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L’Homme de quarante ans, ou le Rôle de comédie

L’Homme de quarante ans, ou le Rôle de comédie, vaudeville en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles, de M. Joseph Pain, 19 septembre 1810.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Homme de quarante ans (l’), ou le Rôle de comédie

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

19 septembre 1810

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Joseph Pain

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mlle. Lecouvreur, 1810 :

L’Homme de quarante ans, ou le Rôle de comédie ; comédie en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles ; Par M. Joseph Pain. Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre du Vaudeville, le 19 septembre 1810.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 15e année, 1810, tome V, p. 172-173 :

[L’essentiel du compte rendu est consacré à résumer une intrigue dont le caractère convenu est évident (pas très vraisemblable, fondé sur un quiproquo facile, et dont le dénouement est plus que prévisible). Jugement final : un « fonds [...] pas neuf », une pièce sauvée par « l’ esprit et la grâce du style, et des couplets ». Seules deux actrices sont mises en lumière (mais pas d’acteurs ?).On ne dit rien de l’auteur.]

L’Homme de quarante ans, ou le Rôle de Comédie, vaudeville en un acte, joué le 19 septembre.

Germeuil, homme de quarante ans, arrive à la maison de campagne de Madame Laure de Menneval, pour épouser cette jeune et jolie veuve, dont il est sincèrement aimé ; elle fait des apprêts de fêtes pour le bien recevoir, et elle s'occupe surtout d'un rôle qu'elle doit jouer dans une petite comédie de circonstance. Ce rôle devient le sujet d'un quiproquo qui donne beaucoup d'humeur à Germeuil; persuadé qu'un homme de 40 ans ne doit plus espérer de plaire aux femmes, il se défie beaucoup des sentimens de sa future ; et une lettre qu'elle a laissé tomber par mégarde, lui prouve, ou du moins, semble lui prouver qu'elle répugne véritablement à devenir sa femme. Les rapports indiscrets et mensongers d'une petite sœur de Laure, ceux d'un jardinier, la présence du petit Cousin Emile, avec lequel notre veuve se ménage de fréquens tête à-têtes, et qui aime aussi une femme nommée Laure ; tout confirme Germeuil dans la résolution qu'il a prise de renoncer au mariage, Laure de Menneval et le petit Cousin se donnent secrètement un rendez-vous, pour répéter quelques scènes d'amour qu'ils ont ensemble dans la pièce ; Germeuil,averti par ses agens, se cache dans un bosquet pour être témoin de l'entrevue ; et ce que disent nos deux acteurs lui paroît si peu équivoque, qu'il se croit en droit d'éclater ; il s'agissoit en effet d'enlèvement dans la scène en répétition. La fin de ce quiproquo se devine aisément. La lettre trouvée n'étoit autre que la copie d'un billet d'amour faisant partie du rôle de comédie ; Emile aime une femme nommée Laure, mais cette Laure n'est pas sa cousine ; enfin Germeuil reconnoît qu'il n'a point à se plaindre de sa future, et qu'il en est quitte pour la peur.

Malheureusement ce fonds n'est pas neuf. L'esprit et la grâce du style, et des couplets ont sauvé la pièce. Madame Hervey et Mademoiselle Minette ont contribué à la soutenir par leur jeu piquant.

L'Esprit des journaux franc̜ais et étrangers, année 1810, tome XI (novembre 1810), p. 284-289 :

[Le compte rendu commence par le récit de l’avant-scène, qui nous fournit les éléments pour comprendre l’intrigue (et qui est qualifiée d’« un peu compliquée »). Celle-ci nous est racontée par le menu, avec d’évidentes prises de position du critique : commentaires (« Il y aurait là de quoi mettre martel en tête à un homme moins âgé, moins jaloux que Germeuil »), jugements (« Ce faux calcul est pardonnable à son inexpérience »), critique sur le déroulement de l’action (« C'est ici peut-être qu'aurait dû finir la pièce, car le dénouement est déjà prévu », avec prise à témoin du lecteur, « Nos lecteurs ont déjà pu deviner que la lettre qui rend Germeuil si jaloux, n'est qu'une lettre de comédie »). Ce résumé fort peu objectif est naturellement suivie de la partie proprement critique du compte rendu. D’abord des compliments : de l’esprit (l’ouvrage « est écrit en entier d'un bon ton de comédie » avec des couplets, sauf exceptions, «  pleins de sel et très-agréablement tournés » ; des caractères bien dessinés ; une satire portant « sur les mœurs et non sur les personnes » (c’est important de ne pas s’en prendre aux personnes !). Mais le dénouement ne fait pas l’unanimité : il est presque contenu dès la lecture de la lettre ramassée par « la petite Juliette », et la scène de comédie, en vers, contraste évidemment avec la prose de la pièce : ou tout en prose, ou tout en vers, mais pas de mélange ! De même l’avant-scène est riche en invraisemblances, mais on est au Vaudeville, et ce théâtre est tolérant envers ce genre d’inconséquences. Finalement, la pièce, malgré l’accueil froid qu’elle a reçue, « paraît devoir se soutenir avec honneur à ce théâtre ». L’auteur (non nommé) est remarquable par sa capacité à unir » l’esprit et la gaîté » avec « la décence et le bon ton ».]

