L'Inauguration du Temple de la Victoire

L'Inauguration du Temple de la Victoire, intermède mêlé de chants et de danses, paroles de Baour-Lormian, musique de Lesueur et Persuis, ballets de Gardel, créé à l’Académie Impériale de Musique le 2 janvier 1807.

Académie Impériale de Musique.

Titre :

Inauguration du Temple de la Victoire (l’)

Genre

intermède

Vers ou prose ,

vers

Musique :

oui

Date de création :

2 janvier 1807

Théâtre :

Académie impériale de Musique

Auteur(s) des paroles :

Baour-Lormian

Composteur(s) :

Lesueur et Persuis

Chorégraphe(s) : Gardel

Almanach des Muses 1808.

Chants de triomphe en l'honneur de nos guerriers. De la verve et de l'éclat dans la poésie ; musique savante.

Courrier des spectacles, n° 3614 du 3 janvier 1807, p. 2-3 :

[Inutile de chercher : tout est parfait, de l’hymne de Baour-Lormian, « riche en pensées patriotiques, en sentimens mâles et guerriers » aux ballets de Gardel (cité seulement à la fin), dont « les danses sont d’un style animé et belliqueux », en passant par la musique, qui a ce qu’il faut de solennité et de grandiose. Pour en convaincre le lecteur, l’article décrit le décor et cite quelques exemples du poème de Baour-Lormian, effectivement aux accents mâles et guerriers, tout à la gloire de ceux qui ont vaincu l’ennemi (on voit même leurs drapeaux, allemands, comme il se doit). A l’hymne succèdent les danses « accompagnées d’un chœur guerrier ». Plus que le contenu du ballet, c’est de l’extraordinaire qualité que le critique nous informe, pas de trois d’abord, puis duo (seule endroit où l’on perçoit une réticence, à propos de la grâce des gestes d’une des danseuses, « d’une beauté remarquable », mais qui devrait « donner plus de légèreté à ses mouvements » et arrondir ses mouvements ; le danseur qui l’accompagne est par contre très apprécié), et à nouveau duo avec les Duport frère et sœur, .toute jeune et promise à réussir aussi bien que son frère à l'extraordinaire légèreté. La scène a ensuite été livrée à « des grouppes de danseurs » qui ont « exécuté des pas guerriers d’une belle composition », dus à Gardel. Beaucoup de monde, beaucoup d’enthousiasme.]

Académie Impériale de Musique.

L’Inauguration du Temple de la Victoire.

Les fêtes et les chants de triomphe se succèdent sur nos théâtres, comme les victoires sur le champ de bataille. Les lauriers d’Apollon croissent et se mêlent avec les lauriers de Mars et de nouveaux succès demanderont bientôt de nouvelles hymnes. Ainsi, lorsque les coalitions rallument le flambeau de la guerre, chaque année s’ouvre pour nous au chant de la victoire. L’inauguration de son temple s’est faite avec une pompe digne du premier théâtre de la France. L’hymne composée par M. Lormian est riche en pensées patriotiques, en sentimens mâles et guerriers. La musique est de l’auteur des Bardes et de M. Pe. . . . Elle a de la solemnité et le grandiose que demande le sujet. Les danses sont d’un style animé et belliqueux.

La scène représentoit le vestibule d’un temples antique. On y voyoit un autel et des trépieds, sur lesquels brûloient des parfums. Sur le devant, des poètes couronnés de laurier, se disposoient à chanter ; l’un d’eux s’est avancé, et a commencé le récitatif suivant :

            Reprends ta lyre, Polymnie !
        D'autres exploit veulent d’autres concerts ;
            Rivaux de gloire et de génie,
            Que les prêtres de l’harmonie
Des travaux du Grand Peuple instruisent l'univers.

A ces mots, tous les poètes ont pris leur lyre, et ont exécuté le chœur suivant :

Ils avoient oublié les rapides conquêtes
            De nos braves victorieux,
Et du géant du Nord les cris injurieux
            Menaçoient l’éclat de nos fêtes !
De son trône de glace, à pas précipités,
Il descendoit levant la lance des batailles,
        Et son orgueil rêvoit les funérailles
            De nos bataillons indomptés.

