L’Indécis

L’Indécis, comédie en un acte en vers, de de Charbonnières, 17 novembre 1812.

Théâtre Français.

Titre :

Indécis (l’)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

17 novembre 1812

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

de Charbonnières

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Vente, 1812 :

L’Indécis, comédie en un acte et en vers, Par M. de Charbonnières, Chevalier de l’Empire et membre de la Légion d’honneur, auteur de la traduction en vers français de l’Essai sur la critique de Pope, Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre Français, le 17 Novembre 1812.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 17e année, 1812, tome VI, p. 169 :

[Tout est contre cette pièce : elle est la réduction maigre et mesquine d’une belle pièce d’autrefois (l’Irrésolu des Destouches, jouée en 1713, et reprise jusqu’en 1776, selon la base César). Une intrigue d’une inconsistance remarquable (le bref résumé qui en est donné le montre bien (« On ne sait trop comment ce miracle s'opère »). Un succès qu’il faut bien attribuer aux interprètes, puisque « cette foible production a réussi », et ce ne peut être, pour le critique, par ses ressources propres, mais plutôt par le jeu des interprètes.]

THÉATRE FRANÇAIS.

L' Indécis, comédie en un acte et en vers, jouée le 17 novembre.

L'Indécis n'est autre chose que l'Irrésolu de Destouches, réduit de cinq actes à un : mais il y a loin de la manière vigoureuse et comique dont l'ancien ouvrage est traité, à la maigreur, à la mesquinerie de la nouvelle production. On pourra s'en convaincre en relisant la comédie de Destouches, et en voyant la pièce de M. DE CHARBONNIÉRES. Voici en peu de mots comment il a traité son sujet.

Damis doit épouser Dorimène; mais craignant et souhaitant à la fois le mariage, il veut et ne veut pas conclure. Un médecin qu'il consulte lui répond, selon les raisons qu'il lui expose : Mariez-vous, ou bien ne vous mariez pas. Le frère de Dorimène qui a l'air d'être le maître dans la maison, le presse vainement de se décider. Enfin sa maîtresse le détermine en lui envoyant un cartel au nom de son frère. On ne sait trop comment ce miracle s'opère, mais enfin il tombe aux pieds de Dorimène, et il obtient sa main.

Cette foible production a réussi, grâce au jeu d'Armand, de Thénard et de Mademoiselle Mars.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1813, p. 266-272 :

[L’Indécis s’inspire de l’Irrésolu de Destouches (comédie en cinq actes et en vers, Théâtre Français, 1713), et c’est donc d’abord de la pièce de Destouches qu’il est question, plutôt pour en montrer les insuffisances. Le principal reproche qui lui est fait est de ne pouvoir montrer l’irrésolution que par des récits d’événements antérieurs. Conscient de l’échec de sa pièce, Destouches l’a d’ailleurs corrigée, mais elle n’a pas reparu sur le théâtre. Le conseil de Laharpe de refaire la pièce en un acte est mis en œuvre par l’auteur de l’Indécis, mais c’est une imitation en un acte plutôt qu’une copie. L’indécision du personnage principal n’est pas entre plusieurs femmes, mais sur le choix de se marier ou non avec celle qu’il « estime ». Les consultations auprès de son entourage ne lui permet pas de se décider. Parmi ses conseilleurs, sa maîtresse est obligée de recourir à la ruse pour obtenir qu’il se décide enfin, ce qui conduit à un dénouement que le critique estime invraisemblable et peu piquant. Le public attendait une fin plus subtile. Néanmoins, la pièce a réussi, et l’auteur a été nommé. Le jugement porté sur la pièce est ambigu : il y a beaucoup de Destouches dans la pièce nouvelle, même si elle contient des idées propres à l’auteur, plutôt bien exprimées, et parfois vraiment comiques. Mais le critique pense que la mise en un acte de la pièce de Destouches reste à faire (ce n’est pas positif pour l’auteur de la pièce nouvelle !). La comparaison des portraits des deux personnages principaux n’est pas défavorable à l’auteur de la pièce nouvelle. Reste à parler de l’interprétation. Pas de nom d’acteur, mais un reproche appuyé : le texte était mal su, et ce genre de négligence est indigne de la Comédie Française. Cette petite pièce devrait connaître une carrière passagère, mais encourageante pour l’auteur qui doit prendre confiance dans ses propres forces (plutôt que de copier ?).]

THÉÂTRE FRANÇAIS.

