L'Intrigue avant la Noce

L'Intrigue avant la Noce, comédie en trois actes, par MM. René Perrin et Pillon ; 30 juin 1814.

Théâtre de l'Odéon.

Titre :

Intrigue avant la noce (l’)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

30 juin 1814

Théâtre :

Théâtre de l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

René Perin et Pilon

Almanach des Muses 1815.

Un jeune homme, à la veille d'épouser sa prétendue, devient amoureux fou... d'un portrait : c'est celui de sa grand'mère peinte depuis un demi-siècle. Quelle est sa surprise quand il voit l'original ! Cette sorte d'infidélité n'ayant point eu de conséquences fâcheuses, il obtient de sa prétendue et sa grâce et le bonheur de l'épouser.

Des scènes parasites, dialogue vif et piquant, du succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1814 :

L'Intrigue avant la noce, comédie en trois actes et en prose, Par MM. René Perin et Pilon ; Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre de l'Odéon, le 30 juin 1814.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VI, juin 1814, p. 295-297 :

[Le seul tort des auteurs de la pièce, c’est d’avoir voulu faire trois actes d’un sujet, d’ailleurs pas très original, qui pouvait tout au plus en remplir un. Leur œuvre devient une suite de scène mal reliées entre elles. Elle est écrite d’un ton qui n’est pas « exquis ni mesuré », mais qui est « presque toujours vif et piquant ». Le public a apprécié la pièce, et c’est « le tribunal suprême » (mais le critique pourrait bien avoir des réticences...).]

L’Intrigue avant la noce, comédie en trois actes.

Le sujet de cette comédie est le même que celui d'une petite pièce jouée, il y a quelque temps, au Vaudeville, sans beaucoup de succès. L'idée en est bouffonne, mais ne peut se développer que par des moyens qui choquent tous la vraisemblance.

Un jeune homme, sur le point de se marier, fait à sa prétendue une infidélité.... en peinture. Il devient amoureux fou d'un portrait ; il se croit assez heureux pour en avoir découvert l'original. Mais sa romanesque et ridicule passion le rend l'objet d'une mystification complète. Il enlève la belle dont le portrait lui a tourné la tête. Enfin, elle ôte le voile qui cachait son visage, et notre amoureux reconnaît sa grand-mère ; c'est elle dont il avait trouvé le portrait peint il y a un demi-siècle. La future, qui n'a pas de rancune, consent encore à accepter pour époux l'adorateur désappointé d'une grand-mère.

Comment les auteurs, qui, même dans cet ouvrage, ont fait preuve d'esprit et de connaissance de la .scène, ont-ils pu se flatter que ce sujet, à peine suffisant pour un acte, pourrait en fournir trois sans s'épuiser, et sans les forcer à recourir à des scènes parasites qui, jugées isolément, sont plaisantes, bien dialoguées, mais qui ont le défaut, que rien ne peut racheter, de n'être point amenées par le sujet, d'y être plaquées comme des pièces d'emprunt.

Si le style n'est pas toujours d'un ton exquis ni mesuré suivant la condition des personnages, il est presque toujours vif et piquant.

Je le répète, le seul tort des auteurs est d'avoir fait trois actes. Sans doute, MM. René, Perrin et Pillon, ne conviendront pas de ce tort, puisque le public ne les a pas jugés coupables. Ils ont gagné leur cause devant le tribunal suprême. Ce tribunal n'est pas le seul qui rende des jugemens ridicules, mais on a du moins la consolante ressource de pouvoir les lui reprocher impunément. Cette réflexion ne s'applique point à la sentence prononcée par le parterre en faveur des auteurs de l’Intrigue avant la noce.

A. MARTAlNVILLE.                      

Le Spectateur, ou variétés historiques, littéraires, critiques, politiques et morales, par M. Malte-Brun, tome second (juillet, août et septembre 1814), n° XI, p. 46-47 :

[Le sujet n’est pas neuf, mais le critique concède qu’il n’y a guère moyen d’en trouver. L’analyse de l’intrigue distingue entre l’accueil des deux premiers actes, assez bien reçus, et celui du troisième, dont les travestissements n’ont pas entretenu l’intérêt : « les auteurs ont péché contre la loi du crescendo », en proposant un dénouement « trop prévu », sans « rien de piquant ». Ouvrage bien joué, deux premeirs actes applaudis : il ne serait sans doute pas difficile de lui apporter les changements nécessaires pour assurer un succès durable. Entre autres, faire parler un valet « en termes conformes à son état » (le critique tient beaucoup à cette idée, il ne croit pas que les valets de comédie puissent parler aussi bien : un peu de mépris envers les valets, et oubli de l’intérêt que peut avoir le décalage entre le personnage et ses propos.]

Odéon. L'Intrigue avant La Noce , comédie en trois actes, en prose.

