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L'Heureux malgré lui

L'Heureux malgré lui, opéra en un acte, paroles de Saint-Just [Godard], musique de Méhul. 7 nivose an 12 [29 décembre 1803].

Théâtre de l'Opéra Comique

Titre :

Heureux malgré lui (l’)

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

7 nivôse an 12 [29 décembre 1803]

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique

Auteur(s) des paroles :

Saint-Just [Godard]

Compositeur(s) :

Méhul

Almanach des Muses 1805

Prosper a été élevé par les soins de M. Werner ; il ignore le nom de ses parens. Son bienfaiteur consent à lui accorder la main de Caroline sa nièce ; mais il veut éprouver sa constance, et il ne doit l'unir à celle qu'il aime qu'après qu'il aura essuyé quelque grand revers. Prosper s'est battu en duel, et il se voit poursuivi. Caroline est désespérée, mais notre jeune étourdi se réjouit de ce malheur qui doit vaincre les scrupules de M. Werner, lorsque soudain sa grace arrive. Il se plaint du bonheur qui ne cesse de l'accompagner, et, pour combattre sa mauvaise fortune, s'avise de se faire passer pour auteur d'un libelle qu'il n'a point lu et qui se trouve être dirigé contre un baron allemand. Cet homme, très-riche et très-puissant mettrait fin sans doute et pour toujours au bonheur du malheureux Prosper s'il ne reconnaissait en lui un fils qu'il a perdu depuis une vingtaine d'années. Prosper, toujours heureux malgré lui, obtient la main de Caroline.

De l'esprit, des longueurs, jolie musique, demi-succès.

Courrier des spectacles, n° 2496 (Vendredi 6 Nivose, an 13 [24 Décembre 1803], p. 2 :

[Le titre n’est pas bon : comment être heureux malgré soi ? Le personnage veut être heureux, et il ne l’est pas tant que ses vœux ne sont pas comblés. Mais la pièce n’est qu’un opéra bouffon, dont le succès ne dépend pas d’un titre bien ou mal choisi. Si la pièce n’a pas eu de succès, les causes sont ailleurs : « des longueurs, une mauvaise exposition » et aussi « quelques défauts dans le fonds de l'ouvrage » ont provoqué le mécontentement du public, ce qui n’a pourtant pas empêché que les auteurs soient nommés. Et c’est une injustice de faire porter à Méhul la charge d’une pièce que sa musique a soutenue. Après ce préambule, résumé de l’intrigue, avec des commentaires entre parenthèses, sur lequel le compte rendu s’achève (on a un peu l’impression que le compte rendu est à l’envers).]

Théâtre Feydeau.

Première représentation de l'Heureux malgré lui.

Il seroit assez difficile de s'imaginer ce que ce peut être qu'un homme heureux malgré lui, puisque l'idée du bonheur suppose l'accomplissement des désirs. Aussi y a-t-il lieu de présumer que l'auteur n'a donné ce titre à son ouvrage qu'après avoir travaillé sur une idée qui lui étoit venue et qu'il n'a su comment présenter au public. Son titre, comme il arrive toujours en pareil cas, est faux, et parce que Prosper, c'est le nom du personnage, désire être heureux et parce qu'il ne l'est véritablement pas tant qu'il n'a point obtenu l'objet de ses vœux. Au reste, il ne s'agit ici que d'un opéra-bouffon, et son titre n'en eut point empêché le succès, si des longueurs, une mauvaise exposition n'avoient point indisposé le public que quelques défauts dans le fonds de l'ouvrage ont fini par mécontenter. La pièce en étoit à plus des deux tiers quand les murmures se sont fait entendre. Malheureusement ils ont été suivis de sifflets. L'auteur a cependant été demandé. On a nommé monsieur St. Just, pour les paroles, et monsieur Méhul, pour la musique. Il y avoit de l'injustice à envelopper ce dernier dans la disgrâce que l'ouvrage a éprouvé. La musique a fait plaisir, et si elle n'ajoute point à la réputation de M. Méhul, c'est qu'elle est montée à un degré où il est glorieux de la soutenir.

