L'Enlèvement d'Hélène et le fameux cheval de Troie

L'Enlèvement d'Hélène et le fameux cheval de Troie, pantomime en quatre actes et à grand spectacle, de Hapdé, musique de Leblanc, créée sur le Théâtre du Cirque olympique le 8 novembre 1811.

Dans son Pantomime ; The History and Metamorphosis of a Theatrical Ideology (2019), p. 558, Karl Toepfer décrit le caractère grandiose de la pantomime, avec une distribution extraordinaire (des héros, des dieux) nécessitant une scène monumeltale, le tout pour un coût énorme (texte disponible en ligne sur le site de l'auteur).

Journal de l'Empire du 12 novembre 1811, p. 4 :

[Geoffroy jette un regard plein de bienveillance sur cette pantomime en quatre actes qui sont « un cours de mythologie vivante », associant tous les genres, gracieux, terrible, pathétique et faisant défiler tous les grands héros de la guerre de Troie. Dans chaque acte, on voit les tableaux illustrant l'Iliade. On y vit bien sûr force combats, parfaitement exécutés, avec cet avantage qu'ils le sont sans recours à l'artillerie dont l'usage serait anachronique : Geoffroy se réjouit de ce calme. La pièce est présentée comme un renouveau pour le Cirque Olympique, passablement somnolant. Elle va être « une terrible secousse donnée à la curiosité ». Tout a été mis en œuvre pour faire réussir une pièce dont l'auteur, Augustin Hapdé, a déjà fait « des prodiges d'invention dans ce genre ».

Rien sur l'interprétation, rien sur la musique dans ce compte rendu.]

CIRQUE OLYMPIQUE.

L'Enlèvement d'Hélène, pantomime en quatre actes.

C'est une espèce d'iliade, ou un panorama des fables grecques les plus intéressantes, depuis l'enlèvement d'Hélène jusqu'à la destruction de Troie ; ce qui comprend un espace d'onze ou douze ans. On peut faire à ce spectacle un cours de mythologie : plus les évènemens sont illustres et connus, plus il est agréable d'en voir la peinture vivante. Cette pantomime réunit tous les genres, le gracieux, le terrible, le pathétique : on y voit Agamemnon, Acbille, Patrocle, Hectnr, Priam, Hécube, Pyrrhus, etc,. faire tout ce que racontent Homère et Virgile. A leurs fictions, l'auteur de la pantomime a joint encore les siennes : rien n'égale la magnificence, l'éclat, la richesse des costumes, des décorations et des machines, et cependant la richesse de l'imagination de l'auteur est encore au-dessus ; partout il prodigue les images, les fictions, tantôt anacréontiques, tantôt épiques. Les deux premiers actes sont consacrés à l'enlèvement d'Hélène, et c'est là qu'on a rassemblé toutes les allégories poétiques les plus riantes, le départ de Pâris, tout fier de sa conquête, en forme un tabteau charmant.

Les deux derniers actes respirent la guerre et les combats ; ils sont pleins de scènes terribles et sanglantes. Dans le troisième, la colère d'Achille, la mort de Patrocle, celle d'Hector attaché au char du vainqueur, commandent l'attention et fixent les regards. Le quatrième réunit les diverses catastrophes de la ruine de Troie ; la fourberie de Sinon, les héros grecs sortant du fameux cheval de bois, la ville livrée aux:flammes, Priam égorgé par Pyrrhus, Hélène rendue à son époux. La danse est un des ornemens de cette pantomime. On y entend aussi un chœur de Troyens qui invoquent le secours des dieux : ce chœur fait un très bel effet ; il est placé dans une scène magnifique qui représente l'Olympe et les dieux assemblés pour délibérer sur le sort de Troie : les plaintes et les vœux des Troyens s'élèvent vers le ciel ; idée sublime et digne d'Homère.

Un des agrémens de cette représentation, c'est une foule combats exécutés avec autant d'adresse que de vigueur et d'énergie, et surtout c'est l'absence de l'artillerie et du canon : ces instrumens de mort n'étoient point connus du temps d'Hélène : ainsi les yeux-jouissent de cette suite magnifique de tableaux, sans que les oreilles soient blessées d'un épouvantable fracas, comme c'est l'usage dans la plupart des pantomimes.

Le Cirque languissoit depuis long-temps : les Chevaliers de Jérusalem étoient le dernier spectacle qui eût attiré la foule ; l'Amour postillon, et une arlequinade sur la Comète n'étoient pas un aliment suffisant pour un théâtre accoutumé à tant d'éclat et de pompe. L'Enlèvement d'Hélène va le ranimer : c'est une terrible secousse donnée à la curiosité. On n'a rien épargné pour frapper un grand coup et renouveler la face du Cirque  : on a beaucoup semé pour recueillir beaucoup : il faut espérer que la récolte répondra aux vœux des entrepreneurs et de l'auteur, M. Augustin déjà fameux par des prodiges d'invention dans ce genre.

Geoffroy.          

 

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