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Est-ce une Fille ? est-ce un Garçon ?

Est-ce une Fille ? est-ce un Garçon ? comédie en un acte et en prose, par M. *** ; 19 mai 1812.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre :

Est-ce une fille ? Est-ce un garçon ?

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

19mai 1812

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

***

Almanach des Muses 1813.

Derval a enlevé une jeune personne de son couvent : poursuivi ensuite pour une affaire d'honneur, il vient se réfugier chez l'oncle de sa maîtresse. Derval est d'un physique frêle et délicat ; de-là naissent des doutes sur son sexe, qui amènent plusieurs situations où la décence, et sur tout la vraisemblance ne sont pas toujours respectées. Derval se trouve dans une situation assez embarrassante, lorsqu'on vient annoncer l'enlèvement de la jeune personne. L'oncle prie Derval de courir après sa nièce ; mais celui-ci, pénétré de remords, avoue sa faute et en obtient le pardon.

Fable mal conçue, et qui rappelle un peu trop l'Heureuse Erreur, jolie comédie de Patrat ; point de succès.

Journal de Paris, n° 141 du 20 mai 1812, p. 1-2 :

[Bel exemple d’exécution d’une pièce : après avoir ironisé sur le genre (ou le sexe) de la pièce, dans la droite ligne du titre, le critique laisse exploser son indignation devant un spectacle qui n’aurait jamais dû paraître sur un théâtre, parce qu’il est indécent, et parce qu’on n’y comprend rien.]

ODÉON. THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.

Première représentation de Est-ce une fille ? est-ce un garçon ?
comédie en un acte et en prose.

Est-ce une fille, ou un garçon que cet ouvrage? les amateurs ont été quelque temps partagés ; les uns lui trouvaient le genre du logogryphe, de l'amphigouri, du galimathias ; les autres, qui ,’y voyaient rien de mâle, l'ont supposé quelques instans du genre neutre de vacuum ; mais enfin toutes les voix, je veux dire les sifflets se sont accordés pour le proclamer du même genre que bévue, indécence, rapsodie, imbécillité, tout ce qu'il y a de plus éloigné de l'œuvre d'un homme d'esprit.

Nous savons bien que c'est l'administration de l'Odéon qui a reçu ce morceau de glace, mais nous ignorons quelle est l'autorité assez puissante, l'armée assez redoutable qui l'a forcée de le recevoir ; le chef de l'entreprise a voulu garder l'anonyme, c'est ce qu'il a fait de plus estimable.

Si la pièce valait seulement trois lignes d'analyse, nous en ferions volontiers les frais ; mais pourquoi régaler des lecteurs honnêtes d'une foule de sales quiproquo sur le sexe d'un homme ou d'une femme, et les ennuyer des de leur succès , et en mériter de plus solides ; vivement applaudis, demandés détails d'un roman auquel on n’a rien compris ? C'est déjà trop qu’une centaine de curieux y aient été attrapés.

M.

Journal de l’Empire, 21 mai 1812, p. 2-3 :

[Dans le très respectable Journal de l’Empire, le compte rendu de la pièce nouvelle est lui aussi assez sévère : derrière un titre qui aurait dû piquer la curiosité, une intrigue compliquée, que le critique s’attache à résumer avec exactitude. Il ne va pas jusqu’à la fin, et montre surtout sa perplexité : voilà une pièce qu’on ne sait pas classer, dans les divers genres. La première n’a pas été un succès, mais pas non plus un échec complet, l’auteur ayant eu la sagesse de rester anonyme. Le critique ne trouve à valoriser qu’un rôle secondaire, celui du domestique, bien joué par un des bons acteurs de l’Odéon. Après avoir évoqué son embarras de voir le Théâtre de l’Impératrice tenter de rivaliser avec le Théâtre Français en jouant des pièces de Marivaux (il y a une hiérarchie des genres, des pièces, des acteurs, des théâtres), il revient au Théâtre de l’Odéon, dont il invite les acteurs de soigner leur diction, en particulier dans les scènes d’exposition, si importantes pour le compréhension des pièces (et celle dont il est question dans l’article a une exposition peu claire...).

THEATRE DE L'IMPERATRICE.

Est-ce une Fille ? Est-ce un Garçon ?

Voilà un de ces titres dont je parlois, qui valent mieux que la pièce ; il n’avoit cependant pas excité une curiosité bien vive : très peu de spectateurs avoient été tentés de venir vérifier le sexe. Il faut convenir que le personnage, objet d'une si grande perplexité, n'est cependant pas équivoque : il est habillé en homme ; et quoique jeune, il a tous les signes de virilité, si ce n'est peut-être un son de voix un peu trop clair. C'est Pélicier qui joue ce rôle ; mais Gercour, ainsi se nomme le personnage, est venu mystérieusement chez M. de Surville son ami, pour se dérober aux poursuites d’une méchante affaire ; il y est venu sous le faux nom de Verseuil ; dès-lors le prétendu Verseuil devient en butte aux caquets de toute la famille.

