L'Intrigue aux fenêtres

L'Intrigue aux fenêtres, opéra bouffon en un acte, paroles de Bouilly et Dupaty, musique de Nicolo ; 6 ventose an 13 [25 février 1805].

Théâtre de l'Opéra Comique.

Titre :

Intrigue aux fenêtres (l’)

Genre

opéra bouffon

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

6 ventôse an 13 [25 février 1805]

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Bouilly et Dupaty

Compositeur(s) :

Nicolo

Almanach des Muses 1806.

Imbroglio très-gai, et d'un genre neuf. Musique agréable et piquante.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an xiii – 1805 :

L'Intrigue aux fenêtres, opéra bouffon en un acte, Paroles de MM. Bouilly et Emm Dupaty, Musique de M. Nicolo-Isouard ; Représenté pour la première fois à Paris, sur le Théâtre de l'Opéra-Comique, le lundi 6 ventôse an xiii (1805).

Courrier des spectacles, n° 2915 du 8 ventôse an 13 (27 février 1805), p. 2-3 :

[Au moment de rendre compte de l’Intrigue aux fenêtres, le critique prévient : pas de surprise à attendre d’une pièce portant un tel titre : tout est prévisible : c’est « une petite intrigue d’amour » où les fenêtres jouent pleinement leur rôle de dévoilement de ce qui se passe à l'intérieur de la maison. Parce qu’il y a une belle intrigue classique, avec un père, une jeune fille, aimée par un jeune homme sans fortune, et un prétendant choisi par le père parce qu’il le juge plus fortuné. Inutile de dire que les rebondissements sont nombreux, qu’un valet sauve la mise du jeune homme, que tout finit comme il fallait : l’homme choisit parle père a des dettes, le jeune homme hérite et fiat l’échange : il paie la dette de son rival si celui-ci se retire, et le mariage prévu dès les premières répliques devient possible. Bilan : inutile de « disputer ici sur les règles de l’art et sur les principes de la vraisemblance », il s’agit d’une pièce de carnaval, où tout est permis. La pièce est gaie, et elle accompagnée d’une « musique pleine de variété, de charme et de goût », dont l’auteur est cité : M. Nicolo. Les interprètes sont tous excellents, et même Jausserand, pourtant malmenés récemment a été applaudi. Il ne manque qu’un nom, celui de l’auteur. Oubli ou silence volontaire ?]

Théâtre de l’Opéra-Comique.

L'Intrigue aux Fenêtres.

On conçoit facilement ce que peut être une intrigue aux fenêtres. On devine sur-le-champ qu’il s’agit d’une jeune demoiselle qu’un vieux tuteur jaloux, ou un père avare tiennent renfermée dans la maison, qui doit épouser ou le tuteur, ou quelque personne bien ridicule que l’avarice du père lui a ménagé pour ses plaisirs. Les grandes intrigues,celles qui tiennent à l’ambition, aux intérêts d’état, ne se passent pas aux fenêtres. Ceux qui les ourdissent s’enveloppent du mystère et ne livrent point aux vents et aux passans le secret de leurs résolutions.

L'Intrigue aux Fenêtres n’est donc qu’une petite intrigue d’amour. Mais les fenêtres y sont de la plus grande importance.

Constance est une jolie et jeune personne qui a l’avantage d’avoir pour père un de ces vieux militaires qui vantent beaucoup les prouesses de leur jeune âge ; qui se croyent en garde contre toute espèce de surprise, et se regardent comme si sûrs de leur tactique, qu’ils négligent les précautions les plus simples et les plus raisonnables, tant ils se fient à la profondeur de leur génie. Ce bon officier invalide, qui se nomme la Palissade, est fort lié avec un jeune étourdi de son régiment, nommé Floricourt. Constance aimeroit beaucoup Floricourt, mais comme il est sans raison et sans fortune, son père en ordonne autrement. C’est un M. Satinet qui lui est destiné pour époux, et ce M. Satinet est un marchand de papiers peints du faubourg Saint-Antoine. C’est un personnage raisonnable, d’une cinquantaine d’années environ, et bien pourvu de tous les ridicules qu’on peut ne pas avoir à cet âge, mais qu’on a toujours au théâtre.

Comme Floricourt poursuit vivement la belle Constance et que ses assiduités pourroient nuire aux vues de M. de la Palissade, le bonhomme a pris le parti de changer de quartier et de nom, et de transporter sou domicile, du Petit-Carreau à la rue du Musc, en transformant le nom de la Palissade eu Renardin.

