La Forêt d'Hermanstad ou la Fausse épouse

La Forêt d'Hermanstad ou la Fausse épouse, mélodrame en trois actes de Caigniez, musique de Quaisain et Darondeau, ballet de Richard, 13 frimaire an 14 (4 décembre 1805).

Théâtre de l'Ambigu-Comique.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1810 :

La Forêt d'Hermanstad ou la Fausse épouse, mélodrame en trois actes. Par M. Caigniez ; Musique de MM. Quaisain et Darondeau. Ballet de M. Richard ; Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de l'Ambigu-Comique, le 4 décembre 1805.

La liste des personnages est précédée de ce court texte qui fait de la pièce un sujet d'imagination, inspiré des « contes bizarres » des « vieilles chroniques ».

L'aventure plus qu'extraordinaire attribuée par un auteur Allemand à la mère de Charlemagne, aventure qu'on peut se rappeler d'avoir vue citée dans nos journaux, il y a quelques mois, a donné l'idée de cette pièce. Ce n'est point, sans doute, un sujet hístorique, à moins de considérer comme tels les contes bizarres dont les vieilles chroniques ont par fois consacré la tradition.

Courrier des spectacles, n° 3255 du 14 frimaire an 14 [5 décembre 1805], p. 2 :

Un nouveau mélodrame vient de paroître avec le plus grand avantage au Théâtre de l’Ambigu-Comique ; c’est la Forêt d'Hermanstadt, ou la Fausse épouse, production très-intéressante de M. Caigniez , et qui doit attirer long-tems la foule à ce Théâtre.

Courrier des spectacles, n° 325- du 15 frimaire an 14 [6 décembre 1805], p. 2-3 :

[Le critique chargé de rendre compte de ce mélodrame commence par un long paragraphe où il exprime à la fois ses réticences envers « ce fils illégitime de Melpomène » dont il doit bien constater le succès croissant auprès d'un public populaire (et il exprime le sentiment qu'il est normal d'exprimer alors), et la transformation du genre que Caigniez est en train de réaliser, style, situations, structure de la pièce, dialogue. Il fait là un intéressant témoignage sur la façon dont les intellectuels se trouvent interrogés par cette forme nouvelle, dont ils ne peuvent se contenter de ridiculiser les excès. Il n'y a plus ensuite qu'à résumer une action bien compliquée, comme d'habitude, avec des ressorts classiques (le traître, l'imposture, la princesse habillée en paysanne, etc.). L'intrigue fourmille de détails sensationnels, jusqu'à ce que la vérité éclate, et le traître finit en prison avec celle qu'il a tenté de faire passer pour la princesse. Le jugement porté ensuite est favorable, à quelques nuances près : « des incidens […] préparés avec art, […] des scènes qui produisent beaucoup d’effet », mais un ballet « un peu trop chargé », un danseur qui ne donne pas satisfaction, contrairement à une jeune danseuse, « qui joint à beaucoup de légèreté de la grâce et de l'aplomb ». Les acteurs sont jugés positivement. Et l'article s'achève par le nom des auteurs, texte, musique et danse, avec oubli de l'un des compositeurs.]

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

La Forêt d'Hermandstadt , ou la Fausse épouse.

Si l’on ne veut point que le mélodrame envahisse bientôt le domaine de la comédie, il faut prier M. Caigniez de s’arrêter. Ce qui rassurroit jusqu’à présent sur les conquêtes de ce fils illégitime de Melpomène, c’est que jusqu’à ce jour ses interprètes s’étoient exprimés d’une manière un peu barbare, qu’ils avoient négligé les moyens de séduction qui peuvent agir sur les esprits polis, et qu’ils paroissoient vouloir plutôt établir son empire sur la multitude, que sur. les classes bien élevées ; mais M. Caigniez en agit différemment ; non seulement il soigne son style, mais il s’étudie à produire des situations intéressantes, à mettre de l’ordre dans les idées, de l'ensemble dans les parties, de la grâce dans le dialogue et dans les détails. M. Caigniez est donc un corrupteur très-dangereux, et ce qui augmente encore le péril, c’est qu’il marche très-vite dans ses conquêtes et qu’il vole de succès en succès. Il y a huit jours qu’il triomphoit, avec le Roi David, au Théâtre dé la Gaîté ; le voici qui triomphe dans la Forêt d’Hermandstadt à celui de l’Ambigu-Comique. Cependant le sujet est bien différent. Le premier ouvrage se faisoit remarquer par la pompe et la grandeur ; ici c’est le sentiment et le pathétique, mêle néanmoins de quelles scènes gaies pour donner à l’auditoire le tems d’essuyer ses yeux.

Elisen est une princesse d’une rare beauté, que le Roi des Bulgares son père fait élever dans son palais avec un soin particulier. Almaric, prince de Transylvanie, entend parler des charmes de la belle Elisen ; il dépêche à la cour du Roi des Bulgares son confident Oswald pour demander la main de cette Princesse.