La vieille belle-mère de Florville le prend pour un amant de sa bru ; Mad. de Surville et Mad. de Senange, sa mère, le regardent comme la maîtresse de M. Surville, déguisée en garçon. M. de Surville est trop raisonnable pour se mêler des querelles de sa mère avec sa femme et sa belle-mère : il sait à quoi s'en tenir sur le sexe de Gercour ; mais il ne sait pas que sa nièce Sophie est amoureuse de ce Gercour, lequel a osé l’enlever chez sa tante. Gercour ne peut se résoudre à faire l'aveu de cette fredaine à son ami Surville, qui n'est cependant pas un censeur bien redoutable ; mais les caquets, les conjectures, les calomnies vont si grand train, que le pauvre Gercour est obligé d'arrêter, par la confession de sa faute, ce torrent de mauvais propos de trois femmes qui ne savent ce qu'elles disent et pas trop ce qu'elles font ; car celles qui prennent le garçon pour une fille veulent marier la fille à leur laquais, source de quiproquos plus ridicules que plaisans. Surville instruit de l’étourderie de son ami Gercour, la lui pardonne d'autant plus aisément que Sophie est précisément la femme qu'il lui destinoit. Est-ce une comédie ? est-ce un drame ? est-ce un roman ? Le sexe de la pièce est équivoque. On l'a écoutée avec patience ; quelques sifflets légers en ont troublé la fin ; l’auteur a satisfait tout le monde en faisant annoncer qu'il gardoit l'anonyme.

Le domestique qui s'obstine à voir une fille dans un garçon, et s'entête à vouloir l'épouser, est le seul rôle un peu plaisant. Il est bien joué par Armand, l’un des meilleurs sujets de ce théâtre. Le même a joué dans les Ricochets, qui ont précédé la pièce nouvelle ; on eût desiré qu'il eût fait encore le rôle de Pasquin dans le Jeu de l'Amour et du hasard : on avoit confié ce rôle à Talon, ancien acteur de la Porte Saint-Martin, qu'on a trouve un peu froid.

[L’article dévie ensuite sur la représentation des pièces de Marivaux, puis sur la valeur des actrices du Théâtre de l’Impératrice. Ce qui le ramène à la pièce du jour et à la façon dont elle est jouée.]

Ce que les actrices de ce théâtre et des autres savent le moins, c'est l'art de parler : la plupart ne font entendre. dans le dialogue qu'un caquet, un ramage un petit babil féminin, une causerie négligée : rien ne rend la scène plus insipide et plus froide. On ne peut trop recommander à tous les acteurs en général de soigner les scènes d'exposition, d'articuler avec la dernière exactitude, d'appuyer sur tous les mots : le succès de la pièce en dépend plus qu'on ne pense. Par malheur, ce sont précisément ces scènes d'exposition sur lesquelles on glisse le plus légèrement : les acteurs se hâtent de se débarrasser de ces détails pour arriver plus tôt aux effets et aux applaudissemens. J'avoue que l’exposition de la pièce nouvelle étoit obscure et mal faite ; mais la manière dont les acteurs l’ont expédiée a contribué à l’embrouiller encore.

Journal de Paris, n° 144 du 23 mai 1812, p. 2-3 :

[Après une première représentation ratée, une deuxième représentation qui a le même sort, le critique se sent autorisé à dire ce qu’il pense du procédé consistant à faire appel d’une chute complète, et ce qu’il pense de la pièce, que rien ne peut changer. Il s’applique à bien ridiculiser l’intrigue en la résumant soigneusement avant de renouveler la condamnation qu’il a déjà prononcée. Il élargit ensuite son propos, en disant que ce n’est pas ainsi que l’Odéon sortira de ses difficultés : il lui faut de bonnes pièces, pour faire jouer les bons acteurs qu’il a recruté.

ODÉON. THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.

Seconde représentation de Est-ce une Fille, est-ce un garçon ?

Puisque, malgré son succès, on s'obstine à rejouer cet ouvrage, il faut bien y revenir, et justifier le jugement que nous en avons porté, d'abord pour notre propre honneur, et ensuite pour celui d'un littérateur estimable à qui certains bruits de coulisses voudraient attribuer ce méchant avorton.

Nous savons bien que dans le champ des beaux-arts tous les jours ne se lèvent pas clairs et sereins pour le cultivateur ; nous savons que toutes les récoltes n'y sont pas bonnes ; qu'il y a des intempéries, des gelées, des glaces qui altérent plus ou moins la qualité des productions : d'acord pour cela Mais dans ce champ, comme en tout autre, la nature ne joue à personne le tour perfide de changer les substances : le seigle ne produit point de l'avoine, le pur froment n'est pas converti en chardons. Or, voilà ce qui serait arrive, s'il fallait en croire les bruits dont nous parlons. On ne peut nier que la comédie nouvelle n'ait subi beaucoup d'intempéries, sur-tout force gelées ; elle le prouve par elle-même ; mais elle fait plus, elle n'offre pas un trait, pas un mot, pas une intention qui décèle l'esprit joyeux, l'imagination féconde, le talent comique de celui à qui on veut l'attribuer. Elle ne présente aucune trace de cette habileté à nouer une intrigue qui distingue particulièrement cet auteur, et qui lui a dicté trois bo nnes comédies, dont l'une, sans être du premier ordre, n'en est pas moins regardée comme un modèle dans son genre. Ainsi, malins nouvellistes, plus d'équivoques, plus de mauvais bruits. Homère, a-t-on dit, dort quelquefois : c'est vrai ; mais Homère se repose, il ne fait point de mauvais rêve comme celui-ci.

