Les Femmes Colères

Les Femmes colères, divertissement en un acte en prose et en vaudevilles, de MM. Dupaty, Moreau et Francis, 22 pluviose an 13 (11 février 1805).

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Femmes colères (les)

Genre

divertissement en vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

22 pluviôse an 13 (11 février 1805)

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dupaty, Moreau et Francis

Almanach des Muses 1806.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mme. Masson, an XIII – 1805 :

Les femmes colères, divertissement en un acte, en prose mêlé de vaudevilles. Par MM. Dupaty, Moreau et Francis. Représenté pour la première dois à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 23 pluviôse an 13 [11 février 1805]                             .

Courrier des spectacles, n° 2901 du 24 pluviôse an 13 (13 février 1805), p. 3-4 :

[Tout le début de l’article est consacré à souligner l’audace des auteurs du Vaudeville, qui osent même s’attaquer aux fameuses « femmes colères », dont le critique doute d’ailleurs qu’on arrive à les adoucir avec une comédie. Les maris russes utilisent d’autres moyens pour « adoucir leurs femmes », mais en France « tout finit par des chansons », qui dans le cas de la pièce nouvelle « ne sont pas d’un grand mérite », ni liaison entre elles. Le critique peut ensuite raconter l’intrigue de ce qui n’est qu’une arlequinade (encore une tentative de mariage d'Arlequin avec Colombine, finalement réussie), intrigue qu’il juge pauvre, la pièce n’ayant pas de plan et devant son succès à l’indulgence du public.]

Théâtre du Vaudeville.

Les Femmes colères.

La malignité du Vaudeville ne respecte rien ; il se joue des rois, des héros et des dieux ; il rit de ce qu’on admire ; il se mocque de ce qu’on adore. Jusqu’ici pourtant il n’avoit décoché ses traits que contre les favoris de Melpomène ; ceux de Thalie avoient été à l’abri de ses atteintes ; mais il s’est lassé de sa retenue ; c’est sur les femmes colères qu’il a fait ses premiers essais. Si le Vaudeville et les autres théâtres pouvoient nous garantir des impatiences, des vivacités et des petites fureurs de nos femmes, ils nous rendroient assurément un grand service ; mais il est à présumer que les femmes colères survivront à ceux qui ont voulu les corriger, et le parti le plus sage sera encore de recourir aux moyens de conciliation ordinaires.

En Russie, les maris emploient pour adoucir leurs femmes un moyen plus énergique et plus efficace que des comédies ; mais nous sommes trop bons époux et trop polis pour en faire usage, et chez nous tout finit par des chansons.

Les chansons du Vaudeville sur les femmes colères, ne sont pas d’un grand mérite ; elles ont entr’elles fort peu de liaisons ; mais on y trouve quelques couplets spirituels et galans ; et ces derniers sont très-propres à adoucir la colère des femmes.

L’auteur du nouveau vaudeville suppose qu’Arlequin, accordeur d'instrumens, a le dessein d’épouser Colombine, dont le caractère impérieux et violent lui donne néanmoins quelques inquiétudes ; mais Colombine n’est pas la seule qui ait ce défaut. Trois jeunes femmes aussi emportées qu’elle, ont brisé leur instrumens, et les ont envoyés à Arlequin pour les raccommoder ; mais Arlequin ne les servant pas assez vite, au gré de leur impatience, elles arrivent chez M. Cassandre, et commencent un tapage horrible.

Elles se querellent entr’elles, s’appaisent, se querellent de nouveau, cherchent dispute à une marchande de modes, font tant de bruit enfin, que la maîtresse de la maison arrive pour mettre le holà. Mais à son tour, elle crie plus fort que les autres, et Cassandre étourdi de ce tumulte, va chercher les maris. Arlequin qui ne s’attendoit pas à un pareil charivaris, amène Colombine, lui montre cette scène honteuse, lui fait promettre de se corriger. Sur l’assurance que lui en donne Colombine, il se décide à l’épouser.

On voit que tous ces incidcns n’ont pas exigé beaucoup de frais d'imagination ; qu’il n’y a aucun plan dans cette pièce, et que si elle a eu quelque succès, elle le doit plus à l’indulgence du public qu’à son propre mérite.

