Le Fils par hasard, ou Ruse et folie

Le Fils par Hasard, ou Ruse et Folie, comédie en cinq actes, en prose, par MM. Chazet et Oury ; 7 septembre 1809.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre :

Fils par hasard (le), ou Ruse et folie

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

7 septembre 1809

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Chazet et Ourry

Almanach des Muses 1810.

Un jeune homme qui veut absolument passer pour ce qu'il n'est pas, afin d'obtenir la main de celle qu'il aime ; un imbécille qui se laisse enlever son nom et ses droits sans se plaindre, et qu'on balotte continuellement ; un pere à qui l'on veut donner un autre fils que le sien, qui s'emporte et veut battre tout le monde ; voilà le fond et les personnages principaux de la piece qui a obtenu du succès, grace à beaucoup de gaieté et de traits d'esprit, dont quelques une cependant ne sont pas toujours de bon esprit.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1809 :

Le Fils par hasard, ou Ruse et folie, comédie en cinq actes, en prose, Par MM. Chazet et Ourry. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de S. M. l'Impératrice, le 7 septembre 1809.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome V, p. 131-133 :

[Rien de bien surprenant dans cette pièce : un imbroglio, un jeune homme qui se fait passer pour un autre auprès du père d’une jeune fille, il y a deux dénouements possibles, et les auteurs ont choisi de faire triompher le jeune homme audacieux plutôt que le « grand nigaud » (en le qualifiant ainsi, le critique nous a préparé à son échec). «  On chercheroit en vain de la raison et de la vraisemblance dans cet imbroglio : on y trouvera heureusement de l'esprit et de la gaieté ». La pièce est un succès, puisque les auteurs ont été nommés. Les acteurs ont été remarquables, et en particulier l’actrice qui a bien tenu un emploi de soubrette qui n’est pas le sien, et dont le critique souligne la difficulté. On note bien sûr qu’on raisonne là en termes d’emploi.]

Le Fils par hasard, comédie en cinq actes et en prose, jouée le 7 septembre.

M. Desroches a promis sa. fille au fils de M. Brusquin, capitaine de vaisseau. On attend le futur qui s'amuse dans une auberge de Beauvais à se faire dévaliser par des escrocs. Le jeune Folleville est épris de Mademoiselle Desroches, et au lieu de se présenter naturellement, et de demander sa main, il s'introduit sous le nom de Brusquin fils. Le voilà bien reçu, fêté, chéri, mais il ne peut deviner lui-même comment finira l'aventure, lorsque le hasard amène Brusquin père, qui court après son fils on ne sait pourquoi ; il arrive à Vieux-Bois, et trouve un fils inconnu. Folleville joue ce rôle ; le capitaine ne veut pas jouer le rôle de père, et toute la maison est scandalisée, jusqu'au commissaire mandé par M. Brusquin, pour arrêter le fripon qui prend le nom d'un autre. Le hasard veut que Folleville ait été chargé par l'aubergiste de Beauvais d'une lettre de Brusquin fils. L'identité est prouvée par l'écriture ; on veut donc persuader au marin que Folleville est son fils.

Le grand nigaud, Brusquin fils, s'échappe de l'auberge où on le retenoit pour dettes, et arrive : on croit tout fini ; mais on lui fait peur de la colère de son père, et il consent à passer pour le valet de Folleville. Quand tous ces quiproquos ont assez duré, Folleville avoue sa supercherie ; chacun reprend son nom ; mais Desroches, touché de la grandeur d'âme de Folleville qui lui prouve qu'il n'est pas un escroc, lui donne sa fille au détriment des Brusquin père et fils qui s'en retournent comme ils étoient venus. On chercheroit en vain de la raison et de la vraisemblance dans cet imbroglio : on y trouvera heureusement de l'esprit et de la gaieté, et l'on dira :

J'ai ri, me voilà désarmé.

MM. Chazet et Ourry, sont les auteurs de celle comédie ; ils ont été demandés et nommés.

