L'Hôtel garni, ou la Leçon singulière

L'Hôtel garni, ou la Leçon singulière, comédie en un acte, en vers, de Marc-Antoine Désaugiers et Gentil,  23 mai 1814.

Théâtre Français.

Titre :

Hôtel garni (l’), ou la Leçon singulière

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

23 mai 1814

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Marc-Antoiine Désaugiers et Gentil

Almanach des Muses 1815 (sous le titre de l'Hôtel garni, ou la Rencontre singulière).

Le colonel Sainville, homme à bonnes fortunes, ou du moins en briguant le renom, fait depuis dix ans la guerre sans donner de ses nouvelles à sa femme qui, très-inquiète de lui, quitte sa province et vient à Paris, espérant que le ministre de la guerre pourra l'instruire du sort de son mari. Le hasard la conduit dans un hôtel garni où loge précisément son mari. De là des scènes très-gaies, très-plaisantes, qui ont assuré le succès de l'ouvrage.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Vente, 1814 :

L'Hôtel garni, ou la Leçon singulière, comédie en un acte, en vers, par MM. Désaugiers et Gentil, Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Français, par les Comédiens ordinaires du Roi, le 23 mai 1814

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1814, tome IV (avril 1814), p. 283-287 :

[Le compte rendu n’est pas pressé d’arriver à l’essentiel, et le début en est riche en digressions, sur l’intérêt des hôtels garnis pour le théâtre (chacun peut y venir, et toutes les rencontres y sont possibles, sous le regard du « maître d’hôtellerie), mais aussi sur les « travers » de chaque âge, travers « dont l'un est presque toujours la conséquence de celui qui l'a précédé ». L’exemple utilisé est celui des hommes de plaisirs, devenus en vieillissant « des fanfarons d'immoralité ». On arrive ainsi (enfin ?) au personnage principal de la pièce, bel exemple de l’oubli de leurs devoirs familiaux qui caractérise de tels hommes. Le compte rendu peut alors raconter l’intrigue, de façon d’ailleurs incomplète, puisqu’après avoir évoqué le dénouement, il introduit une intrigue amoureuse, celle de la fille du colonel et de son amant, amant présenté en même temps que le maître d el’hôtel gatrni, qui est loin d’être aussi important que lui. Ce dernier rôle est très gai et très bien interprété, tout comme celui de la fille du colonel, qui «  a également assurer le succès » d’une scè ne essentielle, où beaucoup auraient échoué. Le critique insiste sur le fait que la pièce échappe à tout reproche de « témérité » grâce à « la délicatesse du style ». Une scène manquée, parce que trop peu piquante (celle où le colonel se moque de l’amant de sa fille). La suppression de quelque longueurs rendrait la pièce encore plus amusante.]

THÉATRE FRANÇAIS.

L’Hôtel garni, ou la Leçon singulière.

Deux titres, deux auteurs : les auteurs hommes d'esprit, connus par d'heureuses saillies de gaîté, et ce qu'on peut appeller des bonnes fortunes théâtrales ; les titres agréablement remplis et justifiés ; en effet, la leçon dont il s'agit ici est des plus singulières ; et, pour la commodité des auteurs, la scène est établie dans un hôtel garni, local dramatique, qui sauve le défaut d'unité, comme celui de vraisemblance, qui permet les allées, les venues, les entrées, les sorties dont le poëte a besoin, qui permet même qu'un maître d'hôtellerie, toujours placé dans un salon commun qui ne peut-être qu'une antichambre, se mêle constamment de la conversation de ses locataires, et soit de leur société.

Il est des leurs de toutes les saisons,
II est des plaisirs de tout âge.

On peut dire aussi que chaque âge a ses travers, dont l'un est presque toujours la conséquence de celui qui l'a précédé : par exemple, parmi les hommes qui ont consacré toute leur jeunesse à la dissipation, qui ont contracté l'habitude des plaisirs faciles, qui se sont fait de la séduction d'abord un vif amusement, puis un jeu, puis une habitude, il en est peu qui ne deviennent en quelque sorte des fanfarons d'immoralité : trop peu courageux pour revenir à la raison qu'ils voudraient cultiver, à la sagesse dont ils sentent le prix, à la vertu même qu'ils reconnaissent et qu'ils honorent en secret, ils nient l'existence de ces heureux fruits de l'éducation et de l'expérience, au lieu de chercher à en jouir à leur tour.

C'est sur-tout à l'égard des femmes, que la plupart de ces hommes, au moment où ils auraient le plus besoin d'indulgence, se montrent le plus injustes et le plus ingrats ; par un étrange calcul de l'amour-propre, par une bizarre disposition de l'esprit, plus ils s'éloignent de l'âge, où l'on plaît sans effort, parce qu'on aime sans artifice, et plus ils veulent faire croire que les conquêtes leur sont ou leur seraient faciles ; ils traitent avec un mépris affecté, un sexe pour lequel ils ont cessé d'être redoutables, et paraissent ne plus croire à la vertu des femmes, précisément au moment où cette même vertu, si elle n'avait qu'eux à combattre, aurait peu de mérite à se défendre.

