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La Grande famille, ou la France en miniature

La Grande famille, ou la France en miniature, divertissement en un acte et en vaudevilles, d’Alissan de Chazet, composé pour la fête de Sa Majesté l'Impératrice, représenté devant Leurs Majestés sur le théâtre de Trianon, le 25 août 1811.

Le divertissement a été imprimé en deux cents exemplaires.

L’Ambigu ou Variétés littéraires et politiques de Peltier, volume XXXIV, n° CCCIII du 30 août 1811, p. 455-458 :

[L’Ambigu est publiée à Londres, ce qui explique à la fois l’absence assez générale d’accents, et l’étrange dénomination choisie pour le couple impérial, Buonaparté et la princesse Marie-Louise Sinon, le compte rendu, élaboré d’après les journaux français, est ébloui, jusqu’à la pique finale... Tout le monde répète les mêmes jugements, on parlerait aujourd’hui d’éléments de langage...]

Buonaparté a fait donner à Trianon en l'honneur de la princesse Marie-Louise une fête dont voici les détails extraits des journaux français.

Féte à Trianon le 25, jour de St. Louis.

Hier la route de Paris à Trianon était couverte d'un nombre immense de voitures et de gens de pied. On y apercevait pêle-mêle les carrosses les plus magnifiques et les équipages les plus modestes : tous les rangs étaient confondus ; la cour, la bourgeoisie, le peuple, animés par les mêmes sentiments, se précipitaient vers le séjour enchanté où devait se célébrer la fête d'une souveraine bien aimée. Tout Paris semblait être dans Versailles ; les maisons particulieres ne pouvaient contenir la foule qui arrivait de toute part ; le parc était inondé d'une multitude de personnes de tout sexe et de tout âge. Les grandes eaux ont joué à six heures : c'est dans ce moment que Buonaparté et la Princesse ont paru dans les jardins.

De grands préparatifs avaient été faits depuis quatre ou cinq jours dans les jardins délicieux de Trianon ; mais, hier le ciel avait été orageux toute la matinée, et à trois heures une pluie abondante fit craindre que la beauté de la soirée ne répondît point aux espérances qu'on avait conçues. Heureusement, ce qu'on avait redouté comme un contretemps pour la fête, n'a servi qu'à l'embellir encore : il n'est tombé de pluie que ce qu'il en fallait pour rafraîchir un air brûlant et pour faire disparaître une poussiere incommode. A six heures, le soleil avait reparu, et l'été n'a pas eu de soirée plus douce et plus agréable.

Toutes les lignes d'architecture du Grand-Trianon étaient ornées de lampions de diverses couleurs, et présentaient le coup-d'œil le plus magnifique. On croyait voir un palais de feu. La galerie n'offrait pas un spectacle moins enchanteur. On y apercevait six cents femmes brillantes des grâces de la jeunesse, et parées de tout ce que l'Asie a de plus précieux, de tout ce que l'industrie française a de plus parfait. A huit heures, les époux ont paru, et ils ont parcouru la galerie dans toute sa longueur. La Princesse a parlé à tout le monde avec la plus grande bonté. Cette aimable dame, qui n'habite la France que depuis douze à quinze mois, en adressant la parole aux femmes, a dit à chacune quelques paroles obligeantes : elle les a entretenues tour-à-tour de leurs familles et de tous les objets de leurs affections. A la maniere dont elle a parlé de tout ce qui les intéressait, on eût dit qu'elle était née sur les bords de la Seine.

A neuf heures, Buonaparté et la Princesse ont quitté la galerie pour se rendre à la salle de spectacle qui se trouve située au-delà du Petit-Trianon. Dans la crainte du mauvais temps, on avait établi une vaste tente de coutil dont la voûte était ornée de feuillage, et dont le chemin était couvert de tapis dans toute son étendue.

Le spectacle a commencé à neuf heures un quart : on a donné les Projets de Mariage ; cette piece a été suivie d'un ouvrage de circonstance, intitulé la Grande Famille, ou la France en Miniature, dont l'anteur est M. Alissan de Chazet, connu par la grâce et la fécondité de son esprit. Dans cette piece on voyait réunis des acteurs des Français, des Bouffons et du théâtre Feydeau. Voici quelques couplets :

Sur le Voyage de Normandie.

BASTIENNE.

Air : J'ai vu partout dans mes voyages.

Chacun en offrant son hommage
Versait des larmes de plaisir,
Et l'on criait sur son passage
Des
vivat à n'en plus finir;

PERETTE.

On n'en doit pas être surpris ;
C'est qu'on voulait lui faire croire
Qu'elle était encore à Paris.

Un paysan picard chante sur le canal de Saint-Quentin le couplet suivant :

Air : Tout le long de la riviere.

