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La Ferme du Mont Cénis

La Ferme du Mont Cénis, opéra en trois actes, de LaMartelière, musique de Champein ; 20 mai 1809.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Titre :

Ferme du Mo,t-Cénis (la)

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

20 mai 1809

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

La Martelière

Compositeur(s) :

Champein

Almanach des Muses 1810.

Ouvrage qui n'a point réussi.

Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris: répertoire 1762-1972, p. 252 :

Opéra-comique en 3 actes. Livret de Jean-Henri Ferdinand La Martelière. Musique de Stanislas Champein. 20 mai 1809 (Feydeau). 3 représentations.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences des lettres et des arts, année 1809, tome III, p. 156-157 :

[Un « drame » (nous dirions un mélodrame), mais un mauvais drame : si tous avaient été de cet acabit, le genre aurait disparu sans qu’on ait « besoin de livrer à ce genre une guerre si cruelle ». L’intrigue est rapidement résumée, et sa fin a droit à un traitement spécial : les « reconnaissances pathétiques » du dénouement « ont fait rire, ce qui n’était sans doute pas prévu. Les auteurs ont été nommés sur l’affiche de la deuxième représentation, contrairement à l’usage. Et on les a connu plus heureux, surtout le compositeur dont un titre célèbre est cité.

La Mélomanie a été jouée en 1784.]

La Ferme du Mont-Cénis, opéra comique en trois actes, joué le 20 mai.

Le Drame, auquel ses invraisemblances et son mauvais goût ont suscité tant d'ennemis, n'auroit pas résisté à la guerre qu'ils lui ont livrée, s'il n'avoit pas eu des protecteurs adroits, et surtout pleins de mérite. Les situations touchantes, les intrigues compliquées, le pathos sentimental ont été prodigués par des gens qui pouvoient mieux faire, et dont le talent, quoique mal employé, a ébloui la multitude. Mais si tous les drames, et surtout les mélodrames avoient ressemblé à celui qui vient de paroître à l'Opéra-Comique, on n'aurait pas eu besoin de livrer à ce genre une guerre si cruelle ; il auroit été lui-même son bourreau.

Un fermier plein d'humanité, passe sa vie à sauver les malheureux qui s’égarent sur le Mont-Cénis : l'un d'eux, nommé Charles, est conduit à la ferme, et devient amoureux de la fille de Gaspard ; il aide son hôte à sauver d'autres voyageurs, et rencontre un proscrit qui trouve un asile dans la ferme ; mais les visites domiciliaires, grande ressource pour les pièces à intérêt, mettent en danger nos intéressans personnages. Ils sont protégés par un autre voyageur que le hasard a aussi amené dans la ferme du Mont-Cénis. Le commandant des sbirres n'a pas un grand respect pour le protecteur, et l'arrêteroit volontiers lui-même ; mais le grand nom de Bayard met fin à. toutes discussions, et le jeune Charles épouse la fille du fermier.

On avoit ménagé pour les dernières scènes de cet ouvrage une certaine quantité de reconnoissances pathétiques qui ont excité beaucoup de gaieté parmi les spectateurs.

L'affiche de la seconde représentation portoit les noms de MM. Lamartelière et Champlein. On devoit attendre mieux de-l'esprit de l'un et du talent musical de l'autre, à qui on doit la Mélomanie et d'autres jolis opéras.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1809, p. 273-277 :

[Le compte rendu commence par une charge en règle contre la vaine tentative de l’Opéra-Comique de rivaliser avec les théâtres du boulevard sur le terrain de ces derniers, bien supérieurs sur tous les plans dans la réalisation de ce que le critique appelle des mélodrames. Décrit de façon méprisante, avec sa longue liste d’éléments réguliers, ce genre ne peut intéresser les gens de goût (la meilleure part du public, pour le critique) lorsqu’il le retrouve sous une forme inférieure « sur un théâtre lyrique » : il y a une hiérarchie des genres comme il y a une hiérarchie des théâtres, et l’Opéra-Comique n’a pas à tenter de récupérer les succès du Boulevard. La pièce nouvelle est inférieure aux mélodrames du boulevard : « pas une ombre d’intérêt », « une obscurité complette », une intrigue qui laisse « le spectateur dans l’incertitude sur l'état des personnages et l'issue des événemens ». C’est à l’auteur de capter son attention pour qu’il suive le fil d’une intrigue compliquée, ce que n’a pas su faire l’auteur de la Ferme du Mont-Cénis. Il a utilisé les ressources ordinaires des mélodrames, mais sa pièce (qui met en scène Bayard, mais ne donne son nom qu’à la fin) n’a « ni intrigue, ni action, ni situation, ni intérêt, ni vraisemblance, ni style » et est de plus assez mal jouée. Elle n’a même pas suscité une réaction violente du public, qui s’est contenté de siffler en s’ennuyant et de ne pas réclamer les auteurs. Ce n’est d’ailleurs pas à eux que le critique impute la responsabilité de l’échec, ils se sont trompés, ce qui est excusable, c’est l’administration du théâtre qui n’a pas su refuser une pièce sans originalité, aux situations «  mille fois épuisées ». Ils auraient mieux fait de reprendre une œuvre de leur vaste répertoire. Les « premiers acteurs » avaient d’ailleurs anticipé l’échec, en ne paraissant pas dans une telle pièce.]

La Ferme du Mont-Cênis.