Un autre guerrier, représenté par M. Lainez, est entré en ce moment, suivi de soldats, portant des drapeaux pris sur l’ennemi. On a remarqué que les soldats avoient le costume grec, et qu'ils portoient des drapeaux allemands. Le Guerrier a chanté l’air suivant :

            Aux armes , enfans de la gloire !
            Mars vous arrache à vos foyers ;
            Ne doutez point de la victoire ;
La palme d’Austerlitz orne vos fronts guerriers.
            Une même ardeur vous dévore ;
            Les foudres remis en vos mains
            N'attendent pour gronder encore
Que le signal du chef qui commande aux destins.

Ici ont commencé des danses accompagnées d’un chœur guerrier.

Vestris, Mad. Gardel et Mlle. Chevigny ont dabord exécuté un pas de trois avec un goût et une élégance exquise. Jamais Vestris n’a déployé plus de grâce ; Mad. Gardel plus de perfection ; Mlle Chevigny plus d’ame et de vigueur. Ils ont été remplacés par Henri et Mlle. Saulnier ; couple distingué par l’élévation de la taille et la hauteur des proportions. Mlle. Saulnier est d’une beauté remarquable. Mais elle a besoin de donner plus de légèreté à ses mouvemens, de soigner sur-tout les contours de ses bras, de les arrondir et de les associer à l’action général du pas qu’elle exécute ; car tout doit être en harmonie, dans la personne du danseur. Elle doit sur-tout s’appliquer à effacer les angles qui ont toujours quelque chose de désagréable ; d’ailleurs cette belle artiste est digne d'éloges, de conseils et d’encouragemens. Henri est appelé au genre noble. Sa taille, l’élégance et la souplesse gracieuse de ses mouvemens lui interdisent les tentatives périlleuses, le jeu des pirouettes et les prestiges qui séduisent les yeux, plus qu’ils ne satisfont le goût. Il a mérité les applaudissemens qu’il a reçus.

Duport, le Sylphe des ballets ; Duport, que l'a nature semble n’avoir déposé à terre que par distraction, que l’on croiroit appelé à vivre dans les airs, a paru ensuite avec sa jeune sœur. Quelle légèreté, quels éclairs dans tous ses pas. Mlle. Duport fait de rapides progrès dans la même carrière que son frère, elle a déployé ses brillans talens avec un succès complet. Enfin des grouppes de Danseurs ont couvert la scène. On a exécuté des pas guerriers d’une belle composition, car l’esprit et le goût fertile de M. Gardel se plie à tous les genres. La salle étoit remplie d’un concours nombreux, brillant et choisi, dont les acclamations ont souvent interrompus le spectacle.

L'Esprit des journaux français et étrangers, février 1807, tome II, p. 277-279 :

[Sur un tel sujet, la gloire de nos armées, on ne s’attend pas à un compte rendu très sévère, et on n’est pas déçu. Pas d’intrigue à raconter, mais des extraits de ce que chantent les poètes, avec la description du spectacle de la joie populaire. Les Muses elles-mêmes apparaissent pour chanter les guerriers vainqueurs. Impossible de critiquer un tel spectacle, qui célèbre la victoire de façon noble et imposante. Le ton choisi, ossianique, est celui qui convenait, et on ne pent que louer l’auteur des paroles et les deux compositeurs.

Le monument annoncé sur l'emplacement de la Madeleine, c'est un temple grec à la gloire des armées, qui est devenu l'actuelle église de la Madeleine.]

L'Inauguration du Temple de la Victoire.

On a donné, sous ce titre, un intermède en l'honneur des armées françaises. Le sujet paraît avoir été tiré du programme pour le grand monument que l'on doit élever, à Paris, sur l'emplacement de la Magdelaine.

Le théâtre, dans la première scène, représente le vestibule d'un temple. On y voit des poètes couronnés de lauriers. L'un d'eux chante :

     « Reprends ta lyre, Polymnie !
D'autres exploits veulent d'autres concerts ;
     Rivaux de gloire et de génie,
     Que les prêtres de l'harmonie
Des travaux du grand Peuple instruisent l'Univers »

Les poëtes prennent leurs lyres et chantent en chœur :

« Ils avaient oublié les rapides conquêtes
     De nos braves victorieux,
Et du géant du Nord les cris injurieux
     Menaçaient l'éclat de nos fêtes !
De son trône de glace, à pas précipités,
Il descendait, levant la lance des batailles,
     Et son orgueil rêvait les funérailles
        De nos bataillons indomptés ».

