L’Esprit follet, ou la Dame invisible

L’Esprit follet, ou la Dame invisible, comédie en cinq actes et en vers, du sieur d’Hauteroche, créée le 22 février 1684, et reprise jusqu’en 1809.

Théâtre Français (Hôtel de Guénégaud, Théâtre Louvois en 1803).

Titre :

Esprit follet (l’), ou la Dame invisible

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

non

Date de création :

22 février 1684, reprise en 179, en 1796, en 1803

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Hauteroche

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome second, frimaire an XII [novembre 1803], p. 271-275 :

[C’est un étrange compte rendu qui nous est donné ici : il s’ouvre sur un cours très instructif, quoique un peu confus, sur Noël Lebreton de Hauteroche (1617-1707), auteur en particulier du Feu follet, ou la Dame invisible, dont on finit par comprendre qu’elle vient d’être reprise au Théâtre de Louvois par Picard jeune, le frère du directeur du théâtre, appelé de ce fait à ressusciter un rôle illustré autrefois par Préville. La fin de l’article est consacré à analyser le jeu du nouvel interprète, qui a bien rempli ce rôle dont il connaît la tradition (on respecte beaucoup la tradition sur la scène), mais auquel on peut reprocher de ne pas toujours montrer « la bonhommie, franchise et la même naïveté qui y sont indispensables », ce qui n’a pas empêché qu’il soit beaucoup applaudi.]

Théâtre Louvois.

Hauteroche était auteur et comédien ; il excellait dans les troisièmes rôles tragiques, et particulièrement dans les récits ; il était homme d'esprit, avait une grande entente du théâtre, savait fort bien en calculer tous les effets, en disposer les situations : c'est-là tout ce qu'il apportait de talent dans la composition de ses pièces : car il-ne faut y chercher ni but moral, ni fonds intéressant, ni une peinture des caractères assez vraie pour contribuer à épurer les mœurs, et à corriger le ridicule. Trois ou quatre de ses pièces seulement sont restées au théâtre. Le Deuil et le Cocher supposé, sont deux petites comédies dont le plan est assez bien entendu, dont les scènes .sont agréablement coupées, dont l'action marche naturellement, et dont le dialogue a du naturel. Crispin médecin est une farce ignoble,-qui a eu toutesfois un succès constant ; presque toujours le rôle principal a été joué d'une manière bouffonne, et c'en était assez pour rendre la reprétentation amusante : on est incertain sur la question de savoir si les Apparences trompeuses ont été représentées ; l'intrigue était empruntée, du Sganarelle de Molière, et d'une comédie de Visé ; elle parait avoir fourni l'idée du. Jaloux désabusé, de Campistron.

L'Esprit follet, ou la Dame invisible, comédie en cinq actes et en vers d'Hauteroche, a été reprise plusieurs fois, et presque toujours elle a produit le seul effet que l'auteur ait pu s'en promettre, amuser, grâce au jeu d'un acteur habile dans l'emploi des Valets.

Cette pièce est purement d'intrigue. L'original en est espagnol, et regardé comme une des meilleures comédies de Caldéron. Long-temps avant Hauteroche, un M. d'Ouville avait traité ce sujet sous le titre de l'Esprit follet. Sa comédie n'offrait aucune sorte de vraisemblance ; ses vers étaient plus que médiocres ; mais les situations et les incidens amusèrent ; elle eut du succès : Hauteroche s'empara du sujet, imita et l'espagnol et l'auteur français son devancier, rectifia les idées de l'un et de l'autre, les adapta à notre scène avec assez d'art, et fournit moins- au théâtre une bonne comédie, qu'à l'emploi des valets un rôle que les acteurs recherchent avec empressement.

Le rô1e de Pasquin, dans l'Esprit follet, est en effet le seul que l'on puisse remarquer dans cet ouvrage, que Laharpe .appelle un imbroglio espagnol, écrit à la manière de Scarron. Tous les autres personnages ne semblent groupés autour de lui que pour le faire agir ; sa situation est toujours la même. Il n'a qu'un sentiment, celui de la peur ; il n'a qu'un mot à la bouche, c'est le nom du diable qu'il croit voir partout, et des esprits par lesquels il pense être lutiné : sa situation, quoique graduée avec assez d'art, est donc monotone, et son jargon, à la longue, ennuyeux.

Ce rôle fut un de ceux que voulut rejouer Préville, lorsque, quelques années avant sa, mort, il reparut au théâtre, et donna un petit nombre de représentations. Il est à remarquer qu'à cette époque Préville ne jouait plus guères que par réminiscence ; sa tête» avait faibli, ses yeux ne le guidaient plus ; l'habitude seule le soutenait : presqu'incapable dans la coulisse de voir et d'entendre, une fois conduit sur la scène, il redevenait lui-même, semblait se replacer sur son terrain, se remettre en possession de son domaine, et ne retrouver son talent que pour le moment où il lui était indispensable. Préville marqua cette fois encore, avec une vérité si parfaite, la gradation établie dans le rôle de Pasquin, et le varia avec tant d'habileté et de talent, que la pièce, jouée d'ailleurs par les premiers sujets, fit beaucoup de plaisir.

C'est cette pièce que le theâtre de Louvois vient de remettre : nous- ne parlerons que de l'acteur chargé du rôle de Pasquin : il fallait tout le talent de Préville pour le faire valoir : l'acteur moderne, Picard jeune, avait donc une tâche bien difficile ; et il l'a remplie avec succès. Il a étudié avec soin les traditions reçues pour ce rôle, et les a reproduites avec intelligence. Cependant il nous a paru mieux exprimer l'étonnement qui conduit à la peur, que la peur elle-même : peut-être aussi débitant toujours avec soin, et détaillant avec art, n'a-t-il pas eu constamment dans ce rôle la bonhommie, la franchise et la même naïveté qui y sont indispensables : toutefois il a été très-souvent et très-justement applaudi ; et l'on ne peut disconvenir que le zèle de ce jeune acteur, et' son empressement à jouer les rôles de son emploi qui ont disparu du répertoire, ne secondent parfaitement le discernement de son frère à choisir dans l'ancien théâtre les pièces qui peuvent jeter de la variété et de l'éclat sur le nouveau.

[La pièce du sieur d’Hauteroche a été jouée 344 fois à la Comédie-Française, de 1684 à 1809, d’après la base La Grange de la Comédie-Française.

La base César détaille ainsi sa carrière avant 1800 :

  • création au Théâtre de l’Hôtel Guénégaud, le 22 février 1684 ;

  • 6 représentations au Théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain, de 1701 à 1731 ;

  • 1 représentation au Château de Versailles le 4 mars 1732 ;

  • 3 représentations au Grand Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, de 175 à 1773 ;

  • 1 représentation au Théâtre de Maestricht, le 20 septembre 1766 ;

  • 2 représentations à la Salle des machines en 1774 ;

  • 3 représentations au Théâtre de la Nation en 1792 ;

  • 5 représentations au Théâtre de la Cité en 1796-1797.]

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