Imagination et Jugement

Imagination et Jugement, vaudeville allégorique en un acte ; 19 janvier 1810.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Imagination et Jugement (ou l’Imagination et le Jugement)

Genre

vaudeville allégorique

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

19 janvier 1810

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

 

Almanach des Muses 1811.

Mercure de France, tome quarantième, n° CCCCXLV du samedi 27 janvier 1810, p. 243-244 :

[Article sans indulgence : le titre de la pièce ne peut que prêter à une plaisanterie qui la ridiculise. Ni jugement, ni imagination dans ces scènes à tiroir. De plus, la pièce est mal écrite, incorrections et trivialités. Couplets bien faibles, dont un seul peut être cité. La pièce a été sifflée et une seconde représentation a été également un échec.]

Théâtre du Vaudeville. L'Imagination et le Jugement,vaudeville allégorique en un acte.

Nous faisions observer il y a quelque tems aux auteurs du Vaudeville qu'une des choses les plus importantes lorsqu'on travaillait pour ce théâtre, était de bien choisir son titre ; mais il ne suffit pas d'en imaginer de très-piquans, il faut aussi prendre garde qu'ils ne donnent lieu à des plaisanteries qui tournent contre l'ouvrage. On a déjà dit que le Vaudeville nouveau était en contradiction avec son titre, qu'on n'y trouvait ni imagination , ni jugement ; et si nous répétons cette plaisanterie, c'est qu'il est aisé de la justifier. Voici la fable de l'ouvrage : l'Imagination a épousé le Jugement, mais ces époux s'accordent mal ensemble ; l'un est froid et réfléchi ; l'autre, vive et légère ; l'Imagination n'y peut tenir, et suivie du Caprice son valet-de-chambre, elle se rend à Paris pour y choisir parmi ses favoris les plus brillans, celui qu'elle jugera le plus digne de remplacer le triste époux qu'elle abandonne. Celui-ci instruit des projets de sa femme, et voulant la dégoûter des hommes inventifs, se présente à elle sous divers déguisemens, tous assez inutiles, et qui auraient pu se réduire à un seul, celui de faiseur de projets; la dame Imagination repousse avec raison tous ces concurrens ridicules, et se réconcilie avec dom Jugement.

Le style de ce prétendu Vaudeville est incorrect et plein de trivialités ; les couplets sont les plus faibles que j'aie entendus depuis long-tems ; une seule citation le prouvera. Un couplet dans lequel l'Imagination parle du pouvoir qu'elle exerce sur les artistes, finit ainsi :

« Et par un effort immortel,
» Grace à mon flambeau, Raphaël
» Devient l'égal d'un Dieu lui-même. »

Qui le croirait ? au défaut d'un autre moins médiocre, ce couplet a obtenu les honneurs du bis.

Ce Vaudeville a eu le sort qu'il méritait ; il a été sifflé à la première représentation ; l'administration en a risqué une seconde ; mais elle n'a pas mieux réussi, et nous devons espérer qu'on ne tentera pas une nouvelle épreuve.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome III, mars 1810, p. 293-297 :

[Encore une pièce qui ne reçoit pas un bon accueil ! Le genre est un peu particulier, la comédie allégorique, avec une intrigue plutôt mince et le recours aux scènes à tiroir (les déguisements successifs du Jugement qui essaie de reconquérir son épouse l’Imagination), le tout au service d’une morale assez naïve (« la douairière est d'une moralité insipide »). La fin se lance dans une assez étrange discussion sur la chronologie telle que la voit le vaudeville : l’auteur ne serait pas « grand chronologiste » ! L’argument est significatif de ce qu’on attend des pièces de théâtre en matière de respect de l’histoire.]

L'Imagination et le Jugement, comédie allégorique en un acte, mêlée de vaudevilles.