Bientôt, sur l'invocation des poëtes, le Temple de la Victoire s'ouvre. Des parfums y brûlent sur des trépieds antiques ; des guerriers attachent les drapeaux ennemis à ses colonnes. Le peuple y célèbre une fête. Tandis qu'il se livre à la joie et aux danses, les poëtes disent les hauts faits de nos guerriers.Ils appellent sur le Temple de la Victoire, les faveurs des Dieux et le consacrent à la postérité. Les Muses, alors, descendent de l'Olympe ; elles viennent déposer dans le Temple, des tables d'or et d'argent, sur lesquelles sont inscrits les noms des braves. --- Elles inaugurent ainsi le Temple, et chantent en chœur :

        « Temple auguste de la Victoire,
Tu recevras les dépouilles de Mars ;
        Et les couronnes de la Gloire
S'uniront dans ton sein aux palmes des beaux-arts ».

Il me semble que l'on n'avait point encore célébré, à l'opéra, les victoires des Français d'une manière plus noble, plus convenable. Le spectacle est imposant : il y a de la verve dans les vers, et cette couleur ossianique, qui plaît toujours lorsqu'on sait l'employer avec goût. Les vers sont de l'auteur d'Omasis, M. Baour-Lormian. La musique a de la grandeur et de la majesté ; elle est de MM. Le Sueur et Persuis. Nous avons sur-tout remarqué le premier morceau : Reprends ta lyre, et le chant guerrier : Hommage aux enfans de la gloire !        X.

Les Quatre saisons du Parnasse, troisième année, p. 279-280 :

[Devant un aussi grand événement que cette célébration des armées victorieuses (et de leur chef, bien sûr), le poète choisi n’a pas donné satisfaction au critique : il accuse Baour de « composer de mémoire », d’aligner « des idées communes et des hémistiches d'emprunt », certes avec « l'instinct de la phrase poétique et musicale », mais sans le talent qu’il faut pour écrire des vers d’opéra. En conclusion, « il se trompe étrangement, s'il croit improviser la poésie comme Bonaparte improvise la victoire ». Et l’article se clôt sur une longue citation de l’Attila de Corneille, qui contient aux yeux du critique le modèle même du « portrait d’un grand prince ».

Bulletin dramatique.

Premier trimestre de 1807.

Académie Impériale de Musique.

L'Inauguration du Temple de la Victoire.

Intermède, paroles de M. Baour, musique de MM. Le Sueur et Persuis.

Pour chanter un Auguste il faut être un Virgile.

Boileau.

On sent assez que l'Inauguration du temple de la Victoire n'a pu se faire sans rendre hommage aux armées françaises, sans fournir de nombreuses allusions à l'honneur de celui qui les guide. L'impromptu lyrique de M. Baour est une nouvelle preuve de la prodigieuse facilité qu'a ce poëte de composer de mémoire. Par-tout des idées communes et des hémistiches d'emprunt, mais du moins l'instinct de la phrase poétique et musicale. M. Baour devroit s'en tenir aux vers d'opéra. Il se trompe étrangement, s'il croit improviser la poésie comme Bonaparte improvise la victoire.

Le héros du dix-neuvième siècle ne peut être loué médiocrement ; et ce portrait d'un grand prince, tracé par la main du grand Corneille, est tout-à-fait digne de l'un et de l'autre :

Je l'ai vu dans la paix, je l'ai vu dans la guerre
Porter par-tout un front de maître de la terre.
J'ai vu plus d'une fois de fières nations
Désarmer son courroux par leurs soumissions.
J'ai vu tous les plaisirs de son ame héroïque
N'avoir rien que d'auguste et que de magnifique,
Et ses illustres soins ouvrir à ses sujets
L'école de la guerre au milieu de la paix.
Par ces délassements sa noble inquiétude
De ses justes desseins faisoit l'heureux prélude ;
Et, si j'ose le dire, il doit nous être doux
Que ce héros les tourne ailleurs que contre nous.
Je l'ai vu tout couvert de poudre et de fumée
Donner le grand exemple à toute son armée,
Semer par ses périls l'effroi de toutes parts,
Bouleverser les murs d'un seul de ses regards ;
Et, sur l'orgueil brisé des plus superbes têtes,
De sa course rapide entasser les conquêtes.

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