Tel est le travers que nos auteurs ont judicieusement observé dans le monde, et traduit sur la scène avec beaucoup d'art et d'esprit. Le colonel Sainville est l'un de ces hommes auxquels l'âge de quarante ans, le titre d'époux et de père n'ont encore donné aucun avis salutaire : la guerre l'a entraîné loin de sa famille, qu'il a laissée constamment inquiète sur son sort ; il a acquis à l'armée une haute réputation de bravoure devant l'ennemi, de témérité auprès des femmes ; il a complettement oublié la sienne, jeune encore, et une fille de seize ans, modèle accompli des personnes de son âge. Cependant sa femme a appris dans quelle ville la paix fixe pour quelque temps son séjour ; elle s'y est rendue. Le même hôtel garni a reçu les deux époux, inconnus l'un à l'autre, et déjà, sous un voile favorable à ses desseins, madame de Sainville a pu connaître jusqu'à quel point son mari portait la galanterie d'un premier entretien. Mais cette épreuve n'est pas assez pour elle et pour nos auteurs ; la leçon qui en aurait pu résulter, bornée à la femme seule, est devenue au théâtre une sorte de lieu commun ; il a fallu en imaginer une plus neuve, plus vive et plus difficile à traiter. En effet, conduit habilement dans un piège tendu à son amour-propre, le colonel, pour soutenir un défi fait à sa vanité, écrit un billet à sa propre fille, qui, suivant l'ordre de sa mère, fait une réponse fort tendre ; dans une scène à laquelle l'art des auteurs a enlevé jusqu'à l'ombre de l'indécence, la belle et intéressante Jenny vient en quelque sorte porter cette réponse elle-même, et parler à son père d'un amour sur la nature duquel il craint un peu de se méprendre. Jenny, en effet, en lui protestant qu'elle l'aime tendrement, ne lui dissimule pas qu'elle en aime un autre, et que ce dernier doit être son époux ; la conversation devient embarrassante pour Sainville qui ne sait trop comment concilier avec un tel aveu la candeur et la décence de la jeune personne ; il est sur-tout au comble de l'étonnement quand, pour gage de sa tendresse, elle lui remet son portrait ; .... mais elle s'est trompée.... ce portrait est celui de sa mère. Sainville est à l'instant éclairci, et moins honteux encore de la leçon que charmé de son bonheur, il va tomber aux genoux de sa femme et obtenir son pardon.

Nous n'avons pu placer dans cette courte analyse l'indication de deux personnages, celui de l'amant de la jeune Sainville, adroitement placé pour exciter la vanité du colonel, et celui très-comique du maître de l'hôtel garni, qui, n'ayant reçu qu'une demi-confidence, croit tout ce qui se passe dans sa maison très-peu conforme aux bonnes mœurs ; ce rôle est très-gai, et parfaitement joué par Baptiste cadet, il a singulièrement contribué au succès de l'ouvrage ; Mlle. Mars qui, en parlant de l'âge de Jenny, en a si bien le langage, le ton, la candeur, et la naïveté, a également assuré le succès de la scène délicate que nous avons indiquée ; beaucoup d'autres actrices auraient pu y échouer, et par leur maladresse, faire accuser cette scène de témérité ; mais la délicatesse du style a tout sauvé, et le choix de l'actrice n'a pas été la moins remarquable des preuves de goût que les auteurs ont données. Après cette scène, celle où Sainville, fidèle à son caractère, pouvait si agréablement persifler son prétendu rival, nous a paru manquée sous le rapport de l'exécution ; elle est bien indiquée ; mais elle pouvait être traitée d'une manière plus piquante ; quelques soins nouveaux donnés à cette scène, la suppression de quelques longueurs au commencement de la pièce, peuvent contribuer à en rendre les représentations amusantes et suivies. Les auteurs ont été nommés et très-applaudis ; ce sont MM. Desaugier et Gentil.                      S....

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année, 1814, tome III, p. 160-161 :

[La pièce nous présente un nouveau mari qui a oublié sa famille. L’intrigue est résumée sans commentaire (rien ne montre que le critique en perçoit l’absence d’originalité). Le dénouement sans surprise non plus n’est pas commenté. Simplement la pièce est jugée « assez amusante » (ce qui n’est pas un bien grand compliment), un personnage secondaire mettant involontairement de la gaieté sur la scène. Les auteurs, forts de ce succès, sont invités à oser écrire des pièces plus ambitieuses.

La date du 28 mai, donnée par la revue, est contredite à la fois par la brochure et par le site d ela Comédie Française.]

THÉATRE FRANÇAIS.

L'Hôtel garni, ou la Leçon singulière, comédie en un acte et en vers, jouée le 28 mai.

Le colonel Sainville, homme à bonnes fortunes, est absent de sa maison depuis dix ans. Il a poussé la négligence au point de ne pas donner de ses nouvelles à sa femme depuis quatre ans. Elle apprend que le régiment de son mari est en garnison dans une ville, et elle s'y rend avec sa fille, âgée de 15 ans, dont Blincour est amoureux. Sainville a rencontré le jeune Blincour ; il a médit [sic]des femmes, selon son habitude. Blincour a pris leur parti ; Sainville a parié que, s'il vouloit, il séduiroit en deux visites les Dames qui logent dans l'hôtel garni. Grande dispute ; la parole est donnée pour un duel. Cependant quel est 1’etonnement de Blincour, quand il apprend que ces Dames consentent à voir le colonel. Sainville lui-même est fort surpris de recevoir, de la part de la jeune personne, des aveux fort tendres dès la première entrevue. Un portrait explique tout. C'est celui de sa femme. Il reconnoît Jenny pour sa fille. Pour tourmenter un moment Blincour, il le laisse se livrer à sa jalousie. Une double explication termine les quiproquos et la pièce. Elle est assez amusante. Le maître ds l'hôtel garni, M. Gaillard, homme scrupuleux, et qui, jugeant sur les apparences, voit du scandale dans tout ce qui se passe, contribue à y jeter de la gaieté. Le succès de cet ouvrage doit encourager MM. Désaugiers et Gentil à en donner de plus importans.

La base La Grange de la Comédie Française donne comme date de création de l’Hôtel garni, ou la Leçon singulière, comédie en un acte et en vers, le 23 mai 1814. La pièce a été jouée 119 fois de 1814 à 1847.

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