La pièce est bien jouée par MM. Chazel, Dugrand, Clozel, Armand et Firmin ; Mademoiselle Delille a rempli un rôle de soubrette avec autant de finesse et de gaieté que si elle avoit toujours joué cet emploi difficile.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1809, p. 262-265 :

[Le compte rendu signale d’abord le réveil du Théâtre de l’Impératrice à l’Odéon, théâtre qu’il partage avec les Italiens qui avaient bien plus de succès. On y voit maintenant des comédies, comme celle en cinq actes et en prose que vient d’y donner le prolifique Chazet, associé à Oury. Le rire qu’elle a suscité incite le critique à la clémence envers « une folie » en cinq actes, courts heureusement (il la verrait volontiers ramenée à un format plus modeste, trois actes, voire un seul !). Il ne croit pas à un destin durable pour la pièce : à de sérieux défauts (proportions, fondements, construction, tout cela n’est pas très réussi), il oppose les traditionnelles qualités (esprit, gaieté, mouvement, action, le tout bien écrit). Mais l’ensemble manque d’originalité, emprunte trop visiblement à d’autres (l’accusation de plagiat n’est pas loin). L’analyse de l’intrigue souligne que le sujet est tellement usé ! Un amant ridicule délaissé au profit d’un jeune homme aidé par son valet, il n’est pas facile d’innover sur un tel sujet. Il faut aux auteurs bien des efforts pour ne pas reprendre ce que d’autres ont écrit depuis Pourceaugnac. La pièce montre un armateur d’Ostende (un horizon nouveau dans la comédie française, jusque là limitée aux petites villes « de nos départemens ») et son fils, le plus grand des imbéciles (ce qui affaiblit la pièce : il est trop facile à tromper). Enfin, et c’est une curieuse conclusion, reproche de grave invraisemblance : il n’est pas possible que « six chevaliers d’industrie » attendent en même temps la diligence à Beauvais... Quel souci de la vérité !]

Théâtre de l’Impératrice.

Le Fils par hasard, comédie en cinq actes et en prose.

Depuis long-temps la muse de la comédie et celle de l'harmonie desservaient avec une exactitude égale, mais avec des succès bien différens, le temple qui à l'Odéon leur est échu en partage. Nos comédiens parlaient dans le désert ; les Italiens, au contraire, chantaient devant une réunion nombreuse et choisie ; mais quelques efforts se font remarquer en ce moment pour rétablir l'équilibre ; cela est difficile, mais rien n'est impossible au zèle et au travail. Quelques nouveautés bien accueillies, quelques débuts donnant de l'espérance, pourraient amener dans cette mode, que j'appellerais théâtrale, une révolution dont la comédie de l’Odéon a grand besoin.

Quelques auteurs paraissent en ce moment se disposer à lui consacrer le fruit de leurs veilles ; un de ceux de nos jours, dont l'esprit facile embrasse le plus de genres, et sait prendre le plus de tons, qui presqu'en même-temps brigue une couronne académique, écrit de jolis vers, improvise de nombreux couplets, esquisse un vaudeville, rime une comédie pour la scène française, ou, en termes d'artiste, croque une bambochade pour les trétaux [sic] de la foire, qui par conséquent a surtout à redouter un écueil peu commun, la facilité du travail et la facilité du succès, M.Chazet, qu'on aurait deviné peut-être à ce portrait, si nous lui avions eu outre reproché d'être pour l'esprit piquant qu'il possède, ce qu'un dissipateur est pour sa fortune, s'est associé à M. Oury, et tous deux dans le noble dessein de contribuer à ramener la foule à l'Odéon, lui ont destiné leur Fils par hasard, pièce d'intrigue en cinq actes et en prose.

Comme on a beaucoup ri à cette pièce, qu'elle a paru constamment amuser les spectateurs, qu'elle a mis en bonne humeur et les loges et le parterre, nous nous garderons bien d'y porter un œil trop sévère, et de parler de raison comique et de vérité théâtrale, quand il ne s'agit que d'une folie qui serait longue, puisqu'elle a cinq actes, si chacun de ses actes n'était assez court : peut-être trois actes pour un tel sujet eussent-ils été fort raisonnables ; ainsi resserré, le cadre eût été mieux rempli, et le tableau aurait eu plus d'effet ; mais il est rare qu'un auteur envisageant la possibilité de placer son nom au-dessous du titre d'une pièce en cinq actes, ne succombe pas à cette tentation, sauf à la remettre en trois, comme cela arrive souvent, et même en un, comme cela est arrivé. Le Fils par hasard parait déterminé à rester en cinq : ses destins sont fixés ; si ce n'est pas une bien longue existence qu'on peut lui promettre, du moins peut-elle être assez brillante, et c'est un marché qu'aujourd'hui beaucoup d'auteurs en tout genre souscrivent assez volontiers.

