L'Inconnue ou une Femme

L'Inconnue, ou une Femme, comédie en un acte et en prose, par M. *** ; 16 mai 1807.

Théâtre de l'Impératrice.

Le 16 mai 1807, le Courrier des spectacles annonce « la première représentation de l’Inconnu, ou une Femme, comédie en 1 acte, en prose ». Le 18, il publie le compte rendu de la pièce sous le titre réduit de Une Femme.

Titre :

Inconnue (l’), ou une femme

Genre :

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

16 mai 1807

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

***

Almanach des Muses 1808.

L’Almanach des Muses donne à cette pièce le titre de Inconnue.

Une jeune veuve cherche à éprouver son prétendu, qui ne la connaît pas. Elle se présente à lui sous un nom supposé, et s'en fait adorer. Elle lui laisse surprendre bientôt une lettre d'un rival supposé, qui ne paraît pas être moins heureux que lui. L'amant résiste à cette épreuve ; il aime toujours. La jeune veuve paraît alors sous ses yeux sous les habits d'une simple paysanne, et feint de vouloir renoncer à sa main, vû la distance qui les sépare. Il supporte encore cette épreuve en ne témoignant que plus d'amour. La jeune veuve, touchée de tant de délicatesse, lui avoue son véritable nom et s'unit à lui.

Conception fausse, et par trop commune ; style spirituel, mais maniéré. Peu de succès.

Courrier des spectacles, n° 3749 du 18 mai 1807, p. 2 :

[Le numéro de ce jour a une date erronée : il porte le même numéro et la même date que le journal de la veille, et sur l’exemplaire de la collection de Retronews, une main secourable a rectifié : 3749, 18 mai, mais a laissé l’indication dimanche, alors qu’on est lundi.

Le sujet est une sorte d’inversion des rôles, et le début du compte rendu tourne autour d’un grand problème : est-il possible d’accepter d’une femme qu’elle se comporte comme le personnage principal de la pièce ? Après cette mise en garde, le critique entreprend de résumer une intrigue qui n’est qu’une variation sur le thème de la mise à l’épreuve de l’amant par celle qu’il aime (et qui l’aime) pour être sûre de faire un mariage plus heureux que le précédent (car c’est naturellement une jeune veuve). Le pauvre garçon est soumis à de rudes épreuves, celle de la jalousie, celle de la villageoise que sa condition sociale lui interdit d’épouser. Il persiste dans son désir de mariage, et la vérité se découvre : c’est la sœur, tout ce qu’il y a de noble, d’un ami : mariage ! Le jugement porté sur la pièce manque d’enthousiasme : un petit reproche sur l’écriture (« quelques expressions qui ne sont pas toujours de bonne compagnie », une mise en garde sur la difficulté sur ce genre de comédie, qui en général « est froid et prête peu à la gaieté » : n’est pas Marivaux qui veut ! Les interprètes sont excellents. Quant à l’auteur, qui a choisi de rester anonyme, c’est son premier essai.]

Théâtre de l’Impératrice.

Une Femme.

Si toutes les femme ressembloient à celle-ci, à combien d'épreuves ne seroient pas soumis ceux qui aspireroient à leur plaire ? L'héroïne de la pièce nouvelle est pour sou amant un être énigmatique qui veut le soumettre à ses moindres volontés, et qui ne craint cependant pas de 1’effrayer, en se montrant sous tous les déguisemens de la coquetterie, de l’inconstance et même de la fausseté. Il faut, en vérité, que ce pauvre amoureux ait une foi bien robuste pour résister à tant d’assauts ; et remarquez que ce jeune homme est un colonel ! Il se nomme St. Félix ; il a laissé au régiment un ami, officier d un grand mérite, nommé Versac. En arrivant à Paris, il descend dans un hôtel, où il rencontre une jeune veuve, qui, comme de raison, le remarque, et les voilà qui s enflamment l’un et l’autre. La dame est connue, dans l’hôtel, sous le nom de Mad. de Senneterre, et elle n’a encore décliné que ce nom, ou celui de Lucile, devant St.-Félix. Elle est veuve, et voulant être plus heureuse dans les nouveaux liens qu’elle peut former, elle conçoit le projet d’éprouver son amant. D’abord, elle affuble sa gouvernante d’une robe antique, et elle en fait sa tante ; puis elle déclare à St Félix qu’elle veut être obéie en tout et jamais contrariée ; qu’elle se brouillera avec lui, s’il devient jaloux, et en même tems elle laisse tomber à dessein une lettre où le Colonel reconnoît l’écriture de son ami ; elle avoue sa correspondance suivie avec Versac. Un juge du tourment de St.-Félix ; mais ce qui achève de lui tourner la tète, c’est le récit que son valet vient lui faire des aveux qu’il a obtenus de la fausse tante. Elle est convenue de tout ; elle a même ajouté que le portrait de Versac étoit dans la chambre de sa maîtresse. St.-Félix ne peut se contenir ; il veut , au retour de Mad. de Senneterre, éclater en reproches ; elle le désarme par un mot ; il abjure ses soupçons : mais la dame n’a pas encore terminé ses épreuves ; elle lui avoue qu’elle n’est pas Mad. de Senneterre ; et, dépouillant la robe qui la couvre, elle se trouve métamorphosée en jeune et fraîche villageoise qui se nomme Marianne. Elle déclare qu’elle renonce à St.-Félix, vû la distance qui la sépare de lui ; mais le colonel est tellement enlacé dans ses filets, qu’il ne veut plus la quitter. Qu’elle soit Marianne ou Lucile, il prétend l’épouser. Assurée alors de l’efficacité de ses épreuves, elle avoue son véritable nom : elle est Mad. de Vernance, sœur de Versac. On juge bien que St.-Félix est au comble de la joie, et qu’il mande aussi-tôt le notaire.