Voilà donc, d’un seul coup, deux amans dépaysés, Floricourt et Constance : mais des amans trompés en savent bien autant que ceux qui les trompent. Floricourt découvre le nouveau domicile de la Palissade, se rend dans la rue du Musc, s’y loge dans un hôtel garni, demande son vieil officier de porte en porte, et, ne le trouvant pas, parce qu’il a changé de nom, prend un parti désespéré. Son valet rassemble un certain nombre d’hommes qui crient au feu : aussitôt toutes les fenêtres de s’ouvrir, toutes les têtes de se mettre aux fenêtres, et M. Renardin de s’y montrer comme les autres.

Cet effet de scène est assez plaisant ; les costumes des personnes qui se montrent aux croisées, le tumulte de la rue, l’arrivée de la garde, tout cela produit un mouvement et un désordre rendu d’une manière très-comique.

Floricourt, sûr de son fait, n’est plus occupé que de rétablir ses intelligences avec Constance, et de prendre quelques renseignemens sur les vues de la Palissad  : il apprend bientôt que la jeune personne est menacée d’épouser dans la journée M. Satinet, le marchand de papier ; que M. Satinet est déjà dans la maison pour signer le contrat, et que tout est perdu, s’il ne fait diligence. Son valet se charge de tout ; il fait sortir M. Satinet, sous prétexte de lui faire fournir une tenture complette de papiers pour la sous-préfecture de Villers-Cotterets. Floricourt se met à sa croisée, qui est voisine de celle de Constance, et lui chante un air qu’elle connoit ; les deux amans s’entendent, et l’on convient d’un enlèvement. Mais le père Renardin a aussi tout entendu ; il fait retirer sa fille, se place dans la chambre qu’elle occupe avec un valet son portier, donne à l’heure convenue tous les signaux indiqués, jette le ruban qui doit servir à monter l’échelle de corde, l’attache avec soin, et se retire aussitôt que Floricourt commence à monter. L’étourdi, arrivé à la chambre de Constance, n’y trouve plus personne ; il entend les verroux se fermer sur lui, et se reconnoît dupe de la prévoyance du vieux capitaine.

Fier de sa victoire, la Palissade quitte la maison, après avoir remis sa fille entre les mains d’une antique tante nommée Gertrude, et pris toutes ses précautions pour qu’on n’admette personne dans la maison en son absence. Floricourt, seul et enfermé, se trouveroit dans un assez grand embarras, s’il n’avoit un valet qui le tire à propos des plus périlleuses occasions. Ce valet se présente comme venant de la part de M. Satinet, et apportant la corbeille de noces : en ce moment, Floricourt fait un bruit horrible dans sa chambre et menace de tout briser ; la vieille tante est saisie de frayeur ; le valet offre de mettre le tapageur à la raison, on le fait entrer, il délivre son maître, Constance fuit avec lui, et la tante aux abois crie de toutes ses forces pour appeller du secours : nouveau tumulte dans le quartier, nouvelle arrivée de la garde ; M. Satinet vient dans ce moment, la Palissade revient de son côté, et enfin tout se débrouille et se termine ici. Floricourt reparoît avec Constance, et .révêle la conduite et la situation de M. Satinet. Il apprend à la Palissade que cet honnête marchand de papiers ne pressoit son mariage avec Constance que pour employer sa dot à l’acquittement d’un effet de dix mille livres, qu’il est hors d’état de payer. Il présente l’effet, déclare qu’il ne fera point de poursuites si M Satinet renonce à la main de Constance, et annonce en même tems qu’il vient de recueillir une succession honnête et d’être élevé au grade de capitaine. Ces considérations déterminent la Palissade, qui donne sa fille à Floricourt.

Il ne faut point disputer ici sur les règles de l’art et les principes de la vraisemblance, car les auteurs ont annoncé qu’ils n’ont voulu faire qu’une folie de carnaval.

Il y a dans cette pièce un grand fonds de gaieté, beaucoup de variété et de mouvement dans l’action, et plusieurs de ces surprises et de ces effets de scène qui réussissent toujours auprès des spectateurs. Mais ce qui en fait le mérite principal, c’est qu’elle est enrichie d’une musique pleine de variété, de charme et de goût. C’est une des plus spirituelles et des plus gracieuses productions de M. Nicolo.

