son cousin Mascrani, qui, voyant son ambition et ses projets sur la fortune de Rodolphe, trompés par cet hymen, s'y est refusé entièrement. Le comte alors a enlevé sa maîtresse, l'a épousée, et en a eu un fils. Mascrani furieux a poignardé sa sœur, a payé des assassins pour le défaire de son cousin, s'est emparé de son château, et n'a plus entendu parler ni de lui, ni de son fils. Enfin (c'est ici que l'action commence) il vient d'apprendre que ce Rodolphe a échappé aux poursuites, qu'il existe, et que l'empereur lui accorde des troupes pour recouvrer ses biens. Il communique ses inquiétudes à Odoric son confident, et lui fait en même temps l'aveu de sa passion pour Eugénie, fille d'un vieillard nommé Humbert, et qui doit le lendemain même épouser Ernold, jeune homme de la plus grande espérance, mais qui n'a jamais entendu parler de ceux auxquels il doit le jour. Mascrani s'empare de son rival par une trahison, et le fait enfermer dans son château ; Eugénie, déguisée en jeune villageois, délivre son amant, et s'échappe avec lui pendant le sommeil des soldats. On court à leur poursuite ; mais Rodolphe qui a reconnu Ernold pour son fils, veut venger à-la-fois ces deux injures et attaque le château, Bataille entre ses troupes et celles de Mascrani ; combat à outrance entre Rodolphe, Ernold, Odoric, et Mascrani. Celui-ci expire, ses soldats sont vaincus, Rodolphe triomphe, et unit les deux amans.

Voilà le plan de cet ouvrage, qui n'est certainement pas exempt de défauts. On pourrait bien y trouver quelques longueurs au premier et au second acte, quelques mauvaises coupures de scènes et quelques incorrections de style ; mais il remplit parfaitement l'idée qu'on a du mélodrame. On ne peut donc lui reprocher des défauts qui appartiennent au genre. L'auteur est d'ailleurs en état de mieux faire ; il a même déjà fait mieux. Puisse ce premier succès lui en faire obtenir de plus solides et de mieux mérités !

La pièce a été jouée avec ensemble. On doit des éloges à tous les acteurs ; mais c'est le cit. Guillemin qui a remporté la palme, par la manière dont il a rendu le rôle ingrat et difficile de Rodolphe. Le combat du troisième acte est très-beau, et exécuté supérieurement par les cit. Vicherat, Boicheresse, Guillemin et Boyer.           F. P.

Puisque l'auteur a été nommé dimanche sur la scène, nous ne croyons pas devoir garder son secret ici : c'est le cit. Fleury Bié, déjà connu par quelques romans imprimés.

A l'Auteur d'Ernold et Eugénie.

Ton premier pas dans la carrière
Est donc marqué par un succès ?
Tu viens d'émouvoir le parterre,
Ce juge équitable et sévère,
Et qui ne pardonne jamais
A l'auteur qui ne sait lui plaire !
Mon cher ami, j'en étais sûr ;
Ta muse touchante ou légère,
Sombre ou douce, badine ou fière,
Et ton style élégant et pur,
N'ont fait que ce qu'ils devaient faire.
Ne va pas penser, cependant,
D'après ce qu'on dit de l'ouvrage,
Que l'auteur possède en partage
Le
nec plus ultrà du talent.
Assurément le tien est rare,
A ton âge il doit étonner ;
Mais il faut perfectionner
Ce don de la nature avare.
Oui, mon ami, pour parvenir
A mériter tous les suffrages,
Il faut polir et repolir
Jusques à cent fois tes ouvrages ;
Car le Public, par un arrêt
Dont son indulgence t'honore
En t'accordant d'avoir bien fait,
T'ordonne de mieux faire encore.

F. P.

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