Mercure de France, tome dix-neuvième (an XIII), n° CLXXXIX (27 pluviose an 13, samedi 16 Février 1805), p. 422-425 :

[Le point de départ de ce compte rendu, c’est de souligner le caractère particulier de la pièce, « pièce de circonstance », divertissement : elle apparaît de façon opportune au moment du Carnaval. Elle mélange farce et comédie, sans dépasser les bornes de « ce qui est permis et usité dans les parodies ». Car c’en est une, qui se moque des pièces qui se veulent comiques, et dont il s‘agit de dénoncer « l'uniformité ou la grande conformité ». L’intrigue est évidemment très réduite, mais la pièce ne manque pas d’esprit. Après le résumé de cette intrigue (une arlequinade), c’est l’interprétation qui est jugée : la pièce est jouée « aussi bien qu'elle peut l'être » (est-ce vraiment un compliment ?). Le jugement porté sur madame Belmont est ambigu, puisqu’il revient à insister sur le « seul défaut qu'on lui ait quelquefois reproché », avoir un jeu maniéré. Les autres acteurs sont bons, mais le théâtre n’est pas riche en amoureux  un seul acteur satisfaisant.]

Théatre du Vaudeville.

Les Femmes colères.

Aux approches du Carnaval, ce vaudeville peut passer pour une pièce de circonstance. Donné sous le titre modeste de Divertissement, il ne le remplit pas mal ; on y rit d'assez bon cœur presque d'un bout à l'autre. D'abord ce sont des traits ingénieux qui font seulement sourire ; ensuite, un bavardage, une cacophonie, un charivari, qui excitent une gaieté plus vive et plus bruyante. Molière a donné l'exemple de mêler des farces à des comédies, même à des comédies excellentes qui eussent très-bien pu s'en passer, et qu'on joue toujours dans la saison consacrée à la joie et aux plaisirs. Il est vrai que ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux. La parade des Femmes colères n'est pas aussi burlesque que celle du Bourgeois gentilhomme, ou du Malade imaginaire, et n'excède pas ce qui est permis et usité dans les parodies.

Les Femmes colères en sont une véritable, dont l'objet est de railler doucement l'uniformité ou la grande conformité des pièces données à plusieurs théâtres sur un sujet, que le Vaudeville avait le premier traité dans Honorine, l'une de ses plus agréables bagatelles.

C'est ici une innovation. Jusqu'à présent on n'avait parodié que des tragédies ou des opéras. Il semble que les fournisseurs du théâtre de la rue de Chartres, en s'attaquant aux auteurs comiques, tirent en quelque sorte sur leurs propres troupes. Il y a si peu de différence d'un opéra-comique ou de la plupart des petites pièces à un vaudeville !

L'intrigue des Femmes colères est, comme on s'y attend bien, fort peu de chose. Ce genre de mérite n'est pas celui qu'on exige d'une parodie ; on y veut de l'esprit, et il y en a dans celle-ci. Arlequin, au moment d'épouser Colombine, témoigne son inquiétude à Cassandre, son futur beau-père, sur l'humeur violente de sa fille. Si elle est, dit-il, aussi emportée la veille de ses noces , que sera-ce le lendemain ? Cassandre trouve sa prévoyance excessive, et prétend que peu de mariages s'accompliraient

Si le mari savait la veille
Tout ce qu'il sait le lendemain.

Au reste, il lui enseigne un moyen de guérir sa femme : « c'est de faire en une heure plus de bruit qu'elle n'en saurait faire en un jour. — C'est difficile. — Cependant, depuis les Spartiates... — Bah ! bah ! c'est renouvelé des Grecs. » Pierrot arrive, et raconte un vacarme effroyable de Colombine. Elle a voulu lui donner un soufflet ; il s'est baissé : le coup a porté sur un Magot de la Chine très-précieux, qui s'est cassé. De rage, elle a tout brisé dans l'appartement. Cassandre désolé : —« Pourquoi diable aussi t'es-tu baissé ? » Ce trait ne serait pas indigne de la bonne comédie.

