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Le Faucon

Le Faucon, comédie en un acte & en vaudevilles ; par M. Cadet, 2 vendémiaire an 2 [23 septembre 1793].

Théâtre du vaudeville.

Titre :

Faucon (le)

Genre

comédie en vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

2 vendémiaire an 2 [23 septembre 1793]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

M. Cadet

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez le Libraire au Théâtre du Vaudeville, an deuxième :

Le Faucon, comédie en un acte et en vaudevilles, Par J. B. Cadet. Représentée à Paris, pour la première fois, sur le Théâtre du Vaudeville le 2 Vendémiaire deuxième année de la République, une et indivisible, lundi 23 Novembre 1793, (vieux style.)

Le 2 vendémiaire, deuxième jour de l'année révolutionnaire, ne peut pas tomber le 23 novembre. Il faut corriger l'indication de la borchure : il s'agit bien entendu du 23 septembre.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 12 (décembre 1793), p. 300-307 :

[Fort long compte rendu d’une pièce inspirée d’un conte de La Fontaine, dont on nous rappelle d’abord les précédentes mises en théâtre, avant de nous en faire un résumé détaillé, entrecoupé de couplets qui semblent constituer le meilleur de la pièce. C’est cette idée que le critique développe à la suite de son résumé, en insistant sur la qualité essentielle de l’auteur, Radet, présenté comme un excellent faiseur de vaudevilles. Occasion de dénoncer les auteurs qui abusent des « concetti », des « jeux de mots », des « calembours, qui sont loin d’être des pointes ». Il met en avant les rôles de serviteurs qui contribuent beaucoup au comique de la pièce. Il faut bien aussi dénoncer quelques formules maladroites, qu’il est facile de supprimer. Une dernière remarque : certains ont failli murmurer à propos d’un vers de la pièce qui provenait en fait du conte de La Fontaine : on a failli murmurer à propos d’un vers du maître !]

Théatre du vaudeville.

Le faucon, comédie en un acte & en vaudevilles ; par M. Radet.

Le sujet du Faucon, charmant conte de Lafontaine, que tout le monde connoît, a déjà été mis cinq fois au théâtre. Le premier auteur qui l'ait traité est un nommé d'Auvilliers, qui fit représenter à Munich, en 1718, le Faucon ou la Constance. En 1719, la Dlle. Barbier fit jouer, aux François, le Faucon, comédie en vers, en un acte, que l'on attribua long-tems à Pellegrin. Dans le cours de la même année, Fuselier donna au théatre italien le Faucon, comédie en un acte, en prose, qui ne fut point imprimée. En I725, le même théatre donna le Faucon & les Oies de Bocace, comédie en trois actes, en prose, avec un prologue & des divertissemens, par Delille : enfin le Faucon le plus connu, celui qui s'est fait voir avec le plus d'avantage, est celui de Sédaine, musique de Monsigny, joué aux Italiens en I772, avec un brillant succès. Le Faucon, opéra-vaudeville en un acte, joué sur ce théatre, a réussi de même. Voici le sujet de la nouvelle piece.

Fréderic, après avoir été ruiné par la coquette Clitie, s'est retiré dans une petite maison de campagne avec son fidele Fabio, qui n'a pas voulu l'abandonner. La vieille servante Jacinthe l'a aussi accompagné. Là ils vivent tous les trois [d]es fruits du jardin qu'ils cultivent, & sur-tout de la chasse d'un excellent faucon que Fréderic n'a jamais voulu vendre, & qu'il a même refusé à Clitie, dont il est toujours éperduement amoureux. Pendant qu'il rêve à cette ingrate, & qu'il fait des vers pour elle, il se lie une conversation en propos interrompus entre Fabio & la vieille Jacinthe, qui est si sourde, qu'en entendant tirer derriere elle un coup de fusil, elle croit que c'est Fabio qui éternue, & lui dit : Dieu vous bénisse. Hélas ! ajoute-t-elle en soupirant :

A présent si je n'entends rien,
Comme chacun le dit sans cesse,
C'est qu'on ne parle plus si bien
Que l'on parloit dans ma jeunesse.
Ah ! je me souviens qu'autrefois
J'avois beau me boucher l'oreille ;
Gédro, sans élever la voix,
Se fesoit entendre à merveille.