La pièce est jouée avec beaucoup de talent par Juliet dans le rôle de M. Satinet, par Chenard dans celui de la Palissade, par Martin dans celui de valet, et par Jausserand dans celui de Floricourt. Les nombreux applaudissemens que le public a prodigués avant-hier à cet estimable acteur, l’ont dédommagé d’une manière bien flatteuse de l’injuste désagrément qu’il avoit éprouvé il y a quelques jours. Mad. Moreau dans le rôle de Constance et Mad. Gonthier dans celui de Gertrude ont achevé de rendre cette représentation très-agréable. Lesage est aussi très-gai dans son rôle de portier.

La Revue philosophique, littéraire et politique, treizième année de l'ère française, IIe trimestre, n° 17 (20 Ventose. (10 Mars 1805.), p. 496-498 :

[[Article repris dans le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, germinal an XIII [mars 1805], p. 265-269.

Le compte rendu est bien long pour une pièce de carnaval. Il s’ouvre par une analyse de l'intrigue, une affaire de jeune fille qu’on veut marier contre son gré, et d’amant qui cherche à enlever sa bien aimée, avec l’aide d’un valet qui invente un moyen simple de savoir où se trouve la jeune fille. Le résumé qu’en fait le compte rendu est aussi précis que confus, et le jugement est assez sévère : elle ne manque ni d’originalité, ni de bruit et de mouvement, elle n’est ni vraisemblable, ni convenable (pour certains détails). Mais la pièce doit être vue comme une « divertissante facétie ». Les auteurs n’ont reculé devant aucune facilité (travestissement, accent populaire), avec le concours d’un compositeur « qui a verni leur bluette du plus aimable coloris ». D’où un succès « complet et sans contradiction ».]

L'Intrigue aux fenêtres, opéra-Bouffon, en un acte.

Un vieux capitaine réformé avait promis sa fille Constance à un jeune officier : des raisons d'intérêt et de convenance l'ont déterminé sans doute à changer d'avis et à promettre cette jeune personne à M. Satiné, marchand de papiers du faubourg Saint-Antoine, qu'il croit riche et rangé ; pour éviter les reproches et les éclats de son jeune ami, il a changé de logement et pris une habitation rue du Petit-Musc, avec la précaution de changer aussi son. nom de la Palissade en celui de Renardin. Floricour (ainsi s'appelle l'amant éconduit mais aimé) parvient à savoir que la Palissade est dans la rue du Petit-Musc ; mais le changement de nom rend sa recherche inutile. Ennuyé de frapper vainement à toutes les portes, le valet de Floricour, l'industrieux Lorange, imagine l'expédient plaisant d'ameuter, en les payant bien, quelques commissionnaires du quartier et de crier au feu. Le tumulte indispensable que cause cette alerte, fait mettre tous les habitans de la rue aux fenêtres, et par ce moyen il s'assure de la demeure et de la situation des appartemens de la Palissade, de Constance et des domestiques. Le premier pas est fait : éloigner le rival est le second. Le fidèle Lorange en vient à bout, en lui persuadant qu'il est chargé d'une commande de 300 rouleaux de papier pour l'ameublement d'un grand établissement ; il l'entraîne ainsi hors de la maison de la Palissade pour quelques momens. Pendant ce tems, Floricour loue une chambre garnie auprès de l'appartement de Constance, et l'avertit en chantant quelques airs connus d'elle : c'est encore un acheminement ; mais par malheur la Palissade a éventé la mèche. Il se glisse dans la chambre de Constance qu'il a soin d'en faire sortir. Là, faisant semblant de répondre sur la harpe aux galantes provocations de Floricour, il l'encourage à tenter l'escalade par une échelle de corde. Dès que Floricour, dupe de son étourderie, s'est introduit dans la chambre de Constance, la Palissade, tout fier de sa victoire, l'y enferme, fait enlever l'échelle par un balcon qui se trouve contigu, et charge Loquinet, espèce de portier niais, de veiller sur ce balcon à ce que le prisonnier ne puisse s'échapper. C'est en vain que celui-ci menace son inflexible geôlier ; c'est en vain qu'il supplie une vieille tante de sa maîtresse ; tout est inexorable, et l'on veut pour le punir qu'il soit témoin du contrat qui doit se signer au retour de M. Satiné : mais l'actif et fidèle Lorange ne perd pas la tête, il revient comme député de M. Satiné, apporter des échantillons de papiers à nid d'amour pour la vieille duègne, et une corbeille de mariage pour la future. Il a soin d'avertir son maître qu'il fasse en dedans un vacarme effroyable. La peur s'empare de la duègne et de Loquinet : ils croient prudent d'introduire Lorange, dont ils ne se méfient point, pour opposer un homme de plus aux transports furieux de l'officier. Lorange monte, trouve le moyen d'amener Loquinet et la tante sur le balcon, les y enferme, délivre Floricour et Constance, et veut les faire échapper ; mais la Palissade et Satiné rentrent enfin : on croit les ravisseurs perdus, lorsque par des moyens dont la connaissance est dérobée au public, parce qu'ils se passent dans l'intérieur de la maison, nos intrigans, au.lieu d'être pris, ont trouvé le secret d'enfermer la tante, le père, le futur et le portier chacun à part dans sa chambre : ils se montrent furieux à leur fenêtre : leurs cris ramènent une seconde fois la garde, les pompiers et la foule des curieux avec le commissaire. Que devenir ? Il faut s'expliquer; tout le monde crie à la fois, et cependant Floricour, qui a découvert le matin même que son rival laissait protester une lettre de change de dix mille francs et qu'il comptait sur la dot pour y faire honneur, a eu l'adresse de se la procurer ; il en réclame le paiement, tout s'arrange alors. Satiné démasqué trouve prudent de céder Constance, et la Palissade, informé que Floricour, devenu capitaine, hérite d'un oncle fort riche, ne trouve plus d'obstacle à lui donner sa fille.

