La Fille adoptive, ou les Deux mères

La Fille adoptive, ou les Deux mères, mélodrame en quatre actes de M. Caigniez, musique de M. Gérardin-Lacour, ballet de M. Hullin ; 3 mai 1810.

Théâtre de la Gaieté.

Titre

Fille adoptive (la), ou les Deux mères

Genre

mélodrame

Nombre d'actes :

4

Vers / prose ?

en prose

Musique :

oui

Date de création :

3 mai 1810

Théâtre :

Théâtre de la Gaieté

Auteur(s) des paroles :

Caigniez

Compositeur(s) :

Girardin Lacour

Chorégraphe(s) :

Hullin

Almanach des Muses 1811.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba :

La Fille adoptive, ou les deux mères, mélodrame en quatre actes, et en prose, Tirée du Roman de Madame de Genlis. Par M. Caigniez. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de la Gaîté, le 3 mai 1810. Musique de M. Gérardin et Ballet de M. Hullin.

L'Ambigu, ou variétés littéraires et politiques, tome XXIX, n° CCLVIII. – Le 30 Mai 1810, p. 420-423 :

[Le compte rendu s’ouvre sur la question fort délicate apparemment de savoir si la pièce est un drame ou un mélodrame, drame comme adaptation d’un roman, mélodrame pour son irrégularité, changements de lieu, mélange de comique et de pathétique, présence d’une fête et d’un ballet, et surtout caractère de la comtesse d’Aguilar, qui répand la terreur dans le château. Le critique finit par conclure : c’est un mélodrame. On passe ensuite à l’analyse de l’intrigue, fondée sur une naissance illégitime, que le critique commente de façon curieuse (« il fut un temps, qui n'est pas éloigné, où ces mères là passaient chez nous pour d'excellentes citoyennes, très-utiles à la population », etc.). La suite détaille les diverses péripéties d’une histoire bien embrouillée. L’attitude de don Fernand, mari infidèle qui soupçonne sa femme de le tromper, est soulignée : « c'est ce qui rend cette intrigue très-piquante ». La distribution est jugée de façon positive, malgré quelques réserves. La pièce a été retouchée après la première représentation (les longueurs, comme d’habitude), elle est maintenant « intéressante, bien conduite », et on lui promet de durer, car elle n’est pas un mélodrame « à féerie, à machines à grands fracas, propre à épouvanter » les spectateurs, au contraire, il est « plein de sentiment », et son intérêt « est puisé dans la nature ». Très beau ballet, qui met en action la famille Hullin (dont le fils, âgé de huit ans qui danse « avec des grâces et une fermeté fort au-dessus de son âge ».]

THÉÂTRE DE LA GAIETÉ.

La Fille Adoptive, ou les Deux Mères, mélodrame en quatre actes.

Est-ce un drame, est-ce un mélodrame ? C'est une grande question. Ce qui n'est pas douteux, c'est que le drame ou mélodrame est tiré d'un roman de Mme. de Genlis, intitulé les Mères rivales. Le titre des Deux Mères me paraît plus naturel et plus juste : car les deux mères ne sont point rivales : elles ne disputent que d'amitié et de générosité ; aucune ne conteste à l'autre ses droits. En sa qualité de roman dialogué, la pièce peut être regardée comme un drame. Quelque [sic] coups d'archet qui accompagnent l'entrée ou la sortie des principaux personnages suffisent-ils pour élever ce drame au rang de mélodrame ? Je ne le crois pas, ce qui pourrait cependant m'engager à reconnaître la pièce pour un mélodrame, c'est d'abord son irrégularité, les changements du lieu de la scène presqu'à chaque acte, et le mélange continuel du comique et du pathétique ; c'est ensuite le ballet et la fête espagnole qui coupent et embellissent l'action ; c'est enfin, plus que tout le reste, le personnage de la comtesse d'Aguilar, qui long-temps inconnue, répand la terreur dans la maison comme une espèce d'ombre, de revenant et de fantôme. Cette terreur me paraît être absolument de l'essence du mélodrame : ainsi, prenant en considération toutes ces causes réunies, nous appellerons mélodrame le roman dialogué des Deux Mères.

