L'Enseigne, ou le Jeune militaire

L’Enseigne, ou le Jeune militaire, pièce en 3 actes, imitée de l'allemand (Kotzebue ou Schroeder) par L. Bursay, 29 août 1792, 19 Germinal an 7 [8 avril 1799].

Grand Théâtre de la Monnaie de Bruxelles en 1792, puis Théâtre Cité Variétés, et de la pantomime nationale en 1799.

Comédie ou drame, Kotzebue ou Schroeder, il y a beaucoup de points à éclaircir ! La question du genre, la question de l'auteur.

La pièce, créée en 1792 à Bruxelles où Bursay a longuement travaillé, a été jouée en 1799 à Paris.

Almanach des Muses 1800

Sur la page de titre de la brochure, Bruxelles, chez J. L. de Boubers, an 7 :

L'Enseigne, ou le jeune militaire, Comédie en trois Actes et en prose. Librement traduite de la pièce allemande, Par L. Bursay, De l'Académie des Arcades de Rome.

Courrier des spectacles, n° 777 du 20 germinal an 7 [9 avril 1799], p. 2-3 :

[Le moins qu’on puisse dire, c’est que le critique n’est pas un supporter inconditionnel de cette pièce qui pourrait bien être de Kotzebue (mais il n’est pas sûr d’avoir bien compris). Et il s’interroge sur le genre auquel elle appartient : l’administration du théâtre n’a pas voulu en faire un drame, et il n'en a pas fait non plus une comédie. De plus elle a une intrigue très compliquée, au plan « irrégulier ». Courageusement, il tente d’en résumer l’intrigue, et réussit fort bien à en montrer la complexité, qui déstabilise manifestement l’amateur français de théâtre : on y retrouve bien des poncifs du mélodrame (mais le mot n’est pas employé) : intrigue amoureuse, épouse abandonnée, enfants dont on ne sait pas qui ils sont, mauvais mari, incident peu crédible du couvert disparu, colère du baron à qui on refuse d'épouser celle qu’on croit sa fille, mais ne l’est pas. Tout cela ne va guère avec le goût français ! Le critique ne dit d’ailleurs rien de l’interprétation, et son article s’arrête sur un dénouement convenable : le brave enseigne va épouser cette Sophie dont on ne sait trop d’où elle vient, et le mauvais mari « court réparer ses torts envers » son épouse. Il a pris son temps !]

Théâtre de la Cité-Variétés, et de la Pantomime nationale.

La piece donnée hier à ce théâtre sous le titre de l’Enseigne, ou le Jeune Militaire , et que l’administration ne voulant vraisemblablement pas désigner comme drame a eu la conscience de ne point appeller comédie, a eu du succès. L’auteur a été demandé : on est venu dire que c’étoit celui de Misanthropie ; mais l’explication n’a pas été assez claire pour que nous puissions assurer que ce soit Kotzebue. En tous cas cet ouvrage, le plus bizarre que l’on puisse voir, et qui par cela même est digne de curiosité, ne nous paroit pas répondre à la réputation de l’auteur allemand. L’intrigue en est extrêmement compliquée et le plan très-irrégulier. Nous allons néanmoins tâcher d’en faire connoitre le sujet.