L'Indécis.

J'aurais mieux fait, je crois, d'épouser Céliméne.

C'est par ce trait excellent de caractère que Destouches a terminé le portrait de son Irrésolu ; et ce vers est à-peu-prés le seul de cette pièce qui soit resté dans la mémoire. Il y en a pourtant un grand nombre de spirituels et de piquans ; l'ouvrage renferme d'excellentes scènes ; on les lit avec beaucoup de plaisir, mais la représentation de l'ouvrage lui-même ne serait peut-être pas supportable ; il y a des longueurs, du vide ; l'ouvrage est froid ; il n'est susceptible d'aucun intérêt : le caractère principal n'est pas saillant ; c'est la nuance d'un caractère plus qu'un caractère même ; et Destouches n'ayant guère présenté son Dorante irrésolu, que sur le choix des trois femmes à la main desquelles il peut aspirer, on a dû lui reprocher avec raison de n'avoir offert dans ses cinq actes qu'une seule et même situation.

Destouches avoue ingénuement que, lorsqu'il entreprit ce sujet, il se trouva lui-même fort irrésolu sur la manière dont il le traiterait. Il eut d'abord le dessein de mettre en action un grand nombre d'incidens propres à caractériser son héros : il devait le faire paraître d'abord en petit collet, puis lui faire endosser la robe, enfin lui faire prendre l'épée ; mais un homme aussi judicieux que Destouches ne devait pas tarder à s'appercevoir que le sujet traité de cette manière, était la matière d'un roman, qui peut embrasser la vie d'un homme, et non d'une comédie qui veut une seule action renfermée dans un très-court espace de temps. Il renonça donc à cette idée ; il se contenta de faire le portrait de son Irrésolu, par le récit de diverses circonstances antérieures à l'action ; mais il ne fut pas le dernier à sentir aux représentations la solidité d'une des maximes d'Horace, si souvent répétée, et dont je ne citerai que les premiers mots : Segniùs irritant animos, etc., etc. Destouches averti par le peu de succès de son ouvrage, qu'il avait besoin de plus de variété et de mouvement, y apporta de nombreuses corrections ; dans ses derniers actes, il mit en action le projet de Dorante de changer d'état, et le montra bien tel qu'il doit être, constant en une seule chose, l'irrésolution. L'auteur comptait sur un heureux effet de ces changemens, si son Irrésolu était remis au théâtre ; je ne pense pas qu'il l'ait été, et qu'il le soit désormais tel qu'il est imprimé.

M. de La Harpe, en parlant de cet ouvrage a donné le conseil de le réduire eu un acte : sans se borner uniquement à ce travail qui exigerait du goût et de l'habitude, mais qui toutefois ne serait que celui d'un abréviateur, l'auteur de l’Indécis, comédie nouvelle, qui vient d'être donnée au Théâtre-Français, a suivi le conseil dont il s'agit ; sa pièce n'est pas une copie de l’Irrésolu mais elle en est une imitation, et elle en présente, en quelque sorte, l'extrait et l'abrégé. L'Indécis ne balance pas entre trois femmes : parmi toutes celles qu'il peut connaître, il n'en aime, il n'en estime qu'une seule, il l'avoue franchement, et le déclare positivement ; aussi l'objet d'un hommage si exclusif lui répond-il très-spirituellement, que c'est à cet égard seulement qu'un peu d'indécision lui serait permis, et qu'il sort de son caractère d'une façon peu honorable pour le sexe. Quoi qu'il en soit l’Indécis n'hésite pas entre une maîtresse et une autre, mais il hésite beaucoup à savoir s'il demeurera son ami, ou s'il deviendra son époux. Voilà le seul rapport, le seul jour sous lequel est placé le développement de ce caractère, qui, comme on le voit, consiste uniquement à n'en point avoir.