Léocadie est le nom de la jeune fille qui a deux mères. Pourquoi a-t-elle deux mères? C'est que sa mere naturelle s'est trop hâtée de suivre la nature sans attendre l'hymen : il fut un temps, qui n'est pas éloigné, où ces mères là passaient chez nous pour d'excellentes citoyennes, très-utiles à la population, et versées dans la connaissance des droits du cœur. On ne pensait pas ainsi en Espagne du temps de la comtesse d'Aguilar ; la pauvre comtesse s'est laissée surprendre par un certain don Fernand déjà marié, sans qu'elle en sût rien, à Dona Paulina. De cette surprise est née une fille à qui elle donne le nom de Léocadie, et pour sauver son honneur elle adresse cette fille de contrebande à cette même dona Paulina, qu'elle ne connaît pas pour être la femme de son séducteur. Paulina, vertueuse et sensible, se charge d'élever cette innocente créature ; elle l'adopte, elle devient sa seconde mere ; mais victime de sa générosité, elle est soupçonnée d'être la véritable mere de cette enfant ; la calomnie l'accuse d'une intrigue avec le duc d'Aguilar, frère de la comtesse, parce que l'enfant ressemble à ce duc, et parce que le duc a fait quelque séjour auprès du château de don Fernand.

L'infortunée Paulina, persécutée par la jalousie de son mari, en butte aux épigrammes des mauvais plaisants, ne trouve pas de meilleur moyen, pour prouver son innocence, que de marier sa fille adoptive à son véritable fils Maurice, jeune écolier de quinze ans : le mari consent avec peine à cet étrange projet. Heureusement la comtesse d'Aguilar n'a jamais perdu de vue sa fille ;. elle rôde aux environs du château, inconnue à tout le monde, effrayant tous ceux qu'elle rencontre, et jouissant dans le pays de la réputation d'un revenant ; elle acheté quelquefois des domestiques la permission d'entrer dans le château pour voir sa fille. Dans un moment où elle la trouve seule, elle se fait connaître à Léocadie comme sa mere ; on juge bien qu'à la première nouvelle de l'inceste projeté, elle ne néglige rien pour l'empêcher ; mais tous les moyens qu'elle emploie échouent contre l'obstination de la mere adoptive, à qui sa réputation est plus chère que la vie. Déjà les apprêts de cette monstrueuse alliance se font dans la chapelle du : «  château ; les époux vont recevoir la bénédiction nuptiale, quand la comtesse d'Aguilar, pour empêcher un crime, bravant toute autre considération, déclare qu'elle est la mère de Léocadie, que don Fernand est son pere, et par conséquent que le jeune Morice, auquel on veut la marier, est son frère. Ainsi ce don Fernand, pendant toute la pièce, soupçonne sa femme Panlina d'une infidélité dont il est lui-même coupable : c'est ce qui rend cette intrigue très-piquante.

Un des principaux charmes de ce mélodrame, c'est l'actrice qui joue le rôle de Léocadie ; elle est pleine de décence, de modestie et de grâce : sa voix est douce et touchante ; elle a du naturel et de la sensibilité dans le débit ; de pareilles actrices sont très-rares au boulevard. Le rôle de Paulina est bien joué par Mme. Cousin-Picard, qui a quelque difficulté d'organe, mais une prononciation très-exacte et beaucoup d'intelligence. Mlle. Bourgeois est chargée du rôle de la comtesse d'Aguilar ; elle en saisit bien l'esprit et les intentions : son extérieur est plus mâle qu'il ne convient à une jeune mere sensible et tendre ; mais cela même lui est utile pour bien établir sa réputation de revenant, et se débarrasser des importuns en leur faisant peur. On avait remarqué quelques longueurs ; elles ont disparu à la seconde représentation : la marche de l'action est devenue plus rapide. La pièce est intéressante, bien conduite, et faite pour attirer long-temps les amateurs du genre : ce n'est pas un mélodrame à féerie, à machines à grands fracas, propre à épouvanter les grands et petits enfants des deux sexes ; c'est un mélodrame plein de sentiment, et dont l'intérêt est puisé dans la nature.