Très-décidément ce théâtre ne veut entendre ni les réclamations des spectateurs qui aimeraient à s'y montrer assidus, ni le genre d'ouvrage dans lequel son titre lui prescrit de se renfermer, ni son propre intérêt qui lui commande de réussir et de plaire. Combien de fois faudra-t-il lui répéter qu'il ne doit attendre aucun succès en luttant contre les théâtres des boulevards, où les mélodrames sont beaucoup mieux faits que les siens ; où les acteurs peut-être ont pris l'habitude du ton emphatique et boursoufflé qui convient à ce genre ; où le niais obligé est toujours assez amusant ; où le proscrit est d'ordinaire intéressant et brave ; où le tyran ne manque ni d'adresse, ni de ruse, ni de courage ; où les femmes disputent aux hommes le prix de l'adresse et de la bravoure ; où les décorations sont fraîches et variées, la musique généralement bien adaptée au sujet, et les ballets agréables, les costumes et tous les accessoires très-soignés ?

Tout homme de goût fuira sans doute ces spectacles bizarres, ce mélange du sérieux et du bouffon, ce pathétique de contrebande , ces lieux communs de morale, de vertu, de bienfaisance et d'humanité, ces situations banales de dangers et de proscriptions qui se retrouvent dans tous les mélodrames, sous des titres différons, et sont l'essence, le fond et la langue du genre ; mais s'il retrouve tout cela sur un théâtre lyrique, avec un degré de désavantage marqué, et si, sous le titre d'opéra comique, ou lui donne au Théâtre-Feydeau ce qu'il aura trouvé mauvais au boulevard sous le titre de mélodrame, doit-on s'étonner que, forcé en quelque sorte de s'abonner à ce genre, il l'évite au moins là où il est le plus maltraité, là où on le déguise assez mal pour qu'il soit reconnu, où on le présente sous des traits trop communs ou trop connus pour qu'il intéresse ?

Le mélodrame donné sous le titre de la Ferme du Mont-Cénis, a de moins que ceux connus au boulevard sous le titre de l’Homme de la forêt noire, de l'Aveugle du Tyrol, de l’Hermite du Mont  Pausilippe, et de tant d'autres dont les titres indiquent tous à-peu-près la même situation, qu'il n'y a pas une ombre d'intérêt, qu'il est d'une obscurité complette, et qu'on n'a jamais donné plus d'extension à la faculté de laisser le spectateur dans l'incertitude sur l'état des personnages et l'issue des événemens. L'auteur se plaindra sans doute que cette obscurité n'a paru si profonde qu'à des personnes distraites et peu attentives ; il sera aisé de lui répondre, qu'on n'est distrait au théâtre que lorsque l'auteur n'a pas eu l'art d'attirer l'attention sur la scène, de la fixer : il est des ouvrages très-compliqués, très-intrigués dont la spectateur ne perd pas une intention : il semble avoir reçu de l'auteur le fil qui doit le conduire dans le labyrinthe mais d'abord on a rendu les avenues de ce labyrinthe attrayantes ; on a invité le spectateur à y descendre, en lui faisant espérer qu'il pourrait s'y plaire.

L'auteur de la Ferme du Mont-Cénis a négligé cette utile précaution : il nous a conduits au milieu des glaces et des précipices, il nous a montré des proscrits cachés dans un modeste asyle, et servant l'humanité qui, dans des temps d'orage, implore leur secours et leur dévouement ; ces proscrits sont découverts : un officier français les réclame et les sauve ; cet officier est Bayard, dont le nom est connu à la fin de la pièce seulement, de peur sans doute qu'il intéresse dans les premiers actes. Voilà le fond de l'ouvrage, où il n'y a ni intrigue, ni action, ni situation, ni intérêt, ni vraisemblance, ni style, et qui joué d'ailleurs assez médiocrement, n'a pas même eu les honneurs d'une défaveur qu'il aurait pu nommer une cabale, une inimitié. La pièce a été jusqu'à la fin ; le public n'a déployé que fort peu d'humeur, son mécontentement n'a eu rien de remarquable ; en sifflant même, il avait le ton de la lassitude et de l'ennui. Les auteurs n'ont point été demandés.

La faute n'est point à eux, il faut le dire, ils ont pu se tromper. Le musicien sur-tout mérite d'être excusé ; jadis il a fait un chef-d'œuvre dans son genre, mais il s'est égaré depuis un autre genre qui ne lui est pas aussi favorable, et où il paraît sortir de son naturel ; les fautes de l'auteur et du musicien sont pardonnables, mais celle de l'administration ne l'est pas ; c'est elle qui doit avoir des oreilles et des yeux, avant que les yeux et les oreilles du public soient mis à l'épreuve ; et il est impossible de concevoir quel motif a pu faire recevoir un ouvrage dont toutes les situations ont été mille fois épuisées, et qui ne rachète d'aucune manière son défaut d'originalité.

L'administration dira peut-être qu'on ne lui présente que peu d'ouvrages, et que des ouvrages faibles ; elle a dès-lors une ressource toujours prête, c'est de remettre les bons qu'elle tient ensevelis dans son répertoire ; et puisque, par exemple, elle voulait nous offrir un tableau de neige, qu'avait-elle besoin d'un mélodrame nouveau ? N'avait-elle pas le Mont-Bernard, où la singularité du-sujet est au moins rachetée par celle des décorations, où l'on serait dédommagé par le ton local, la richesse et l'excellence de la musique ? Que serait-ce, si nous citions de nouveau tous les opéra, dignes de la plus haute estime, enfouis ou négligés, sacrifiés à des nouveautés éphémères sans consistance et sans mérite, qui fatiguent l'acteur et le public ; les premiers acteurs avaient du moins cette fois condamné l'ouvrage nouveau par le fait seul de leur absence ; ils avaient montré de la sagacité, de la prévoyance, et le public ne les a que trop entendus et justifiés.                           S....

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