C'est ben le plus beau des canaux,
Il porte les plus gros bateaux.
Comm' c'est commod' pour le commerce !
Dans tous les pays qu'on traverse
On transporte du blé, des vins ;
Sur l'eau puisqu'on fait des chemins,
On parcourra bientôt la France entiere
Tout le long (
ter) de la riviere.

A la fin de la piece, les principaux artistes de l'Opéra ont exécuté un joli ballet. Le spectacle terminé, Buonaparté et la Princesse ont commencé leur promenade dans le parc du Petit-Trianon. Napoléon, le chapeau à la main, donnait le bras à la princesse, et était suivi de toute la cour. On s'est d'abord rendu à l'Ile-d'Amour. C'est là que la féerie semblait avoir réuni tous ses prestiges, tous ses enchantements. Le temple, situé au milieu du lac, était manifiquement [sic] illuminé, et les eaux réfléchissaient ses colonnes de feu. Les yeux s'arrêtaient avec ravissement sur une multitude de barques élégantes, montées par un essaim d'Amours qui semblait se jouer dans les cordages. Des musiciens cachés à bord exécutaient des airs mélodieux ; et cette harmonie, à la fois douce et mystérieuse, qui semblait sortir du sein des ondes, ajoutait encore à la magie du tableau et au charme de l'illusion. A ce spectacle ont succédé des scenes d'un autre genre. Buonaparté et la Princesse se sont rendus au hameau, où l'on avait préparé plusieurs scenes champêtres : ils s'y sont reposés un moment pour voir un tableau flamand en action, et sont ensuite montés dans les appartements, où l'on a servi des glaces et des rafraichissements. Bientôt leur promenade a continué ; l'on trouvait à chaque pas des habitants de quelque province de France, des Languedociens, des Picards, des Allemands, ect. etc. Lorsqu'ils sont arrivés au salon de Polymnie, on a exécuté un chœur dont la musique est de M. Paër, et les paroles de M. de Chazet.

    Chantons, célébrons notre reine ;
    Sa puissance est dans ses bienfaits :
    La fête de leur souveraine
    Devient la fête des Français.
    L'adorer est notre devise,
    Son sceptre est un tissu de fleurs.
    Chantons, chantons : vive Louise !
L'écho retentira jusqu'au fond de nos cœurs.

Après avoir parcouru ce cercle charmant de surprises magiques, ils sont retournés au Grand-Trianon, où l'on a servi, dans la grande galerie, un souper magnifique. Tous les deux se sont retirés vers une heure, et le seul mot répété partout, était que cette fête, dirigée par M. Despréaux, surpassait l'idée qu'on avait pu s'en faire.

Louis-Henry Lecomte, Napoléon et l'Empire racontés par le théâtre, 1797-1899 (Paris, 1900), p. 253-254 :

[Compte rendu élogieux, ce qui ne surprend pas de la part de Lecomte, du spectacle donné, non à Paris, mais sur le théâtre du Trianon à Versailles, le 25 août 1811. Il s’agit d’un divertissement « ingénieux et bien traité ». Et le couplet donné est qualifié d’original, parce qu’il n’a pas de rime (pour avoir plus de raison).]

Paris, 1811 : La Grande famille, ou la France en miniature, divertissement en 1 acte et en vaudevilles, par Alissan de Chazet.

Le théâtre représente une grande maison de Versailles, portant sur sa façade l'enseigne suivante : Hôtel de l'Empire. Le chevalier de Saint-Romain, client de cet hôtel d'où l'on peut voir à l'aise le château, retient la maison entière pour lui et ses amis. Il paie à cet effet trois mille francs à l'aubergiste Le Franc, et lui remet la même somme pour un souper de trente couverts. Le Franc, enchanté, promet de fermer sa porte à toute personne étrangère à la société de Saint-Romain, mais une famille alsacienne se présente qu'il ne sait comment congédier, puis des paysans picards, trois jeunes provençales en costumes, deux gascons, un normand et deux cauchoises. Tous ces gens ont fait un pénible voyage pour assister à la fête de l'Impératrice ; Le Franc et sa femme, renonçant à les expulser, se décident à rompre le marché qui les lie à Saint-Romain. Celui-ci veut d'abord défendre son droit, mais tous les personnages, l'entourant, expriment des sentiments si patriotiques que le chevalier les groupe lui-même dans le jardin où la souveraine pourra voir réunis les représentants des quatre parties de l'Empire.

Composé par ordre de l'Empereur, pour la fête de Marie-Louise, et représenté sur le théâtre de Trianon le 25 août 1811,ce divertissement est ingénieux et bien traité. Voici le plus original des couplets qui le terminent et qui célèbrent les vertus ou la bonté de la seconde Impératrice :

Si je répète que Louise
Dès longtemps règne sur les cœurs,
Et si je dis qu'on se dispute
A qui la chérira le plus,
Si je dis qu'elle craint l'éloge
Qu'elle sait si bien mériter,
Mon couplet n'aura pas de rime
Mais il sera plein de raison.

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