Un M, Derval, jeune homme aux joues fraiches et à la voix flutée, s'est permis d'enlever une pensionnaire dans un couvent ; il la conduisait on ne sait on, lorsqu'il a été attaqué on ne sait par qui ; le délicat jeune homme a renversé son adversaire, et il est venu se réfugier tout seul dans la terre d'un ami ; cet ami est précisément l'oncle de la demoiselle enlevée : ici les joues fraîches du ravisseur commencent la pièce. La jeune épouse du maître du château et sa belle-mère jugent par l’accueil amical qu’il fait au nouveau venu que ce jeune homme est un amant secrer de sa bru ; de-là guerre ouverte entre les femmes, mais il n’est pas donné à toutes les guerres ouvertes de plaire et d’amuser ; celle-ci ne produit que des déclamations ennuyeuses sur l'honneur et la fidélité. Cependant la jeune épouse s'avise d'un expédient sublime pour terminer ses inquiétudes ; elle propose à Dumont, valet de-chambre de son mari, de tàcher de plaire à la prétendue maîtresse, et lui promet deux mille écus pour se marier avec elle. Comment une pareille balourdise peut-elle naître dans la tête d'une femme qui n'est pas une Agnès, et comment un valet, qu'on ne nous donne pas pour le dernier des Jocrisses, va-t-il tout de suite se jeter aux pieds du jeune homme, et lui faire des déclarations ? Le mari, de son côté, vient apprendre à Derval que sa nièce a été enlevée de son couvent ; il prie de lui rendre le service d'aller la chercher dans une auberge d'Etampes, où elle a été modestement déposée. Derval se dispose à partir ; Dumont reçoit l'ordre de l'accompagner : celui-ci croit gaillardement que ses noces vont se faire à Etampes, mais il paraît que le remords saisit violemment notre jeune homme en metttant le pied à l'étrier, car il revient sur-le-champ avouer à son ami que c'est lui qui a enlevé sa nièce. Surprise, fureur, désespoir, abomination ; et pian piano, nature, amitié, tendresse, toutes les platitudes d'usage, et pardon solennel.

Voilà la pièce dont nous nous sommes permis de classer le genre dans les substantifs féminins, tels que bévue et rapsodie ; mais nous le demandons à tout lectenr impartial, conçoit-on rien de plus opposé à la virilité du génie et de l'esprit ? Patrat donna, il y a environ trente ans, une petite comédie intitulée l'Heureuse Erreur. Sa fable roulait sur la même incertitude : est-ce un garçon ? est-ce une fille ? L'esprit du dialogue et les scènes comiques décidèrent bien vite que l'individu était le plus aimable des garçons. Pourquoi l'auteur moderne a-t-il négligé des physiciens pareils ?

Un malade tel que le théâtre de l’Odéon doit être bien circonspect sur le choix des remèdes qu'il employe pour se guérir ; cette petite comédie, qui vient de couler chez lui, n'est qu'une faible drogue ; on prétend qu'elle doit être suivie d'un drame terrible ; nous craignons bien que ce ne soit le passage de la tisanc à l'émétique. Que le malade y prenne garde, sa constitution a été bien altérée ; les secousses, dans son état, sont aussi dangereuses que la prostation [sic, pour prostration ?] ; mais nous aimons à croire que le goût et les lumières. bien prouvés de l'homme de lettres qui préside à l’administration de ce théâtre, ne tarderont pas à lui rendre la vie pour peu qu'il s'applique à éloigner de lui tout ce qui ne lui présagera pas un succès assuré ; il a déjà embelli cette société de plusieurs talens très-distingués : celui de Mlle Délia est hors de doute ; cette aimable grecque prouve, dans tous ses rôles, qu'elle est du pays où naquirent les grâces et la bonne comédie ; elle a étudié Ménandre et Homère, mais plus particulièrement encore la nature et la vérité ; ainsi les instrumens sont là, ils ne leur faut plus que des pièces, que des chants dignes d'eux.

M.

Magasin encyclopédique ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1812, tome III, p. 187 :

[Compte rendu plus que succinct : la pièce ne fait que reprendre le sujet d’une pièce antérieure, sans en avoir la qualité, et elle est « tombée à plat ». La pièce de Patrat date de 1784.]

ODÉON. THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.

Est-ce une Fille, est-ce un Garçon ? comédie en un acte et en prose, jouée le 19 mai.

Le quiproquo sur lequel est basée cette pièce, a fourni à PATRAT l'Heureuse Erreur, petite comédie qui eut assez de succès. Celle-ci est tombée tout-à-fait.

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