Prosper a été trouvé, dans son enfance, par M. Wermet. Elevé par ses soins, il a joui d'un bonheur soutenu, et ne compte pas comme un foible avantage d'être aimé de Caroline, niece de son bienfaiteur. M. Wermer consent à lui accorder la main de sa nièce, mais il veut éprouver s'il est capable de supporter la mauvaise fortune et attendre qu'il ait essuyé quelque malheur Prosper, de simple soldat, est parvenu par son courage au grade d'officier, mais il s'est battu en duel avec le fils de son colonel, et il arrive à Salzbourg, pour revoir sa maîtresse et consulter Wermer sur ce qu'il doit faire pour se mettre à l'abri de toutes poursuites. M. Wermer lui oppose toujours comme obstacle à son mariage le bonheur constant dont il jouit, lorsqu'il arrive deux lettres. La première annonce à Prosper qu'il est poursuivi pour fait de son duel. Tandis que son bienfaiteur et Caroline sont allarmés de cette nouvelle, Prosper (assez follement) s'en réjouit. Il n'y voit qu'un moyeu de décider M. Wermer en sa faveur, et ne voit pas que son arrestation mettroit un obstacle éternel à son mariage. La seconde lettre annonce à Wermer, que le colonel pardonne Prosper de s'être battu contre son fils, et lui donne une place de capitaine. Notre jeune étourdi se désole de manquer une si belle occasion d'être heureux. Pour la retrouver, il se fait passer pour auteur et propriétaire d'une caisse de livres qu'il n'a point lus et qui se trouvent être des libelles contre un baron allemand fort riche, fort puissant, qui est sur le point de le faire arrêter (nouvelle source de bonheur) lorsqu'il reconnoît en lui son fils qu'il a perdu il y a vingt-cinq ans. Replongé ainsi dans son infortune à force de bonheur, Prosper obtient cependant la main de Caroline qui prétend qu'au sentiment même de son oncle qui est un philosophe (ce qu'on auroit peine à croire), Prosper n'est pas heureux, par cela même qu'il obtient des honneurs et des richesses.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 9e année, 1803, tome IV, p. 417.

[Pour nous aider à comprendre ce que signifie « être heureux malgré soi », l’auteur a montré commet s’y prendre au théâtre : « un dialogue froid, des longueurs et un caractère principal tout-à-fait extravagant », et on obtient une chute, à laquelle il échappe grâce à Elleiou et la musique de Méhul. Ne chute pas qui veut, quand c’est Méhul qui écrit la musique.]

THÉATRE FEYDEAU.

L'Heureux malgré lui.

On auroit peine à comprendre comment un homme peut être heureux malgré lui, si le succès de la pièce nouvelle ne donnoit le mot de l'énigme. L'auteur en effet, a réuni tout ce qui pouvoit en assurer la chûte. Un dialogue froid, des longueurs et un caractère principal tout-à-fait extravagant ; aussi a-t-on commencé à siffler : mais son bonheur l'a emporté. Le jeu d’Elleviou, la musique de Méhul ont achevé de le rendre heureux malgré lui, et un peu malgré une partie des spectateurs.

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome cinquième, pluviôse an XII [janvier 1804], p. 281 :

[L’idée même de la pièce paraît étrange, et sans rapport avec la réalité : un tel père n’existe pas. C’est une opposition classique qui sert de verdict : « quelques situations plaisantes, mais qui le deviennent moins par l'invraisemblance du fond », ce qui explique que le public n’ait pas aimé. Quant à la musique, elle est « roide », au point que le critique n’a pas reconnu « la touche de Méhul », à un moment où « le système actuel de musique » ignore que « la musique théâtrale doit s'identifier avec le coloris des poèmes ».]

THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE, RUE FAYDEAU.

L'Heureux malgré lui.

Voici la seconde fois de l'année qu'on met en scène l'idée plus que bizarre d'un père, qui ne veut donner sa fille qu'à un homme malheureux..... S'il existait une pareille fantaisie, les auteurs des deux pièces pourraient renoncer au titre de célibataires.

Quelques situations plaisantes, mais qui le deviennent moins par l'invraisemblance du fond, n'ont pu fléchir la sévérité du public.

La musique m'a paru porter un caractère de roideur qui m'avait fait méconnaître la touche de Méhul. Peut-être aurait-elle besoin d'être entendue plus souvent pour être mieux appréciée ; mais il me semble que Monsigni, Grétri, Dalayrac, Martini, Boyeldieu, Berton n'ont pas besoin de cette ressource pour être entendus et goûtés. Le système actuel de musique me semble désespérant pour les vrais partisans de la méthode naturelle, et encore plus pour ceux qui tiennent à l'idée que la musique théâtrale doit s'identifier avec le coloris des poèmes.

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