Encore une pièce dont le sujet n'est point absolument neuf; mais l'impossibilité presque avérée d'en rencontrer, justifie l'indulgence du public à cet égard.

Saint-Alme a trouvé, aux Champs-Elysées, le portrait d'une femme charmante ; il n'en faut pas davantage à notre étourdi pour le faire renoncer au mariage qu'il étoit sur le point de contracter avec sa jeune et jolie cousine Emilie, qui l'aime de tout son cœur.

Son changement inattendu désespère la meilleure, la plus gaie et la plus indulgente des grand'mamans, ainsi que son oncle Darmincourt, pâle copie du Bourru Bienfaisant, et qui gronde toujours.... pour rire.

Saint-Alme charge son valet de rechercher l'original de ce trop séduisant portrait qui se trouve, ô surprise ! être celui de la grand'maman, mais avec tous ses charmes tels qu'ils brilloient alors qu'un demi-siècle ne les avoit point successivement effacés.

Il faut une leçon à ce mauvais sujet, qui s'avise de devenir le rival de son grand-père. Oncle, grand'maman, soubrette et valet, tout le monde s'y prête, jusqu'à la petite cousine, qui en vérité est une bien bonne personne, car elle ne témoigne pas la moindre humeur, et je sais plus d'un femme qui, outragée à ce point la veille d'un hymen, ne la prendroient pas pour modèle.

Ce Saint-Alme, qu'on dit spirituel, joue au troisième acte le rôle d'un sot mistifié ; son valet a, soi-disant, découvert la belle que représente le portrait ; il introduit son maître auprès de M. Durocher, futur époux, et tuteur aussi dur que son nom, de l'incomparable Clorinde. Notre étourdi, travesti également en vieillard, parvient à se lier avec le cerbère ; et, dès le premier mot, (ô sainte vraisemblance que nos pères avoient la simplicité de juger indispensable dans tout ouvrage dramatique, quel affront tu reçois ici !) il en obtient la clef de la porte d'une terrasse où donne l'appartement de Clorinde ; la soubrette, déguisée en duègne, n'en a rien moins que la sévérité ; Saint-Alme l'a bientôt gagnée ; et ne doutant plus de son bonheur, il se dispose à fuir avec sa conquête, quand la lueur imprévue des flambeaux, et surtout de bruyans éclats de rire, lui font reconnoître dans Clorinde sa grand'maman, et M. Darmincourt dans le tendre Durocher. Tout est éclairci : on peut se peindre l'embarras du ravisseur pris au trébuchet. Mais sa petite cousine, dont j'ai déjà annoncé l'excellent caractère, ne lui adresse pas le plus léger reproche ; seulement on presse la cérémonie nuptiale, dans la crainte qu'un nouveau portrait trouvé aux Champs-Elysées, où ailleurs, ne produise une nouvelle intrigue avant ta noce; et c'est assez d'une.

Les deux premiers actes ont été entendus avec plaisir ; de la gaîté, quelques détails heureux, et surtout un dialogue vif et pressé, avoient favorablement disposé le public : mais au troisième, qui n'offre que des travestissemens, l'intérêt s'est refroidi ; un dénouement trop prévu n'a plus rien de piquant : enfin , les auteurs ont péché contre la loi du crescendo.

L'ouvrage est bien joué, et a été applaudi, surtout pendant les deux premiers actes : le succès n'a pas été moindre à la seconde représentation; quelques changemens pourroient l'assurer. Je voudrois, par exemple, que ce valet dont j'ai oublié le nom, mais qu'Armand représente avec gaîté, parlât en termes conformes à son état : alors, au premier acte il ne s'écrieroit point : « Le génie de Mascarille plane sur ma tête , il m'échauffe, il m'inspire ! » Ces derniers mots offrent une réminiscence trop remarquable avec les vers du grand lyrique :

L'esprit saint me pénètre, il m'échauffe, il m'inspire
Les grandes vérités que je vais révéler.

Quelle que soit mon estime pour MM. Frontin, Scapin, Mascarille, et autres illustres nommés valets de théâtre, mais qui véritablement en sont les rois, puisqu'ils y ont le plus d'esprit, j'avoue que leur sainte érudition m'est suspecte, et je doute qu'on les trouve à l'antichambre, méditant le Psalmiste ou les poésies sacrées de J. B. Rousseau.

La pièce est de M. René Perrin, connu à ce théâtre par des ouvrages dont le succès a été varié ; et de M. Pilon, dont le nom figure, pour la première fois, sur l'affiche.

Paul Porel et Georges Monval parlent pour la pièce d e »plein succès » pour l’Intrigue avant la noce, dans leur L’Odéon, histoire administrative, anecdotique et littéraire (Paris, 1876), p. 267.

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