L'Homme de quarante ans, ou le Rôle de comédie, vaudeville en un acte, de M. Joseph Pain.

Laure, jeune personne fort jolie et fort riche, avait deux amans, Maineval et Germeuil. Son cœur penchait pour le premier ; ses parens voulaient lui donner le second ; mais Germeuil, non moins généreux qu'amoureux, sacrifia son bonheur à celui de Laure. Il se désista de sa poursuite ; Laure épousa Maineval, et Germeuil alla chercher des distractions en Amérique. La fortune l'y poursuivit encore ; il se ruina, revint en France, et fit part de son retour à Laure dès qu'il fut arrivé à Bordeaux. Pendant son absence, Laure était devenue veuve. Elle avait toujours eu pour Germeuil de l'amitié ; elle lui devait de la reconnaissance ; ses malheurs lui inspiraient un tendre intérêt : elle lui écrivit de venir la trouver, et lui offrit sa main pour prix de sa constance.

Telle est l'avant scène un peu compliquée de ce petit ouvrage. L'action se passe dans une terre que Laure habite avec M. de Préval son oncle et sa sœur Juliette, nouvellement sortie de pension. Laure a préparé en secret une petite fête qu'elle veut donner à Germeuil, et dont le principal ornement doit être une comédie composée par son cousin Emile, fils de M. de Préval. On attend Germeuil le jour même, et il arrive en effet, non par l'avenue où l'on est allé au-devant de lui, mais par la petite grille du jardin. Il veut aussi ménager une surprise à Laure, ou plutôt il veut s'assurer de la réalité de son bonheur. Il a quarante ans ; cet âge n'est pas celui des conquêtes, et il craint beaucoup que la reconnaissance ne lui obtienne seule la main de Mme. de Maineval. Le premier personnage qu'il rencontre et qu'il interroge est un jardinier dont les réponses ne font qu'augmenter ses soupçons en les fixant sur Emile. Le jeune cousin de Laure a de fréquens tête à-tête avec elle, dit le jardinier ; ils traitent ensemble une affaire mystérieuse : M. de Préval lui même voudrait les unir. Il y aurait là de quoi mettre martel en tête à un homme moins âgé, moins jaloux que Germeuil, et qui reviendrait d'un pays moins éloigné que l'Amérique. Germeuil récompense libéralement l'indiscret jardinier, et le charge d'espionner la conduite de Laure.

Cependant on arrive de la promenade. Pendant que Laure accueille Germeuil avec tendresse et lui présente son oncle et son cousin, la petite Juliette apperçoit par terre une lettre, la ramasse, et va la remettre furtivement à Germeuil. Ce qui l'engage à cette démarche, c'est qu'elle aime son cousin Emile et voudrait l'épouser. Elle a remarqué, comme le jardinier, les chuchoteries du jeune homme et de Laure ; elle veut troubler leur intelligence qui détruirait tous ses projets, et ne voit pas pour cela de meilleur moyen que de s'adresser à Germeuil lui-même, bien persuadée qu'il fera éconduire le jeune cousin. Ce faux calcul est pardonnable à son inexpérience ; mais Germeuil, à quarante ans, serait inexcusable de le justifier. A peine a-t-il jetté les yeux sur cette lettre écrite de la main de Laure, à peine en a t-il lu les premiers mots : je vais signer le malheur de ma vie, qu'il prend son parti, et se décide à refuser l'offre d'un cœur qui s'immole au lieu de se donner. Laure paraît à l'instant même, et déconcerte d'abord la résolution de Germeuil par ses manières affectueuses, par les choses tendres qu'elle lui dit ; mais il les reçoit avec tant de froideur et d'un air si incrédule, que Laure lui en demande l'explication. Il lui remet alors sa lettre. Laure est un peu piquée ; mais la jalousie a quelque chose de flatteur lorsqu'elle n'est ni furieuse, ni tout-à-fait sans fondement. Laure se contient. Eh bien, dit-elle à part, il faudra jouer la comédie ce soir même ; et elle quitte Germeuil après lui avoir fait promettre de rester au château jusqu'au lendemain.

