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L'Heureux retour

L'Heureux retour, divertissement-pantomime, de Milon et Gardel, musique de Persuis, Henri-Montan Berton, Kreutzer ; 25 juillet 1815.

Académie royale de Musique.

Titre :

Heureux retour (l’)

Genre

ballet (pantomime)

Nombre d'actes :

1

Musique :

oui

Date de création :

25 juillet 1815

Théâtre :

Académie royale de Musique

Concepteur(s) :

Milon

Compositeur(s) :

Persuis, Henri-Montan Berton et Kreutzer

Chorégraphe(s) :

Pierre Gardel

Almanach des Muses 1816.

Allusion à la célèbre journée du 8 juillet ; scène épisodique, peu susceptible d'analyse ; tableaux pleins de vérité. De la gaîté ; beaucoup de mouvement et d'idées ingénieuses dans le canevas de ce divertissement. Ballets charmans ; musique faible ; amalgame d'airs connus ; décorations d'un effet admirable.

Grand succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, se vend au Magasin de la rue Neuve St.-Marc, imprimerie de Dondey-Dupré, 1815 :

L'Heureux Retour, ballet en un acte, Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Académie Royale de Musique, le Mardi 25 Juillet 1815, Par L.-J. Milon, Second Maître des Ballets de l'Académie Royale de Musique ; et le dernier divertissement De la Composition de Mr. Gardel ; Musique arrangée par Mrs. Persuis, Berton et Kreutzer.

Journal des débats politiques et littéraires, 27 juillet 1815, p. 1-3:

[Retour de Louis XVIII le 8 juillet, après les Cent-Jours et Waterloo. La pantomime de l’Académie Royale de Musique est la célébration de ce retour : l’Opéra comme tous les arts devait rendre cet hommage au roi auquel le critique ne manque pas de prêter toutes les vertus. Le ballet est en fait une simple suite de tableaux trop rapides, que seule l’imagination permet de rendre suffisants. L’article développe dans l’ordre de leur apparition les divers moments du spectacle, d’abord l’ouverture, puis les petites scènes montrant la joie presque générale que fait naître cet « heureux retour » (il y a tout de même une scène triste, celle d’une jeune fille qui craint pour son amant qui n’a pas reparu après la bataille : moyen de rappeler la cruauté et l’extravagance de l’aventure napoléonienne). Le cortège royal ne sera qu’évoqué, faute de pouvoir le représenter dignement. Sont évoqués les militaires, bien sûr, mais aussi le public. Un long paragraphe évoque les divers interprètes de la pantomime, tous ayant joué leur rôle avec efficacité. Le propos sur la musique paraît moins enthousiaste: elle n’a que « le caractère convenable à une fête de famille », et les compositeurs sont accusés d’avoir abusé des airs populaires chantant Henri IV. Si le chorégraphe est nommé, les compositeurs sont traités avec plus de réserve : leur contribution à ce genre hybride du pasticcio ne peut augmenter leur réputation. Dernière notation, le public, nombreux et brillant, où on note la présence d’étrangers : Paris est occupé...]

ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE

Première représentation de l’Heureux Retour, ballet-pantomime en un acte, par M. Milon.

La rentrée du Roi dans sa capitale est un de ces événemens que tous les arts, chacun dans leur langage, se disputeront l'honneur de transmettre à la postérité. L'historien dans des pages graves et éloquentes rappellera le jour mémorable où une ville immense, échappée aux
angoisses de la terreur et de la mort, se précipita pour la seconde fois au-devant de son libérateur ; et, l’environnant de sa population tout entière, le reporta sur son trône. à travers les plus touchans témoignages de ses regrets et de son amour. La poésie embellira ce récit de ses brillantes couleurs ; le marbre et la toile immortaliseront par des monumens-qui triompheront du temps jaloux. En attendant, nos théâtres s'empressent d’en retracer à notre imagination les doux souvenirs ; l’initiative appartenoit de droit au plus pompeux, au plus magnifique de nos spectacles ; et il vient d'acquitter sa dette avec un empressement qui honore le directeur et les artistes dont les talens ont dignement seconde son zèle.

L’Heureux Retour n'est à la vérité qu'une suite d'esquisses légères. Le peu d'étendue de nos plus vastes théâtres ne permet pas de donner à des tableaux de ce genre tous les développemens dont ils sont susceptibles. Mais l’imagination supplée à l’insuffisance du cadre, et la mémoire venant au secours des yeux, achevant ce que le local rend nécessairement imparfait, complète l’illusion.

