Les Femmes rivaux

Les Femmes rivaux, arlequinade en un acte, d’Armand Dartois et Théaulon, 19 septembre 1809.

Théâtre du Vaudeville.

D’après Charles Beaumont Wicks, The Parisian stage: alphabetical indexes of plays and authors, Partie 1 (1950), p. 26, les auteurs sont d’Artois et Théaulon.

Titre :

Femmes rivaux (les)

Genre

arlequinade

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

19 septembre 1809

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

d’Artois et Théaulon

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome V, p. 135 :

[Pièce à travestissements (encore !), dont le grand ressort comique consiste en des coups de bâton donnés à Arlequin par sa femme. tout finit par s’expliquer, mais le public n’a pas apprécié : «  Les bâillemens et les sifflets ont fait justice de cette production. »]

Les Femmes rivaux, arlequinade en un acte, jouée le 19 septembre.

Encore des femmes en homme. Tout le comique de ce foible ouvrage consiste dans les coups de bâton donnés à Arlequin par sa femme. Ce pauvre Arlequin et son maître, trompés par des habits, sont jaloux de la femme l'un de l'autre, et désabusés en découvrant leur sexe. Les bâillemens et les sifflets ont fait justice de cette production.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1809, p. 279-282 :

[Curieux compte rendu, qui s’ouvre sur une longue réflexion sur ce qu’éprouve une femme qui se travestit en homme, ce qui est vu comme si contraire à sa vraie nature. Ce long paragraphe conduit à l’intrigue de la pièce à analyser, et qui se révèle être à la fois une arlequinade et une pièce sur le travestissement et sur les quiproquo que ces travestissements provoquent, jusqu’à ce que « tout alors s'explique et s’arrange », formule qui paraît indiquer combien ce dénouement paraît artificiel (il se fait grâce à un pistolet que Colombine braque sur Arlequin pour qu'il la reconnaisse pour sa femme). Outre le dénouement, le critique considère comme défauts le rôle de Céphise, ridicule sans être drôle, et les habituelles longueurs, si souvent dénoncées. Laporte, le génial Arlequin du théâtre du Vaudeville n’a pas suffi pour assurer le succès de la pièce.]

Les Femmes Rivaux.

Et sous un habit d'homme en chevalier errant
J'irai par le pays chercher des aventures.

Je suis persuadé qu'il y a autant des femmes à qui cette idée-là s'est présentée, qu'il y en a peu qui l'aient exécutée. Les femmes sont naturellement romanesques ; elles aimeraient les situations extraordinaires, mais elles ne veulent pas s'y jetter elles-mêmes ; condamnées à suivre les sentiers battus il leur semble que c'est hors de là qu'elles brilleraient avec le plus d'avantage ; elles aiment à faire effet, et savent que c'est là sur-tout ce qu'il ne leur est pas permis de chercher. Il n'y en a pas une peut-être qui ne se soit transportée mille fois en idée au milieu de quelque aventure bien dramatique ; il n'y en a presque pas une qui osât la commencer. Mais si le hasard commençe pour elle, si quelque chose la pousse hors du cercle où elle était obligée de se tenir, s'il faut qu'elle prenne un parti, le plus extraordinaire se présentera d'abord à son imagination. Voit-elle la nécessité de se réduire à un état plus modeste, c'est une cabane, une chaumière qu'elle voudra habiter, et le courage qu'elle déployait à cette occasion se trouvera entièrement abattu, quand elle verra qu'il ne s'agit que de monter du premier étage au troisième, La fermeté avec laquelle elle se transportait en Russie ou en Amérique, ne tiendra pas contre les fatigues, le déplacement, l'ennui d'un voyage en province ; ôtez-lui cette nouveauté, ce vague, cet inconnu qui, dans un parti extraordinaire saisissait son imagination, et vous lui êtes ce qui soutenait son énergie ; sa situation retombe dans le simple, dans le commua, et elle n'y remarque plus que ce qui y manque pour la rendre commode et agréable ; dès que vous ne lui permettez pas d'être un héros, ne vous étonnes pas de ne retrouver en elle qu'une femme bien faible. Mais cependant supposez que le sort la mît à l'épreuve, serait-il bien sûr qu'elle pût soutenir les détails de l'héroïsme ? Dans un grand parti, ce qu'il y a de grand et de difficile n'est pas ce qu'il lui serait impossible d'atteindre ; mais ces mille petits efforts de courage qu'on rencontre sur la route d'un grand projet, vont peut-être au premier pas l'arrêter tout court ; cinq cents lieues à faire ne l'effraient pas, mais elle tremblera s'il faut aller seule chercher son passeport. Une femme capable de se dévouer à la captivité pour en sauver celui qu'elle aime, ou pour la partager avec lui, ne craindra pas les dangers qui peuvent la suivre ; mais les manières brutales d'un geôlier ou les propos insolens de quelques guichetiers ivres vont peut-être la faire trouver mal. Elle sait s'élever au-dessus de ses habitudes, mais ne résista pas à ce qui les contrarie.