Nous hasardons ainsi nos idées sur la destinée future de cet ouvrage, parce qu'en effet il ne nous paraît pas avoir des proportions monumentales, des fondemens bien solides, et une construction très-régulière : s'il y a souvent de l'esprit, de la gaieté; s'il y a toujours du mouvement, de l'action ; s'il y règne un certain intérêt de curiosité, et si l'on y remarque quelques scènes bien faites, et écrites avec le ton de franchise, de la bonne comédie, il faut convenir aussi qu'on y reconnaît peu d'invention, et en revanche de trop libres imitations, un usage trop immodéré des libertés théâtrales qu'on peut se permettre aux. dépens de la vraisemblance, certains traits de dialogue qui ne sortent point de la situation, mais du portefeuille. et que la mémoire du spectateur ne peut laisser aux auteurs en libre et sûre propriété ; d'autres qu'attendait visiblement l'épigramme chansonnière du Vaudeville, ou 1e dialogue burlesque des Variétés qui ne sont pas toujours amusantes.

Le fond est le sujet peut-être le plus épuisé. Où n'a-t-on pas vu un amant ridicule prévenu par un jeune homme aimé, aidé d'un valet intriguant ? Le choix d'un tel sujet étonne, car il a été tellement usé, qu'il faut se condamner soi-même, en le traitant, à des efforts inouis [sic] pour être neuf, ou à peu de succès si on ne réussit pas à l'être. Loin d'être ici soutenu par son sujet, on doit s'y trouver entravé sans cesse.

Telle doit être la situation d'un traducteur qui vient après beaucoup d'autres, et qui est obligé de se priver des ressources de son propre talent, du secours de ses propres idées, de l'emploi des expressions qu'il eût trouvées lui-même, parce que d'autres s'en sont servis avant lui. La nomenclature des ouvrages à travers lesquels, pour ainsi dire , nos auteurs ont été forcés de passer, en évitant le plus possible de les rencontrer, est innombrable ; elle remonte à Pourceaugnac, noble tige de tous les prétendus, bernés sur tous nos théâtres, depuis l'opéra jusqu'au vaudeville ; je dirais depuis le mélodrame jusqu'à la parade, si le mélodrame n'était autre chose qu'une parade triste et sentimentale, prétendue héroïque.

Dans le Fils par hasard, qui l'est beaucoup plus par intrigue et par calcul, le Pourceaugnac se nomme Brusquinet : il est fils d'un armateur d'Ostende, nommé Brusquin ; jusqu'ici un petit nombre de villes de nos départemens avaient eu le privilège de donner le jour à des caricatures de cette sorte ; il était convenu que Limoges, Angoulême, Beaugency, Falaise, Beaune et autres lieux seraient la patrie de ces commodes originaux que nos auteurs amènent à Paris pour s'y voir souffler leurs maîtresses; mais le cercle vient de s'étendre, et les départemens réunis font désormais partie de notre statistique théâtrale Au surplus, M. Brusquin d'Ostende, armateur, a bien singulièrement élevé sou fils  nous attendions à ce nom une espèce de loup de mer, un forban, un capitaine Tempête; mais ce fils est, de tous les imbécilles que la scène nous ait offerts, le plus complètement digne de ce nom : ce rôle est le défaut capital de la pièce ; il en rend le nœud trop faible, l'obstacle trop facile. L'amant et son valet, aidés de leurs maîtresses, bernent un trop crédule Cassandre, et attrapent trop facilement un sot : ce n'est pas à de tels personnages qu'ont livré combat les auteurs des pièces de ce genre, qui ont mérité un véritable succès. Dans le nombre nous citerons particulièrement le rôle du Collatéral, tracé par M. Picard d'une manière si neuve, après tant d'originaux de la même espèce et mis en scène depuis Molière jusqu'à nous.

Puisque nous en sommes sur le mérite de vérité locale, qu'on nous permette encore une observation : il nous semble que mettre à Beauvais six chevaliers d'industrie à poste fixe pour attendre la diligence de la Belgique, est un peu hors de proportion avec la population et les moyens de cette petite ville : nous soumettons cette grave remarque aux auteurs ; il faut être en tout vraisemblable, si l'on ne peut être vrai, et le Fils par hasard n'a pas assez souvent offert à cet égard une sorte de compensation.

Il n'en réussit pas moins à la représentation. Les acteurs ont rendu à cet ouvrage le service inappréciable de le jouer vîte ; on n'a pas le temps de réfléchir, à peine celui d'écouter : le dialogue ressemble assez a un feu d'artifice : il a de l'éclat et fait grand bruit : les acteurs l'ont senti, et servent l'auteur à merveille : en général, ce genre qui ne demande pas d'acteurs supérieurs, mais des talens à l'unisson, convient très-bien à la troupe de l'Odéon qui en a reçu la tradition de celle qui a si bien joué le Collatéral, la Petite Ville et le Voyage interrompu.

Paul Porel,Georges Monval, L'Odéon: histoire administrative, anecdotique et littéraire..., Volume 1, p. 243, parlent d'un « succès douteux ».

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