Dans son incertitude, notre homme consulte son valet, la femme-de-chambre de sa maîtresse, un médecin, personnage trop épisodique, qui tout-à-la-fois docteur tant pis, et docteur tant mieux, répond comme es cloches de Panurge : mariez-vous, ne vous mariez pas. Il consulte sa maîtresse elle-même, qui veuve riche, jeune, spirituelle et jolie, paraîtrait bien en droit de prétendre aux hommages d'un homme un peu plus décidé. Cette femme se trouve à-peu-près dans la situation de la comtesse du Legs ; mais dans cette pièce de Marivaux, la comtesse ne combat dans son amant, que la timidité ; en employant toute son adresse pour triompher de cette timidité, son amour-propre de femme est tout-à-fait à couvert. Il n'en est pas de même ici, et plus d'une femme a dû, à cette représentation, trouver bien indulgente, et douée d'une assez rare patience, celle qui consent à entendre si souvent un non succéder à un oui, qui se voit donner, reprendre, restituer une promesse de mariage, et qui enfin pour réussir à obtenir ce oui solennel après lequel il n'y a plus d'indécision, est forcée de recourir à un artifice qui la met nécessairement elle et son irrésolu, dans une assez équivoque position. Voici quel est cet artifice. Elle suppose une lettre de son frère qui, las des lenteurs de l’Indécis, fait à ce dernier, le compliment d'un des Hamilton, au fameux chevalier qui, en quittant Londres, avait, par distraction, oublié d'épouser leur sœur. Le cartel est de la main de la dame, et quand les deux hommes sont en présence, il en résulte un quiproquo assez amusant. Il est même piquant de voir que par suite de cette ruse, l’Indécis est amené à refuser, de peur de paraître n'accepter que par crainte de se battre. Cette idée entraînait l’auteur dans une fausse route ; il s'est hâté d'en sortir par une explication trop brusque, qui amène le dénouement d'une manière invraisemblable et peu piquante. Quelques murmures ont témoigné à l'auteur que les scènes précédentes avaient fait espérer un jeu plus brillant du ressort qu'il avait préparé. Cependant son ouvrage a réussi, il a été demandé et nommé ; c'est M. Charbonnières, neveu du plus illustre de nos poëtes, et aux efforts duquel nous avons récemment donné des éloges mérités, lorsqu'il a fait paraître sa traduction de l’Essai sur la critique.

Destouches l'a beaucoup servi ; il a remanié et reproduit beaucoup d'idées de son modèle ; mais il en a qui lui sont propres, et qui sont agréables et ingénieusement exprimées ; sa versification a paru facile, naturelle, et dans quelques vers des traits comiques resserrés avec justesse et précision ont été vivement applaudis. Il n'en demeure pas moins vrai que l’Irrésolu de Destouches remis en un acte, dans lequel on pourrait facilement conserver cinq ou six scènes très-bien faites, deviendrait une pièce agréable à la représentation, et les comédiens devraient peut-être s'en occuper : voici le portrait de l’Irrésolu ; c'est le Valet qui parle :

                    Il réfléchit, il pense,
Il me chasse , il m'appelle, il est assis, debout,
Il court, puis il s'arrête, il balance, il résout,
Il est joyeux, rêveur, plaisant, mélancolique,
Il approuve, il condamne, il se tait, il s'explique,
Il sort de la maison, il y rentre aussitôt,
Il veut , il ne veut plus, ne sait ce qu'il lui faut....

M. Charbonnières a aussi tracé le portrait de son indécis,et je crois qu'il a réussi à y éviter les trops [sic] nombreux il de celui-ci : ce portrait a été fort applaudi ; cependant quand il le termine par dire de son personnage,

Qu'entre vivre et mourir il ne choisirait pas,

le trait, quoique très-applaudi, a pu paraître un peu fort de comique, et ou a pu lui dire comme dans les Etourdis : Ah vous brodez, monsieur.

La pièce pourra être mieux jouée aux représentations suivantes ; on a remarqué quelques défauts de mémoire, quelques vers d'une construction étrangère à celle qu'avait suivi l'auteur ; et, pour le dire en passant, c'est un défaut sur lequel la comédie française ne saurait être trop avertie, parce qu'il est de son honneur de ne le jamais laisser appercevoir. On peut au reste préjuger quelle sera la nature du succès de ce petit ouvrage ; agréable, mais passager, ce succès ne peut être considéré que comme un premier pas ; mais il ouvre la carrière, et les écrivains qui s'y présentent avec la connaissance du monde, le ton de l'élégance et de l'urbanité, méritent bien qu'on les invite à y pénétrer avec plus de confiance dans leurs forces, et avec des moyens plus développés.                         S.......

La base la Grange de la Comédie Française crédite l’Indécis de 4 représentations, toutes en 1812. Elle indique aussi l’existence d’un autre Indécis joué à la Comédie Française, le 2 août 1759, et qui n’a connu qu’une représentation. Il s’agit d’une comédie en 5 actes et en vers, de Dufaut.

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