Figurons-nous donc une femme bien élevée à qui je ne sais quel bizarre projet aura inspiré la bizarre fantaisie de se mal déguiser sous un habit d'homme, et dont la folie aura été jusqu'à l'exécuter. Vous représentez-vous son embarras au premier des regards qui vont la poursuivre, sa crainte au plus léger signe d'attention qui lui persuadera qu'elle est reconnue ? Le moindre propos lui donnera l'alarme ; dans le plus léger souris elle verra l'annonce d'une insulte ; tout lui semblera danger et tout danger lui paraîtra terrible, parce qu'il n'en est aucun qu'elle puisse repousser avec les armes qui lui sont propres. Je suis étonné, puisqu'on nous présente si souvent sur le théâtre des femmes déguisées en homme, qu'on ne s'y amuse pas plus souvent des frayeurs qu'elles doivent éprouver sous ce déguisement qui leur convient si peu ; du moins est-il raisonnable de supposer qu'il les laissera facilement reconnaître. C'est à quoi n'avait pas pensé Isabelle, lorsqu'avec sa suivante Colombine elle s'est déguisée en officier d'infanterie pour venir, sous ce costume, veiller de plus près la conduite de son amant Lindor, éloigné d'elle depuis, six mois par suite d'une affaire, d'honneur, et caché pour la même raison dans le château d'une certaine Céphise à qui on l'a accusé de faire la cour. A la vérité cependant les lettres de Lindor sont toujours remplies de la plus vive tendresse ; à la vérité aussi Céphise a cinquante ans et toutes les prétentions de vingt, ce qui devrait rassurer Isabelle ; mais elle est riche ; et Isabelle ne trouverait pas impossible qu'en continuant d'aimer une jeune et jolie maîtresse, Lindor en voulût épouser une vieille et riche ; mais elle le trouverait très-mauvais; et sous prétexte de voir le château de Céphise qui est à vendre, elle est venue pour savoir si celle-ci ne chasse pas sur ses terres. Elle a été reconnue sur-le-champ par Lindor qui ne fait semblant de rien, parce qu'il est outré de voir arriver avec Isabelle sa suivante Colombine qu'il prend pour un jeune officier. D'un autre côté, Arlequin, valet de Lindor et mari de Colombine, reconnaît sa femme qu'il avait quittée depuis six mois, et ne connaissant pas Isabelle, il est comme Lindor extrêmement choqué de l'air d'intimité qui règne entre ces deux personnages. Cette double méprise a donné lieu à quelques scènes assez plaisantes, principalement de la part d'Arlequin, qui, moins délicat que son maître, trouve qu'il sera beaucoup plus prudent de faire porter sa colère sur sa femme que sur son rival ; mais après s'être expliqué un peu franchement avec elle, il a le malheur de rencontrer Isabelle, qui, toujours sous son personnage d'officier, se divertit à le forcer de recevoir de la main de Colombine les mêmes preuves d'affections conjugales qu'il vient de lui donner, menaçant de le tuer s'il n'expie pas ainsi son péché ; et comme la malicieuse Colombine se refuse à manquer à ce point de respect à son mari, le pauvre Arlequin se voit forcé de solliciter à genoux la punition qui doit le préserver d'un châtiment un peu plus sérieux ; mais bientôt arrive l'occasion de le venger. Lindor cherche par-tout, avec deux pistolets, Colombine qu'il prend-pour son rival ; Arlequin, qui croit que cette rivalité porte sur l'amour qu'il suppose à son maître pour Céphise, n'en est pas plus détrompé sur le compte d'Isabelle, et se garde bien de détromper Lindor sur le compte de Colombine, à laquelle il est ravi de rendre la peur qu'on lui a fait ; mais Colombine, qui n'a pas la moindre envie de se battre, ne se sert du pistolet que Lindor lui a fait prendre bien malgré elle, que pour forcer Arlequin à la reconnaître pour sa femme. Tout alors s'explique et s'arrange. Ce dénouement qui tourne un peu court; le rôle de Céphise ridicule sans être plaisant, comme le sont presque tous les rôles de vieilles amoureuses, et quelques longueurs, ont fait oublier au public que le rôle d'Arlequin, joué par Laporte avec sa grace ordinaire, l'avait assez diverti dans les premières scènes Quelques sifflets ont accompagné la fin de la pièce, et l'auteur u'a point été nommé..

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