L’ouverture exprime assez bien le mouvement tumultueux et la joie excitée par l’arrivée prochaine de S M. Au lever du rideau, on aperçoit une place voisine des barrières ; aux deux côtés du théâtre sont des boutiques de marchandes de modes, de comestibles et de boissons. Des pelotons de gardes nationaux arrivent successivement, et se portent au-devant du cortège royal ; à la rapidité, à la gaieté de leur marche, on voit que leur cœur les a devancés sur la route. Une jolie marchande vient attacher à leur boutonnière le ruban blanc et la fleur de lis ; le peuple se presse en foule autour d'eux et forme des rondes joyeuses. Une jeune fille paroît seule inquiète au milieu de la joie générale ; une douleur secrète l'agite ; son amant était à la dernière bataille,.et depuis elle n’en a point eu de nouvelles. Ce petit épisode forme un contraste naïf et touchant avec l'allégresse de tous les autres personnages. Cependant les mouvemens de la garde et du peuple, les airs chéris que fait entendre l'orchestre, l'ivresse du bonheur qui se lit sur tous les visages, tout annonce que le moment si impatiemment attendu, est enfin arrivé ; on ne voit pas le cortège, mais on le devine : il y auroit eu de l'inconvenance à vouloir porter plus loin le désir d'une imitation exacte. Des groupes de militaires de différentes armes se forment ; on voit mêlés ensemble des gardes nationaux, des soldats de ligne, des gardes-du-corps qui, d'un commun accord, boivent l'oubli des anciennes divisions. On remarque même parmi eux quelques vétérans de cette garde intrépide qui n'eut jamais qu'un reproche à se faire, qui n'eut à s'imputer qu'une faute, trop cruellement expiée à Waterloo, par l'extravagance barbare de celui même pour qui elle avoit été commise. Désabusés et rendus aux affections naturelles à tous les Français, ces braves ont arboré le signe de la réunion et de la paix : ils confondent leurs vœux, leurs sentimens et leurs verres avec ceux de leurs camarades.

En ce moment, un officier alliée [sic] ramène à sa maîtresse le jeune amant auquel il a sauvé la vie sur le champ de bataille. Ainsi aucun chagrin domestique n'obscurcira l’éclat d'un si beau jour.

Le théâtre change, et représente le jardin des Tuileries ; dans le fond, se dessine majestueusement la façade du château, sur le dôme duquel flotte le drapeau indicateur des hôtes augustes qui viennent d'y rentrer.

Tout le jardin se peuple de nombreux spectateurs ; des danses vives, des rondes animées expriment par leur simplicité, la franchise du sentiment qui les inspire. Quelques pas savans viennent se mêler à ces scènes naïves : quoique la vérité et peut-être même la vraisemblance en soient un peu blessées, c’est un de ces torts brillans qu’il est agréable d'avoir à pardonner : les arts devaient un hommage particulier à un monarque éclairé qui les aime et qui les protège par goût, sans les accabler de ce patronage insolent qui ne voit en eux que les utiles instrument de l’ambition et de l’orgueil).

Tous les premiers sujets se sont fait un devoir de paroître dans ce ballet. Albert et Mlle Gosselin ont dansé avec leur supériorité ordinaire un charmant pas de deux sur l’air de Gabrielle. Mme Courtin s'est montrée excellente pantomime dans le rôle de la jeune amante ; Antonin, Anatole, Ferdinand, Elie, Paul, Montjoie ; Mlles Saulnier, Gaillet. Fanny Bias, surtout Mlle Delille dans le double rôle de poissarde et d’Ecossaise, ont soutenu leur réputation. Les évolutions militaires ont été exécutées avec une rare précision par les
figurans habillés en gardes nationaux : il étoit aisé de voir que tous les artistes étoient animés d'un autre desir que celui de plaire au public, et qu'un motif plus noble ajoutoit une vivacité extraordinaire au développement accoutumé de leurs talens.

La musique a le caractère convenable à une fête de famille : je n'ai pas besoin de dire que les compositeurs ont tiré plus d'une fois parti des airs français Vive Henri IV et Charmante Gabrielle. Peut-être même en ont-ils un peu abusé : on retrouve ces airs dans l'ouverture, dans le cours du ballet, dans la ronde générale qui le termine. On les avoit déjà joués avant Alceste, on les avoit répétés entre les deux pièces : il faut de la mesure dans les meilleures choses ; c'est même le moyen le plus assuré de les faire valoir.

On a nommé l’auteur du ballet ; M. Milon est venu recevoir en personne les témoignages de la satisfaction du public : les airs, m'a-t-on assuré, ont été arranges .par MM. Persuis et Berton. Quoiqu'en général un pasticcio ne puisse rien ajouter à la gloire de ces compositeurs, je n'ai pas cru qu'ils dussent être frustrés de la portion de louanges qui leur revient, comme récompense légitime de leur zèle. Il paroît d'ailleurs que l'ouverture appartient tout entière à M. Berton.

L'assemblée étoit complète et brillante : les illustres étrangers qui en faisoient partie ont mêlé plus d'une fois leurs applaudissemens à .ceux des autres spectateurs dont ils ne se distinguoient que par leurs décorations et leurs costumes.                            C.

Chronopéra attribue 12 représentations à ce ballet en 1815, et 2 en 1816.

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