Il n'y a dans cette pièce, malgré son titre, ni beaucoup de jugement, ni beaucoup d'imagination. Le peu qu'on y remarque de l'un et de l'autre se trouve même placé à contre-sens ; c'est l'Imagination qui juge, et le Jugement qui imagine. L'intrigue, ou plutôt le cadre (car c'est une pièce à tiroirs) en est assez mince. Le Destin a donné l'Imagination, sa fille, en mariage au Jugement, son fils. Pendant mille ans, leur union a été fort heureuse ; mais enfin l'Imagination s'en est trouvée ennuyée ; elle a quitté les demeures célestes, et est venue chercher un autre époux à Paris. Tandis qu'elle donne audience aux nombreux prétendans qui aspirent à sa main, le Destin et le Jugement arrivent aussi dans notre capitale ; le pauvre époux veut ravoir sa femme ; le sensible père raisonne avec lui sur les moyens de la ramener. Voici celui auquel ils s'arrêtent. Le Jugement, quoiqu'il n'ait jamais joué la comédie, entreprend de se présenter à sa fugitive sous plusieurs noms et plusieurs masques différens ; dans tous ces rôles il montrera de l'imagination et n'aura pas le sens commun, et il se flatte de vaincre ainsi les préventions de sa femme contre cette dernière faculté dont il est le représentant par excellence. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le premier personnage qu'il joue est celui d'un Gascon faiseur de projets ; il paraît ensuite en Arlequin gourmand et gastronome ; puis il prend le rôle d'un plaideur Bas-Normand, qui a eu des procès toute sa vie sans parvenir à se faire juger ; et pour quatrième prétendant, il offre à l'Imagination un M. de l'Extase, géomètre, artiste et poëte, que tant de talens divers n'ont encore pu conduire à rien. La déesse juge assez bien, quoique sans sévérité, toutes ces carricatures, imaginées par son mari ; elle aurait même quelque velléité de revenir à lui, si la honte ne la retenait, et elle prend le parti moyen de rester dans son veuvage volontaire. Mais c'était là que le Jugement l'attendait. Il reparaît bientôt vêtu en douairière, et feignant de raconter sa propre histoire, il fait sentir si bien à l'Imagination les désagrémens de l'état équivoque auquel une femme s'expose en abandonnant son mari, que la déesse toute émue laisse échapper un désir vers le sien. Le Jugement ne pouvait manquer une occasion si belle ; il passe dans la coulisse pour se déshabiller, et revient sous son costume habituel, tomber aux pieds de sa femme, qui se prête de bonne grace à la réconciliation.

Le public n'a pas eu autant d'indulgence ; il était depuis long-temps fort mal disposé pour l'auteur, et il a choisi ce moment pour se brouiller avec lui d'une manière irréconciliable. Il n'a pas voulu écouter un seul couplet du vaudeville, quoique le premier fût chanté par le Destin et le compliment par l'Imagination, rôle que remplissait Mme. Hervey, coiffée à la mexicaine. Il y avait sans doute une grande complaisance de sa part à s'en charger, car elle n'y fait autre chose que servir de compère à Laporte qui jouait le rôle du Jugement. Cet auteur en a fort bien rendu les divers travestissemens et a fait preuve d'une mobilité de physionomie qu'on n'avait pas encore pu lui soupçonner sous son masque d'Arlequin. Mais tout son talent ne pouvait sauver une pièce dont l'ensemble annoncé comme allégorique, ne produit aucun résultat et dont les détails n'ont rien de neuf ni d'agréable. Le Gascon, parmi ses projets, n'en a pas un seul aussi plaisant que celui d'Ormin dans les Fâcheux de Molière ; ce qu'il y a de plus ingénieux dans le rôle du gastronome, c'est une carte de restaurateur mise en vaudevilles. Le plaideur commence par être triste et finit par être graveleux. M. de l'Extase est plus brillant, mais la douairière est d'une moralité insipide. On a vu que l'Imagimation n'était pas trop vive ; et quant à l'inflexible Destin, il s'est montré tout simplement le meilleur homme du monde.

Le public n'ayant pas désiré de connaître l'auteur, tout ce que nous en savons c'est qu'il n'est pas grand chronologiste. Nous fûmes d'abord un peu scandalisés d'apprendre de lui que l'union du jugement et de l'imagination n'avait duré que mille ans ; c'était nous dire, en d'autres termes, qu'avant Charlemagne aucun auteur n'avait fait preuve dans ses ouvrages de l'union de ces deux facultés ; c'était condamner, d'un seul mot, toute la littérature grecque et romaine ; mais nous avons bientôt reconnu que l'auteur n'était pas si cruel envers les anciens, car son Jugement a cité Socrate et Platon, comme Racine et Molière, au nombre des hommes illustres que son épouse et lui ont formés : c'était bien leur rendre justice ; mais c'était aussi les rajeunir de quelques douze cents ans. En vérité, la licence est un peu trop forte : on sait bien qu'il n'est pas nécessaire de savoir la chronologie pour tourner agréablement des couplets ; mais qu'en coûterait-il de consulter un dictionnaire quand on a des époques à citer ? Arlequin aurait pu également se dispenser de nommer Adam parmi les gastronomes, dans une pièce où il est question de Promethée, comme du père des humains, mais nous n'insisterons point sur cette bagatelle ; la pièce est tombée : en profitant de nos observations, l'auteur ne la releverait pas ; elles ne sont qu'un avertissement de mettre plus d'exactitude à l'avenir dans ses citations chronologiques et mythologiques.                      G.

Mémorial dramatique, cinquième année, 1811, p. 131-132 :

Imagination et Jugement, comédie allégorique en un acte, mêlée de vaudevilles. (19 janvier.)

Le public, qui avait du jugement le jour de la première représentation de cet ouvrage, a blâmé hautement l'imagination de l'auteur, et sifflé de manière à ne pas lui donner l'envie d'en rappeler devant un nouveau tribunal.

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