Cet Oswald est un misérable prêt à sacrifier à son ambition les intérêts les plus chers de son maître, et toutes les loix de l’honneur et de l’humanité. Il avoit fait élever loin de la cour une de ses sœurs nommée Olfride, qui n’étoit pas moins belle qu’Elisen. Il se persuade que sa mission lui offre une occasion admirable de placer sa sœur sur le trône de Transylvanie. Chargé d’envoyer an prince Amalric le portrait d’Elisen enrichi de diamans, il y substitue celui de sa sœur Olfride, et Almaric devient éperduement amoureux d’elle. Cependant Oswald poursuit son message, épouse par procuration la princesse Elisen, et part avec elle pour la Transylvanie. Le Roi des Bulgares avoit chargé Boleslas, son ambassadeur, d’accompagner la Princesse, et de la présenter à son époux. A quelques lieues des frontières de la Transylvanie, Oswald, toujours occupé de ses desseins criminels, fait d’abord précipiter l'Ambassadeur dans les flots ; il entraîne ensuite Elisen dans un château inhabité, où il a ordonné à sa sœur Olfride de le venir trouver. La malheureuse Princesse est dépouillée de ses habits, dont on revêt Olfride ; et deux Valaques sont chargés de l’assassiner. Après cet horrible forfait Oswald ne songe plus qu’à jouir des fruits de son crime ; il présente sa sœur aux seigneurs de sa suite comme la véritable princesse des Bulgares. Mais les deux Valaques, moins scélérats qu’Oswald, n’osent tremper leurs mains dans le sang de leur innocente victime. Ils se contentent de lui faire prendre les habits d’une paysanne qu’ils dépouillent, et vont porter sa robe au criminel Ambassadeur qui ne doute plus qu’Elisen n’ait été mise à mort.

Cependant l’infortunée Princesse est recueillie par un honnête aubergiste nommé Balmanu et par le fidèle garçon d’auberge appelé Luders. Elle dissimule sa naissance et son nom, et ne se fait connoître que sous celui de Bonne. Luders devient amoureux d’elle et n’épargne rien pour se rendre agréable à ses yeux. Tandis que tous ces événemens se succédoient, Almaric attendoit avec impatience sa nouvelle épouse, et il étoit parti pour aller au-devant d’elle. L’auberge de M. Botmann étoit celle où toutes les voitures s’arrêtoient. Olfride y descend et reconnaît la Princesse sous les habits grossiers d’une servante ; elle s’approche d’elle : Si tu dis un mot, tu es morte, lui dit-elle.

Elisen garde le plus profond silence, et voit partir pour la capitale de la Transylvanie son époux qui ne la connoît pas, et sa rivale qu’elle n’ose faire connoître, mais elle manifeste bientôt à Luders le désir le plus empressé de se rendre elle même à la ville d’Hermandstadt. Luders qui ne peut rien refuser à l’objet de ses amours, adresse Bonne à son oncle, jardinier du Prince.

Elisen arrive à la ville, et entre au service de l’Oncle ; mais Oswald qui tremble que l’on ne découvre son crime, envoie des assassins dans la forêt pour la faire périr. Dans le même tems, Boleslas arrive de son côte à Hermandstadt ; ce fidèle ambassadeur n’étoit point mort dans les flots ; de généreux paysans l’avoient sauvé. Il se mêle dans la foule pour connoître celle que le peuple salue comme sa souveraine. Il ne reconnoît point Elisen  ; il écrit aussi-tôt à Amalric, se rend au jardin du Prince, l’y rencontre, et révèle tous les forfaits d’Oswald et d’OIfride. Ceux-ci paroissent et veulent se défendre; mais Elisen se montre et les confond. Elle a repris ses brillans atours et toutes les marques de sa dignité ; ses manières et sa démarche noble parlent en sa faveur : et vera incessu patuit Dea. Le Prince justement indigné contre son horrible ministre, le fait entraîner avec sa sœur dans un cachot.

Ces divers incidens sont préparés avec art, et forment des scènes qui produisent beaucoup d’effet. Les trois actes sont bien remplis ; le ballet du second acte est d’une composition gaie ; celui du troisième , riche en détails agréables, a paru un peu trop chargé ; la manière, d’ailleurs, dont il a été exécuté par un des premiers danseurs, a nui à son succès. On y a néanmoins remarqué et applaudi avec beaucoup de plaisir la danse de Mlle. Sainte-Marie, jeune artiste qui joint à beaucoup de légèreté de la grâce et de l’à-plomb.

Madame Lévêque, chargée du rôle d’Elisen, l’a rendu avec décence et sensibilité. Rafille a été très-plaisant dans celui de Luders. Les autres personnages ont été bien représentés par MM. Tautin, Vigneaux, Defresne, Dumont et Melcour, et par Mlle. Bourgeois.

Les auteurs de ce mélodrame sont pour les paroles M. Caigniez, pour la musique M. Quaisain, et pour les ballets M. Richard.

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