Ce n'est, comme on .voit, ni par l'originalité de la conception, ni par le bruit et le mouvement que pèche cette divertissante facétie : en toute autre saison que celle du carnaval, on aurait pu chicaner un peu les auteurs sur les vraisemblances, sur le peu de noblesse de quelques détails, sur l'inutilité de quelques autres ; mais leur lanterne magique est si amusante qu'on n'a pas le tems de réfléchir : on y reconnaît des hommes d'esprit se prêtant à la folie des saturnales, et n'y dédaignant pas un travestissement un peu burlesque avec l'accent populaire qu'en tout autre tems ils ne se seraient pas permis : d'ailleurs ils se sont accolés, dans leur petite débauche d'esprit, avec un musicien qui a verni leur bluette du plus aimable coloris. Jamais M. Nicolo n'a mis, je crois, plus de grâce piquante, plus de verve, plus d'esprit dans sa musique ; tous les morceaux m'ont paru neufs et saillans d'originalité. MM. Dupati et Bouilli, auteurs des paroles, ont été parfaitement secondés ; aussi le succès a-t-il été complet et sans contradiction.          L. C.

Archives littéraires de l'Europe, ou Mélanges de littérature, d'histoire et de philosophie, tome cinquième (1805), Gazette littéraire, mars 1805, p. lxxiv :

L'Intrigue aux fenêtres, opéra en un acte de MM. Dupatu et Bouilly ; musique de M. Nicolo.

Ce n'est qu'une folie de carnaval, mais fort agréable, fort amusante, et qui soutient à merveille, pendant le carême, le succès qu'elle a obtenu pendant les jours gras.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 10e année, 1805, tome II, p. 185-186 :

[Pièce de carnaval, le critique nous invite à ne pas la juger autrement que pour ce qu'elle est : elle « a du mouvement, de la gaîté, une charmante musique », et elle a eu du succès. Le titre, un peu mystérieux, est expliqué par le dispositif scénique : une façade, des fenêtres par où tout se passe. L’intrigue « n’est pas très neuve », et « les incidens perdroient à être détaillés » : c’est la surprise qui donne son prix à ce genre d’imbroglio.]

L'Intrigue aux Fenêtres.

On ne doit pas juger à la rigueur une pièce faite pour le carnaval. Celle-ci a du mouvement, de la gaîté, une charmante musique; elle a parfaitement réussi. Le titre étoit original, et il est très-bien rempli. En effet la décoration représente la façade d'une maison, dont on distingue tous les appartemens par les fenêtres, et où le public voit tout ce qui se passe. L'intrigue n'est pas très-neuve ; il s'agit d'un enlèvement projeté par un jeune militaire, et que veut empêcher un vieux capitaine, père de la demoiselle qu'on veut enlever. Le moyen le plus original est celui qu'emploie le jeune-homme pour connoître la maison où loge sa maîtresse. Il fait crier au feu par une vingtaine de porte-faix. Tout le inonde se met aux fenêtres, et il profite de cela pour observer la disposition des appartemens, et dresser son plan d'attaque. Les incidens perdroient à être détaillés. La pièce est un de ces imbroglios dont la surprise fait tout le mérite.

Les paroles sont de MM. BOUILLI et DUPATI ; la musique de M. NICOLO.

D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 283, la pièce a été jouée à l’Opéra-Comique jusqu’en 1827.

 

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