C'est ici peut-être qu'aurait dû finir la pièce, car le dénouement est déjà prévu. Nos lecteurs ont déjà pu deviner que la lettre qui rend Germeuil si jaloux, n'est qu'une lettre de comédie, une partie du rôle que Laure doit jouer, et le spectateur en a la certitude, puisqu’il a vu cette lettre entre ses mains, dès les premières scènes, puisqu'il a appris d'elle-même, qu'elle a mieux aimé l'écrire que de l'apprendre par cœur. Aussi, dès ce moment, l'intérêt que l'on prenait à l'action a-t-il vivement diminué et a-t-il. fait place à quelques signes d'impatience. D'un autre côté, l'intrigue aurait paru trop simple si elle se fût dénouée aussi brusquement, et c'est sans doute pour cela que l'auteur a cru devoir la prolonger encore. Germeuil est bientôt averti par Juliette, que Laure et son cousin se sont donné un rendez vous ; le jardinier en confirme la nouvelle, et piqué de ne l'avoir pas donnée le premier, il y ajoute de sa tête celle d'un projet d'enlèvement. On annonce que Laure et Emile approchent, car le lieu du rendez-vous est celui où s'est passée toute l'action. Les autres personnages se cachent pour les écouter. Emile et Laure répètent, comme on s'y attend bien, une scène de comédie ; la scène finit par l'enlèvement que le jardinier a si bien deviné ; mais comme on le devine encore, Germeuil et tous les autres se montrent au moment décisif. L'explication alors ne peut plus être retardée. Germeuil est bien convaincu de la sincérité de Laure : on apprend pour plus de sûreté qu'Emile a secrettement épousé une autre Laure, à laquelle son père lui avait défendu de penser, parce qu'elle était pauvre ; Mme de Maineval la lui fait agréer pour belle-fille en la dotant ; et tout le monde est en fin satisfait, à la réserve de Juliette, qui s'écrie avec toute la candeur d'une petite pensionnaire : Encore un mariage, et ce n'est pas le mien ?

Ce mot naturel et comique n'est pas le seul du même genre que l'on trouve dans cet ouvrage. Il est écrit en entier d'un bon ton de comédie ; on y remarque à peine deux ou trois couplets un peu faibles ; la plupart sont pleins de sel et très-agréablement tournés. Les caractères méritent aussi nos éloges ; tous ont une couleur particulière. Ceux de la petite Juliette et de Germeuil sont très-bien tracés. Quelques traits de satyre, qui portent sur les mœurs et non sur les personnes, ont été généralement applaudis. Quelques sifflets ont cependant troublé le dénouement de cette pièce, et nous avons remarqué nous-mêmes qu'il avait le défaut de se faire à deux fois. Peut être l'auteur pourrait-il rendre ce défaut moins sensible, en évitant de faire montrer la lettre par Germeuil à Laure dans leur scène d'explication. Nous croyons, surtout, qu'il ferait ferait fort bien de remettre en prose la scène de comédie que Laure répète avec son cousin et qu'il s'est donné fort gratuitement la peine de versifier. Il est trop invraisemblable que Germeuil, dès qu'il a entendu réciter quatre vers, ne reconnaisse pas sa méprise ; ou bien il faudrait écrire toute la pièce en vers. Nous ne relèverons pas les invraisemblances de l'avant-scène, quoique plus graves ; nos lecteurs, sans doute, les auront déjà remarquées, et d'ailleurs on est moins difficile sur celles-là, surtout au Vaudeville, et l'on a raison. Tout bien compensé, l'Homme de quarante ans, malgré le petit échec qu'il a essuyé, paraît devoir se soutenir avec honneur à ce théâtre, que l'auteur a déjà enrichi de plusieurs ouvrages où l'esprit et la gaieté s'allient avec la décence et le bon ton.                  G.

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