Cette petite comédie est écrite avec facilité ; on y trouve quelques expressions qui ne sont pas toujours de bonne compagnie ; mais il y a des mots heureux, et le germe d’un talent estimable. En général ce genre de comédie est froid et prête peu à la gaieté. Il faut pour soutenir et réchauffer des sujets pareils, l’esprit de Marivaux.

La pièce est jouée d’une manière très-agréable. Clozel et Mad. Delille ont lutté de talent dans les rôles de St.-Félix et de Lucile. Picard jeune fait valoir avec esprit son petit rôle de valet, et Mad. Pélicier soutient dans celui de la fausse tante la réputation qu’elle s’est acquise dans 1’emploi des Duègnes. Cet ouvrage est le premier essai d’un jeune homme qui a désiré garder l’anonyme.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an 1807, IIe trimestre, n° 16 (1er juin 1807) p. 437 :

[Certains « demandaient l'auteur à grands cris » (une claque, sans doute), et on leur a seulement dit que c’était un jeune auteur débutant désirant rester anonyme. Si c’est bien un débutant, il a droit à l’indulgence qu’on prête à ceux qui sont dans ce cas, mais son œuvre a peu de mérite : ni action, ni caractères dans sa comédie, un sous-titre ridicule. Deux considérations générales : ce jeune homme a besoin d’étudier son art, « les hommes et les bons modèles » s’il veut reparaître. Et il faudrait aussi qu’on cesse de permettre « ces débuts trop ambitieux » : il s’agit d’« arrêter le débordement des ouvrages médiocres, forcer le talent, s'il existe réellement, à se perfectionner et la sottise à se taire tout à fait » (propos tout à fait sévère !).

Théâtre de l'Impératrice , rue de Louvois.e

L'Inconnue, ou une Femme, en un acte, en prose.

Cette pièce, a-t-on dit à ceux qui, je ne sais pourquoi, demandaient l'auteur à grands cris, est le début d'un jeune homme qui désire garder l'anonyme. A la bonne heure ; si c'est réellement un jeune homme et un premier ouvrage, il ne faut pas décourager le talent naissant ; mais il faut pourtant lui dire que sa pièce n'en montre qu'un germe imperceptible, qu'on ne fait pas des comédies sans action et sans caractères, que son second titre est ridicule, et que s'il veut un jour renoncer à l'anonyme que cette -fois il a gardé très-prudemment, il faut qu'il étudie son art, les hommes et les bons modèles avant de risquer ses productions sur la scène. C'est en s'opposant avec sévérité à ces débuts trop ambitieux que l'on peut désormais arrêter le débordement des ouvrages médiocres, forcer le talent, s'il existe réellement, à se perfectionner et la sottise à se taire tout à fait.                          L- C.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 12e année (1807), tome III, p. 205-206 :

[Le compte rendu commence par un résumé de l’intrigue (une intrigue pas trop convaincante). Le jugement qui suit souligne le caractère romanesque de ce fond, et la froideur de son traitement. Pas un trait comique. Le public a »écouté patiemment », et la demande indulgente du nom de l’auteur n’a pas été satisfaite : juste « un jeune débutant qui souhaitait garder l’anonymat.]

L''Inconnue, ou une Femme.

Cette femme inconnue paroît dans une auberge, sous le nom de Madame de Senneterre ; elle captive Saint-Félix, jeune officier, an point qu'il lui obéit aveuglément et lui promet de l'épouser, quoiqu'elle ait une fausse tante ; que les lettres et le portrait d'un jeune homme, des inconséquences marquées, et en un mot toutes les apparences, fassent croire qu'elle est au moins d'une conduite assez suspecte. Elle parle beaucoup d'épreuves dans ses a parte, et en effet, elle vient dans le déguisement d'une paysanne, se dit femme-de-chambre, et prétend qu'éprise de Saint-Félix, elle l'a suivi dans le dessein de s'en faire aimer; mais qu'elle est trop franche pour lui cacher plus longtemps qu'elle n'est que Marianne. Saint-Félix a le courage de tenir sa parole; alors la prétendue Marianne lui apprend qu'elle est mademoiselle de Versac, sœur de son ami, et lui donne sa main pour récompense de son amour.

Ce fond romanesque est traité froidement ; il n'y a pas un seul trait comique dans le dialogue ; aussi l'auditeur a-t-il écouté tranquillement. On a répondu à quelques voix indulgentes qui demandaient l'auteur, que c'étoit un jeune homme qui desiroit garder l'anonyme, et dont cet ouvrage étoit le premier.

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