Cependant, au moment où Frédéric vient de partir pour la chasse, Clitie & Silvia, sa suivante, arrivent. Celle-ci ne peut pas concevoir comment, après avoir rebuté pendant si long-tems cet aimable jeune homme, sa maîtresse n'a jamais voulu, malgré l'attachement si pur & la constance dont il a fait preuve, lui accorder quelque retour. Eh ! ma chere Silvia, lui répond-elle sur l'air : Oui, mon cher Favart à tes yeux.

Comme tu te trompes sur le compte des hommes !

L'orgueil, peut-être, étoit l'appui
De cette constance apparente.
Peut-être étoit-ce assez pour lui
Que l'on me crut reconnaissante !
Pour les amans présomptueux,
Comme moi tu dois les connoìtre ;
Faire croire qu'ils sont heureux,
Vaut mieux que le plaisir de l'être.

Silvia est bien loin d'ajouter foi à tout cela. Comment, dit-elle, Fréderic étoit jeune, charmant, libéral, & vous le rebutiez ! Ma foi, je sens qu'à votre place je n'aurois pas répondu de moi.

Air : Guillot a des yeux complaisans

Je crains un amant généreux,
Je le dis sans mystere ;
Contre un mortel si dangereux
Comment rester sévere ?
si l'on vient à s'humaniser,
Faut-il qu'on s'en étonne !
Et comment toujours refuser
Celui qui toujours donne ?

Fabio survient ; il est désespéré d'avoir fait attendre ces dames ; mais il aura l'honneur de rester avec elles jusqu'au retour de son maître. Toutefois, comme il est un peu bavard, il leur apprendra qu'il croit son maître fort amoureux ; & lorsqu'on lui demandera si c'est de Clitie, il répondra sur l'air du vaudeville d'Arlequin afficheur.

Clitie est laide à faire peur :
Je n'ai jamais vu sa figure ;
Mais je lui sais un mauvais cœur.
D'après cela je puis conclure :
Si la laideur peut s'embellir
Par les dons précieux de l'ame,
Un mauvais cœur doit enlaidir
La plus superbe femme.

Cette conversation n'est pas très-agréable pour. Clitie ; Fabio s'en apperçoit ; ça lui déplaît, sans doute, a joute-t-il, sur l'air du vaudeville du Printems : mais non ;

Femme toujours est satisfaite
Lorsque d'une femme on médit ;
Tout bas elle se croit parfaite,
Et tout bat elle s'applaudit.
Oui, l'amour-propre qui se loge
Dans son cœur & dans son esprit,
Fait qu'elle prend pour son éloge
Le mal que d'une autre on lui dit.

Après les premiers propos, Clitie s'informe du faucon de Fréderic. Quels sont ses passe-tems ? que fait-il dans cette solitude ? Fabio répond de son mieux, dit beaucoup plus qu'on ne lui demande ; & lorsque notre coquette, piquée jusqu'au vif de ce que Fréderic est amoureux, veut savoir s'il est payé de retour, ce valet lui répond : mais vraiement on ne rencontre pas toujours des Clitie. Après cette épigramme, Fabio court au-devant de son maître, & Silvia dit à Clitie, que d'après ce que l'on vient de lui dire, elle espere qu'elle renoncera au projet qu'elle a formé d'obtenir le faucon de Fréderic. Non, dit-elle, sur l'air : Tout roule aujourd'hui dans le monde ; j'y tiens plus que jamais.

Dans nos goûts tous tant que nous sommes,
Nous voulons être tourmentés.
Le ciel a bien connu les hommes
En créant les difficultés ;
Aussi sa bonté souveraine,
Malgré nous voulant nous servir,
Mit le bonheur après la peine,
Et l'obstacle avant le plaisir.

Le nouvel amour que notre coquette suppose dans Fréderic, la préoccupe singuliérement ; & au moment où il arrive, elle est dans son cabinet à feuilleter ses papiers de musique, parmi lesquels elle trouve une romance, adressée à Madame ***. Quelle peut être cette rivale ? C'est ce qu'elle veut savoir pour avoir le plaisir de la supplanter.

Fréderic est au comble de la joie, en voyant chez lui celle qui, depuis si long-tems, s'est emparée de toutes les facultés de son ame. Pour qui avez-vous fait, lui dit-elle, cette romance ? Fréderic se trouble ; la curiosité de Clitie augmente. Elle veut absolument qu'il chante un couplet qu'elle lui désigne. C'est précisément celui où se trouve le nom en blanc. En le chantant, dit-elle, à part, il sera bien forcé de prononcer le nom qui n'est pas écrit. Fréderic obéit, & l'amour l'emportant sur la timidité, il prononce le nom de Clitie.

