Les Hommes de la nature et les hommes policés

Les Hommes de la nature et les hommes policés, pantomime en 3 actes, précédée et suivie des Deux sylphes, prologue et épilogue, de J.-G. A. Cuvelier, ballets de Richard, 1er fructidor, an 9 [19 août 1801].

Théâtre de l'Ambigu-Comique.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 9 :

Les Hommes de la nature et les hommes policés, pantomime en trois actes, Dédiée à ceux qui n'entendent pas. Précédée et suivie des Deux silphes [sic], Prologue et Epilogue. Dédiée à ceux qui entendent. Par J.-G. A. Cuvelier, associé correspondant de la société Philotechnique. Représentée; à Paris sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 1er fructidor, an 9.

Tais-toi, ou dis quelque chose qui vaille mieux que le silence.          

Pithagore.                    

Courrier des spectacles, n° 1634 du 2 fructidor an 9 [20 août 1801], p. 2 :

[Après un prologue surnaturel, faisant appel aux sylphes, les génies aériens des Gaulois qui discutent des mérites comparés des hommes de la nature et des hommes policés, la pantomime transporte les spectateurs dans un monde imprécis, fait d'îles exotiques où sauvages et Anglais rivalisent. Une histoire d'amour met en rivalité un « jeune sauvage » et le gouverneur d'une colonie anglaise. L'Anglais enlève la jeune fille, son amant sauvage veut la reprendre et devient même soldat anglais pour cela, et on assiste à l'habituelle séquence d'emprisonnement suivi d'une évasion. La pièce finit par la mort du gouverneur anglais, les deux jeunes sauvages se trouvant réunis. Le jugement porté sur la pièce est caractérisé par l'inégalité entre les actes : l'acte deux « mérite d'être vu », pour « des scènes neuves et délicieuses », très bien jouées par une jeune actrice qu'on a redemandée à la fin, acte dont le seul défaut est de ressembler à l'histoire de Psyché. Par contre l'acte trois est jugé sévèrement, et il a suscité des réactions hostiles. Ballets trop longs, évolutions sans originalité, dénouement ridicule (la foudre tombant sur le gouverneur !). Le succès a été disputé : si les auteurs ont été nommés (mais le critique a oublié le compositeur), c'est au milieu de « marques aigues d'improbation ».]

Théâtre de l'Ambigu-Comique.

Deux Sylphes, dont un donne la préférence aux Hommes de la nature sur les Hommes policés, se placent sur un nuage au-dessus d'une région habitée et par des sauvages et par des européens, et de-là jugent, par l'expérience, des avantages des uns sur les autres. Tel est le sujet du prologue qui étoit annoncé comme devant précéder la pantomime des Hommes de la nature et des Hommes policés, représentée hier pour la première fois à ce théâtre, avec un succès mérité dans les deux premiers actes, et équivoque dans le troisième.

Ohi, jeune sauvage, est préféré par Héa à tous ses autres amans. La cérémonie de leur union s’achève à peine, que le gouverneur d'une colonie anglaise est poussé sur le rivage et près de périr dans les Ilots. On le sauve du naufrage, on le rappelle à la vie ; ses yeux, en s’ouvrant encore à la lumière, voient Héa lui prodiguer mille soins empressés. Soudain il brûle d'amour pour elle, et son vaisseau étant venu aborder au même rivage, il fait enlever la belle sauvage, que Ohi poursuit au milieu des flots. Recueilli dans le vaisseau anglais, il arrive avec le gouverneur à son palais. C’est là qu'Héa , chargée de bijoux, entourée de richesses et d’esclaves, semble se familiariser avec le luxe des Européens, que l’on étale à ses yeux. Ohi la retrouve parmi d’autres femmes ; il a peine à se persuader que c’est son amante. Les bijoux qui la couvrent, les pierreries, les brasselets, tout lui fait croire qu’elle s’est déshonorée. Un regard d’Héa le rassure. Le gouverneur l’engage, sous prétexte de le mettre plus souvent à même de voir son épouse, à prendre l’uniforme de soldat anglais. On l’habille, on lui donne des leçons d’armes et d’exercice ; bref, on l'enrôle. Voila donc Ohi simple soldat anglais. Il surprend le gouverneur usant de violence à l'égard d’Héa. Furieux, il fond sur lui l’épée à la main ; il est arrêté et condamné à mort, comme ayant attenté aux jours de son général. Héa pénètre dans la prison sous l’habit de porte-clef, et engage Ohi, moitié par prière, moitié par menaces, à s’échapper par une lucarne. Pour elle, couverte d'une redingote uniforme et semblable à celle de son amant, elle est conduite pour lui au supplice. Au moment de l’exécution, elle se découvre. Ohi survient avec ses compagnons, repousse les anglais ; mais bientôt, accablé par le nombre, il va périr, lorsqu’un coup de tonnerre frappe le gouverneur anglais.

Le second acte sur-tout de cette pantomime mérite d’être vu ; il est plein de tableaux frais séduisans ; il y a des scènes neuves et délicieuses qu’a rendues avec infiniment d’intelligence mademoiselle Pauline ; aussi cette jeune actrice a-t-elle été redemandée après la représentation. On pourroit peut-être accuser cet acte de ressembler un peu à Psyché, etc., mais c’est un joli défaut. Le dernier acte n’est pas aussi fort ni aussi neuf, il s’en faut : aussi a-t-il excité des murmures. Nous ne parlerons pas de quelque défaut d’exécution ; une première représentation en est rarement exempte. Voici ceux qui nous paroissent avoir nui au succès : la longueur des ballets, qui néanmoins sont bien exécutés, et des évolutions qui ne sont que renouvellées de Victor, le combat des massues contre les fusils, et le dénouement plus ridicule encore amené, par le feu du Ciel, tandis qu’il y avoit mille manières d’en faire un tout naturel.

        On ne s’attendoit guère
A voir
la foudre en cette affaire.

Les auteurs demandés au milieu des applaudissemens et de marques aigues d’improbation, ont ont été nommés, c’est le cit. Cuvelier pour la pantomime et le cit. Richard pour les ballets.

P. J. B. P. G***.          

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