Le métier d'Arlequin est d'accorder des instrumens. Trois jeunes femmes aussi fougueuses que celle qu'il doit épouser, lui envoient à raccommoder leurs harpes qu'elles ont brisées dans un accès de fureur, S'impatientant de ne pas les ravoir assez vite, elles viennent les chercher chez l'ouvrier ; là elles se querellent, se raccommodent, se brouillent de nouveau, et font un sabbat enragé. Elles racontent comment elles ont été corrigées de leur vivacité par leurs maris ; on voit quel est leur amendement. Une d'elles, ou une quatrième, si je ne me trompe, se vante d'avoir corrigé le sien, en feignant d'être plus violente que lui. Un galant interlocuteur, survenu au bruit, dit — « que les femmes n'ont d'autre défaut que ceux qu'elles feignent d'avoir, » — La correctrice reprend : Après cela c'était un calme, une tranquillité, je crois que je l'ai trop corrigé. » Le tapage recommençant entre ces dames, .Cassandre va chercher leurs maris. Ils se rangent d'un côté, les femmes, de l'autre, comme pour une bataille : on dispute, on crie ; enfin les combattans excédés, hors d'haleine, tombent chacun dans un fauteuils [sic], sans avoir la force de proférer un mot. Arlequin fait remarquer ce spectacle honteux à Colombine qui promet d'en faire son profit, et sur cette promesse il ne craint pas de l'épouser.

La pièce est jouée aussi bien qu'elle peut l'être. Madame Belmont n'a laissé apercevoir aucune trace du seul défaut qu'on lui ait quelquefois reproché. Son jeu a été piquant sans être maniéré. Mademoiselle Desmares a été aussi très-agréable. Je ne sais pourquoi, parmi tant de femmes, on ne voyait point madame Hervey, qu'on voit toujours avec tant de plaisir. On ne joue point avec plus de vérité que Chapelle et Laporte. En général, ce théâtre est bien monté. Sa partie faible est celle des amoureux ; encore faut-il excepter Julien.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an XIII, troisième trimestre, n° 19, du 10 germinal (31 mars 1805), p. 120-121 :

[L’originalité de ce compte rendu, c’est le titre qu’il donne à la pièce. Sinon, il reprnd les idées communes : la parodie de toutes les pièces sur le thème, des détails heureux, des couplets assez spirituels, mais aussi une longueur un peu excessive : « il fallait savoir se borner dans l'exécution », et les auteurs n’ont pas su...]

Théâtre du Vaudeville.

Toutes les Femmes colères.

Nous avons omis d'annoncer dans son tems le succès de cette bluette, dont le but semble avoir été de prouver que le sujet de la jeune femme colère, traité sur tous les théâtres de la capitale avec beaucoup de succès, et même le Conte de Mme de Genlis qui en est la source, n'est au fait que la copie d'une piece donnée depuis long-tems au Vaudeville, sous le titre d'Honorine ou la Femme difficile à vivre.

Toutes les femmes colères se réunissent chez M. Cassandre, luthier, chez lequel elles viennent réclamer l'une sa harpe brisée, l'autre sa guitarre, etc. Cette réunion donne lieu à des disputes assez plaisantes entr'elles et à des détails heureux en parodie, quoiqu'un peu trop prolongés. Le cadre était heureux, il fallait savoir se borner dans l'exécution : mais il s'y trouve des couplets spirituels en assez grand nombre pour assurer la réussite.                L. C.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1805, tome I, p. 423 :

[Compte rendu peu favorable : « demi-succès », une tentative de se moquer des pièces du temps, mais « une critique un peu molle et quelques éloges exagérés, une seule scène comique », ce n’est pas beaucoup. Heureusement, bonne interprétation. Les auteurs ont été nommés.]

Les Femmes colères.

Les Femmes colères ont eu un demi-succès. Le mérite principal de l'ouvrage consiste dans des applications aux différentes pièces faites depuis quelque temps sur le conte de madame de Genlis. Une critique un peu molle et quelques éloges exagérés, une seule scène comique, voilà ce qu'on a remarqué dans ce Vaudeville, qui n'ira pas loin.

Il a été fort bien joué, ce qui a contribué à le soutenir. Les trois auteurs se sont fait nommer. Ce sont : MM. Dupaty, Francis et Moreau.

T...D...

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