Le baron de . . . étoit sur le point d’épouser Caroline ; déjà le contrat étoit signé, lorsque, abusant de la confiance de cette jeune imprudente il l’a rendue mère, l'a abandonnée, chargeant son frère de vendre tous ses biens. Celui-ci s’en est approprié la valeur et le coupable baron s’est ainsi vu fugitif et ruiné. L’action de son frere, l’ingratitude de plusieurs hommes qu’il a obligés l’a rendu misanthrope. Il fait toujours du bien, mais par la main de son médecin, ne voulant pas être connu. Le souvenir de Caroline le poursuit et a troublé sa raison, sans que personne connoisse la cause de ses écarts qui sont très-nombreux. Il vit avec Sophie que tout le monde croit sa fille, et il veut la marier à Merville, jeune enseigne, sur la conduite duquel il a cependant de violens soupçons. Au milieu de ses incertitudes il invite ce jeune homme à dîner avec le baron de Hartsnik, autre prétendant de Sophie, mais qui n’a pas scu, comme Merville, trouver le chemin de son cœur. Le dîner fait, on s’apperçoit qu’un couvert et une serviette sont disparus. Le jeune enseigne couvert de dettes, soupçonné d’une intrigue amoureuse, l’es! bientôt du vol de ces effets. Le baron, voulant le sonder, lui raconte qu’un militaire qu’il croyoit honnête homme, étant a sa table, lui avoit volé une montre. Ce récit ne produit pas l’effet que le baron en attend ; mais, portant sa main à sa poche, il en retire la serviette qui fait tomber le couvert. Ces deux témoins lui prouvent l’innocence de l'Enseigne et sa propre distraction. Il n’a, dans le premier moment, que la force de l'embrasser et s'enfuit : bientôt il revient et ne trouve pas d’autre réparation à lui faire que de lui offrir Sophie.

Merville au comble de la joie accepte, peu de momens après il refuse ; le baron se pique et lui fait les plus vifs reproches. Le jeune homme s’offense; ils mettent l’épée à la main, mais avant de se battre, Merville lui fait signer l’obligation de secourir une femme dont il lui donne l’adresse. Satisfait de cet engagement, le jeune homme dirige sur son cœur le fer de son adversaire. Le baron s’en appercoit, jette son épée et apprend que cette femme est la mère de l’Enseigne, qui veut aux dépens de ses jours assurer son existence. Elle lui a défendu d’épouser Sophie, mais pourquoi ? On sait enfin qu'elle est cette Caroline abandonnée par le baron, et que Merville doit être le frère de Sophie. Un nouveau secret se découvre, Sophie n’est pas fille du baron. Il l’a sauvée des flammes dans son enfance. Elle épouse son amant, et le baron court réparer ses torts envers Caroline.

Louis-Henry Lecomte, Histoire des Théâtres de Paris : le Théâtre de la Cité (Paris, 1910), p. 185-186 :

19 germinal (8 avril) : L'Enseigne, ou le Jeune militaire, comédie en 3 actes, librement traduite de la pièce allemande de Kotzebue, par L. Bursay.

La scène se passe dans les Etats d'un prince d'Allemagne. A la veille d'épouser la jeune Caroline, le baron de Harwitz l'a séduite puis abandonnée, et est parti pour la France en donnant à son frère l'ordre de vendre tous ses biens. Le frère obéit, mais garde pour lui le produit de la vente. Ruiné, le baron prend du service et est parvenu au grade de capitaine quand son général, à qui il a trois fois sauvé la vie, meurt en lui léguant une fortune. Redevenu riche, Harwitz est exploité par de faux indigents, ce qui le porte à affecter l'insensibilité et à ne satisfaire qu'en secret son penchant charitable. Tous ses soins tendent à préserver sa fille Sophie du sort subi jadis par la malheureuse Caroline. Il pense pour elle à Merville, enseigne qui est son locataire, mais ce jeune homme a des façons de vivre qui l'inquiètent d'autant plus qu'on le sait endetté pour une femme. Toutefois, le baron passant outre, offre Sophie à Merville ; mais, après l'avoir acceptée, l'enseigne se ravise, car il veut consacrer son existence à sa mère. Cette mère, Harwitz veut la connaître et il retrouve en elle la Caroline dont il pleure la perte depuis vingt-deux années. Mais, s'il est le père de Merville, celui-ci ne saurait épouser Sophie ? Si, parce que la jeune fille est une enfant adoptée par charité. Ainsi tous les personnages pourront ensemble être heureux.

Romanesque aventure, bien conduite, qui obtint un succès de larmes.

D'après la base César : l'auteur est F.-L. Schroeder, et le traducteur Louis Bruyas, dit Bursay. 

La pièce a d'abord été jouée 4 fois au Grand Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, du 29 août au 15 octobre 1792, puis 7 fois au Théâtre de la Cité du 8 au 24 avril 1799.

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