Les Infortunes malheureuses de Mme Farce

Les Infortunes malheureuses de Mme Farce, pièce en deux actes, paroles d'Un Muet [Jean-Baptiste Dubois] représentée pour la première fois à Paris sur le théâtre de la Gaîté le 6 février 1812.

Théâtre de la Gaîté.

La pièce est précédée d'un prologue, la Gaieté en carnaval.

Première annoncée dans le Journal de Paris du 6 février 1812. Deuxième représentation annoncée le 7 février.

Journal de Paris, n° 38 du 7 février 1812, p. 2-3 :

[Pièce de carnaval, qui s'ouvre par un prologue, dans lequel le médecin venu au chevet du Théâtre de la Gaîté, qui semble en bien piètre santé, donne toute une série de conseils destinés à ramener le succès. C'est en changeant de praticien que le théâtre va retrouver la santé : qu'il revienne à ce qui est son « air natal », revenir à un comique franc, « c’est-à-dire les lazzis, les extravagances, les balourdises et autres spécifiques propres à exciter le rire ». La pièce peut commencer, et le rideau se lève sur une scène en complet désordre. Mais il suffit d'un coupe de sifflet pour que tout s'organise : il met fin au tumulte né de l'apparente organisation, et un décor apparaît, pour la plus grande joie du public. La pièce peut commencer, une véritable parade de carnaval, fort bien jouée (le rôle de Mlle Farce étant bien sûr confié à un acteur). Le critique n'en dit pas plus, et s'amuse seulement de la mystification qui fait des auteurs un muet (paroles), un sourd (musique), un aveugle (décors) et un boiteux (ballet). Personne n'est nommé.]

Théâtre de la Gaieté.

Première représentation des Infortunes malheureuses de Mademoiselle Farce, pièce en deux actes, à spectacle, à sentimens et à machines. La Gaieté en carnaval, prologue.

L’idée de cette folie de carnaval est assez ingénieuse. L’auteur suppose dans son prologue que la gaieté, qui depuis longtemps s'est mise à un régime de mélodrames, tout-à-fait contraire à son tempérament, sent enfin la nécessité de chasser les sombres vapeurs qui mettent son nom et sa vie même en danger. La gaieté sur le point de mourir du spleen, elle qui ne doit mourir et faire mourir les autres que de rire ; quel trépas à contresens ! Elle se décide à consulter un médecin. – Chantez, lui dit le docteur. – Je chante assez souvent. – Dansez. — Je danse tous les jours. – Déguisez-vous. – Pauvre ressource. – Enfin, le médecin, plus modeste, conseille à la malade de s'adresser à un autre. Il est vrai que cet autre docteur n'est point membre de la lugubre faculté  c'est la folie ; elle arrive, et se charge de signaler par la guérison de sa parente la joyeuse époque consacrée à son culte

Elle ordonne à la Gaieté l’air natal, c’est-à-dire les lazzis, les extravagances, les balourdises et autres spécifiques propres à exciter le rire; et dont jadis les arlequins faisaient un si grand débit, à la satisfaction du public et des directeurs de spectacle. Les plus célèbres bergamasques descendent dans une gloire, et leur génie va présider à la pièce nouvelle.

Le rideau se lève. Quelle surprise ! Le théâtre est dans le plus grand désordre, rien n'est prêt pour commencer, on annonce l'impossibilité où l'on est de donner la pièce promise ; grande rumeur dans le parterre, des cris, des reproches, des menaces se font entendre de toute part. C’est une cacophonie complète.... Quelle puissance va rétablir le calme ? un sifflet.... Oui, un sifflet démentant sa funeste influence et sa meurtrière destination fait sortir de terre une décoration complète, et le public, riant aux éclats, et applaudissant lui-même à la petite mystification qu’on lui a faite, se prépare à s’attendrir aux burlesques infortunes de Mlle Farce.

C’est une parade dans toute la force du terme, un vrai régal de jeudi gras.

Le prologue avait peut-être le défaut d’être trop spirituel pour une pièce où l’on a poussé la folie jusqu’à faire marcher des buissons et promener une montagne.

Mlle Hugens, dans le rôle de la Folie, et Basnage dans celui de Mlle Farce, ont beaucoup contribué au succès de la pièce.

Je dois doublement en féliciter les auteurs, puisque les paroles sont d’un muet, la musique d'un sourd , les décors d’un aveugle, les ballets d’un boiteux et les costumes d’un manchot.

A.          

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