Le ballet est un des plus beaux ornements de ce mélodrame : on y reconnaît le talent de Hullin pour varier les figures de ses danseurs, et tirer le plus heurenx parti des mœurs et des costumes du pays où se passe la scène. On a fort applaudi un pas de trois dansé par M. Soissons et les demoiselles Caroline et Cheza ; l'auteur du ballet s'est lui-même fait remarquer dans une danse espagnole qu'il a exécutée avec Mlle. Degville ; mais ce qui a surtout excité la curiosité, c'est un boléro dansé par le petit Hullin, âgé de huit ans, avec des grâces et une fermeté fort au-dessus de son âge. Dans toute cette famille de M. Hullin, le talent suit le sang : ses enfants sont une couvée de danseurs.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 15e année, 1810, tome III, p. 141-143 :

[Compte rendu entièrement factuel : résumé de l’intrigue, indication des auteurs. La seule trace d’une opinion est dans des formules comme « étrange projet » ou « on juge bien ». Sur un sujet sensible comme le mélodrame (ou l’inceste), on pourrait penser que le critique ne resterait pas neutre.]

THÉATRE DE LA GAIETÉ.

La Fille Adoptive, ou les deux Mères, mélodrame en quatre actes, joué le 3 mai.

La comtesse d'Aguilar s'est laissée surprendre par un certain Dom Fernand, déja marié sans qu'elle en sût rien, à Dona Paulina. De cette surprise est née une fille à qui elle donne le nom de Léocadie ; et, pour sauver son honneur, elle adresse cette fille à cette même Dona Paulina, q|u'elle ne connoît pas pour être la femme de son séducteur. Paulina, vertueuse et sensible, se charge d'élever cette innocente créature : elle l'adopte, elle devient sa seconde mère ; mais, victime de sa générosité, elle est soupçonnée d'être la véritable mère de cet enfant. La calomnie l'accuse d'une intrigue avec le duc d'Aguilar, frère de la Comtesse, parce que l'enfant ressemble à ce Duc. et parce que le Duc a fait quelque séjour auprès du château de Dom Fernand.

L'infortunée Paulina, persécutée par la jalousie de son mari, en butte aux épigrammes des mauvais plaisans, ne trouve pas de meilleur moyeu, pour prouver son innocence, que de marier sa fille adoptive à son véritable fils Maurice, jeune écolier de quinze ans. Le mari consent avec peine à cet étrange projet : heureusement la comtesse d'Aguilar n'a jamais perdu de vue sa fille ; elle rôde aux environs du château, inconnue à tout le monde, effrayant tous ceux qu'elle rencontre, en passant dans le pays pour un revenant. Elle achète quelquefois, des domestiques, la permission d'entrer dans le château pour voir sa fille. Dans un moment où elle la trouve seule, elle se fait connoître à Léocadie comme sa mère. On juge bien qu'à la première nouvelle de l'inceste projeté, elle ne néglige rien pour l'empêcher ; mais tous les moyens qu'elle employé échouent contre l'obstination de la mère adoptive, à qui sa réputation est plus chère que la vie. Déja les apprêts de cette alliance se font dans la chapelle du château : les époux vont recevoir la bénédiction nuptiale, quand la comtesse d'Aguilar, pour empêcher un crime, bravant toute autre considération, déclare qu'elle est la mère de Léocadie, que Dom Fernand est son père, que par conséquent on ne peut accomplir le mariage. Paulina est justifiée ; et Don Fernand, seul coupable, implore son pardon qu'il obtient.

Les paroles sont de M. Caigniez ; la musique de M. Girardin Lacour ; les ballets de M. Hullin.

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