Ne disons pas que l'amour-propre se trouve extrêmement flatté ; mais observons que celui de Fréderic souffre beaucoup, à cause de la situation dans laquelle sa maîtresse le trouve. Comment la recevoir dans une maison si peu digne d'elle ? Que lui donnera-t-il pour son dîner, le faucon n'a rien pris à la chasse ? Hélas ! il est réduit à lui offrir des fruits de son jardin. Il n'a seulement pas des œufs ! quelle différence entre le repas frugal qu'il va lui servir, & les superbes banquets qu'il lui offroit à Florence ! Cependant il faut qu'elle dîne ! Eh bien ! dit-il, à Fabio, va tuer le Faucon , & qu'on nous le serve. -- Oh ciel ! obéis, je le veux.

On se met à table, on découpe l'oiseau. Clitie dit qu'il a un goût détestable, & ne peut en manger. Mais elle trouve les fruits délicieux. Le dîner fait, elle en vient au sujet de sa visite. J'ai arrêté, dit-elle, pour demain, une partie de chasse, & je vous prie de donner votre faucon. Que dites-vous, répond Fréderic ! quelle douleur extrême ! l'oiseau n'est plus, vous en avez dîné. -- Quoi ! vous avez sacrifié ! -- Ah ! plût au ciel qu'on vous eût servi mon cœur à sa place. Cette marque d'amour acheve de dessiller les yeux à Clitie, & elle veut que son cœur & sa main en soient la récompense. Fréderic est au comble du bonheur ; & s'il n'avoit pas perdu son faucon, aucun nuage n'altéreroit la sérénité du nouvel horison qui se développe à ses yeux. Il en sera ainsi; car Fabio, bien loin de tuer le faucon, l'avoit caché, & avoit mis à la broche le corbeau qu'il avoit tué, un moment avant l'arrivée de Clitie. Tout le monde se livre à la joie que doivent naturellement faire naître de si heureux événemens.

Cette agréable piece avoit été annoncée à la fin de la représentation d'Arlequin afficheur, par le couplet suivant :

Intéresser par un oiseau !
La réussite est incertaine.
Tout le mérite du tableau
C'est d'être pris chez Lafontaine ;
S'il offre quelque traits touchans,
Souvenez-vous de Lafontaine;
Mais, Messieurs, pour être indulgens,
Oubliez Lafontaine.

Presque tous les couplets du Faucon sont véritablement marqués au coin du vaudeville ; & s'il en est certains qui n'ont pour pointe qu'une antithese, c'est que souvent les bons mots ne sont pas autre chose. Il seroit bien à désirer que tous les auteurs qui travaillent pour le vaudeville, le fissent avec autant de solidité que M. Radet, & qu'ils abandonnassent enfin ces concetti, ces jeux de mots, ces calembours, qui sont bien loin d'être des pointes, & qui ne décelent souvent qu'une honteuse médiocrité.

La surdité de Jacinthe & la gaieté de Fabio, jettent du comique sur toute cette piece. La scene dans laquelle celui-ci ne répond aux douceurs de Silvia que par de dures brusqueries, est d'un grand effet. Le public, qui a beaucoup applaudi depuis le commencement jusqu'à la fin de cette comédie, a pourtant improuvé par des murmures, lorsque Fabio a dit en parlant de Clitie : Quand il n'y auroit qu'elle & moi dans le monde..... & le trait de Fréderic, qu'on eût servi son cœur à la place du Faucon ; mais il est si aisé de faire disparoître tout cela ! On vouloit murmurer aussi, lorsque le même personnage eut dit : l'Oiseau n'est plus, vous en avez dîné ; heureusement plusieurs personnes se rappellerent que l'auteur ne faisoit que citer ici un vers de Lafontaine, & ceux qui n'auroient pas été fâchés peut-être d'exciter quelques mécontentemens, s'apperçurent tout-à-coup qu'ils pourroient être pris pour dupes, & ils en demeurerent-là.

Il est facile de juger, d'après ce que nous avons dit, que le Faucon est une des plus jolies pieces du théatre du vaudeville.

César : première le 23 septembre 1793 au Théâtre du Vaudeville. Pièce jouée 26 fois en 1793, 31 fois en 1794 (jusqu'au 20 septembre). Reprise le 30 janvier 1795, pour 13 représentations en 1795 16 en 1796, 9 en 1797, 14 en 1798, 9 en 1799 (dont 1 fois au Théâtre du Marais). soit 128 représentations jusqu'en 1799.

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