Jean-Baptiste

Jean-Baptiste, opéra en un acte, paroles et musique du C. Beffroy Reigny. 13 prairial an 6 [1er juin 1798].

Théâtre de la rue Feydeau

Almanach des Muses 1799

Seize ans se sont écoulés depuis que Jean-Baptiste, humble porte-balle, traversant une forêt, s'y est vu dépouillé par des brigands. Il a trouvé dans une maison voisine de cette forêt un asyle, des soins et un secours de trente louis pour l'aider à continuer son petit commerce. Depuis ce temps, ses bienfaiteurs n'ont point entendu parler de lui ; mais son commerce a prospéré ; il revient enfin non-seulement acquitter sa dette, mais encore offrir le partage de sa fortune au père de famille dont il a éprouvé la générosité, et qu'il retrouve veuf, entouré de sept enfans et plongé dans la détresse.

Fonds un peu nu, tableaux épisodiques fort intéressans, détails agréables, musique peu piquante.

 

Journal de Paris, n° 255, 15 prairial an 6 [3 juin 1798], p. 1066-1067 :

[Compte rendu d’une pièce qui a connu le succès. Le résumé de l’intrigue en constitue la première partie, d’abord en expliquant longuement l’avant-scène, puis en racontant plus rapidement de ce que le spectacle montre. L’histoire est particulièrement morale, particulièrement émouvante, et c’est ce que souligne le début du jugement porté alors que le dénouement a été évoqué. La pièce est pleine d’esprit, les couplets sont « faciles et gracieux », et le premier défaut de la pièce, c’est sa lenteur : trop de détails, et des détails « trop puérils et trop minucieux ». De plus le langage des personnages ne convient pas toujours au caractère des personnages. Plus grave encore, c’est l'existence, réelle ou supposée par le public, d’allusions à la situation contemporaine. Le critique invite fermement le Cousin Jacques de renoncer à ce genre d’allusions, source pour lui de malentendus, d’autant que le Cousin Jacques a assez de talent pour ne pas avoir besoin d’un tel procédé. Visiblement, la liberté de ton n’est pas souhaitée au théâtre. Les interprètes, tous masculins pour ceux qui sont cités, ont droit à des compliments.]

Théâtre de la rue Feydeau.

On a donné avant hier, sur ce théâtre, la 1re représentation de J. Baptiste, opéra-comique en un acte, paroles & musique du Cousin jacques ; cette pièce a obtenu du succès. En voici le sujet :

Jean Baptiste, jeune fils d’un marchand forain, étoit chargé de parcourir les campagnes pour débiter sa petite pacotille, quand un jour il fut attaqué par des voleurs qui le battirent & le dévalisèrent. Réduit au désespoir & n’osant plus retourner vers son père, il demanda l’hospitalité à un fermier compatissant, qui l’accueillit avec intérêt, le garda chez lui plusieurs jours, & lui fit accepter, en s’en séparant, une bourse de trente louis, à titre de prêt. Cette petite somme, bien employée, mit bientôt le jeune Baptiste à même de passer en Amérique, où, au bout de quelques années, avec de l’économie & du travail, il fut décupler sa fortune ; mais, pendant cet espace de temps, son bienfaiteur mourut, laissant une fille mariée, qui ne survécut pas longtemps à son père, & qui à son tour laissa au meilleur des époux une nombreuse famille en bas âge ; celui-ci, héritier de la chaumière où Jean Baptiste avoit reçu l’hospitalité, y racontait souvent à ses enfans l’aventure de ce petit marchand, sans songer que le héros de l’anecdote dût jamais restituer au centuple la somme qu’il avoit reçue ; ce fut pourtant ce qui arriva. Jean Baptiste, de retour de ses voyages, n’eut rien de plus pressé que de revenir payer sa dette, & c’est ici que commence l’action de la pièce. Il se présente à la chaumière au moment où le propriétaire venait de la quitter pour affaires, & où les enfans & leur sot gardien, en étant sortis eux-mêmes, avoient laissé la porte ouverte. Il cherche, il appelle ; personne ne se montre, personne ne répond : il voit un secrétaire ouvert; il y place l’argent qu’il veut restituer, dans le dessein de surprendre agréablement son honnête créancier ; mais à l’infant il vient du monde : on le prend pour un voleur ; on va chercher le maître de la chaumière ; il est interrogé, & enfin obligé de tout expliquer, pour éviter les poursuites de la justice. Maintenant il est facile de deviner les transports de joie qui éclatent de part & d’autre, & avec quelle curiosité tous les petits enfans considèrent ce bon Jean Baptiste dent on leur avait si souvant parlé. C’est ici qu’est le dénouement.

Le dialogue de cette pièce est rempli d’esprit ; les couplets en sont, la plupart faciles & gracieux, elle offre même de charmans tableaux, mais l’action n’en est pas assez rapide ; il y a des détails trop puérils & trop minucieux ; enfin tous les personnages n’y parlent pas le langage propre à leurs caractères.

Le public a applaudi des traits assez piquans qu’il a pris pour des allusions. Nous ignorons s’il se trompait ; mais, dans tous les cas, nous inviterions le Cousin Jacques à éviter plus soigneusement ce qui a rapport aux circonstancds dans un ouvrage dont le sujet y est étranger. Quelque innocent que cela puisse être, il risque trop d’être mal interprété. D’ailleurs, il n a pas besoin de cette ressource pour réussir, & il plaira réellement davantage, en ne s’en servant plus si souvent.

Le cit.n Juliet dans le rôle de Baptiste, & le cit.n Lesage dans celui d’un valet niais, ont joué comme de coutume, c’eft-à-dire, avec le comique le plus vrai & le plus fpirituel. Les autres principaux rôles ont été dignement remplis par les cit.ns Camille & Gavaudan jeune, & par le cit.n Primo.

 

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, quatrième année (an VI – 1798), tome second, p. 126-127 :

La petite pièce intitulée Jean-Baptiste, jouée au théâtre Feydeau, est du citoyen Beffroy de Reigny, connu sous le nom de Cousin Jacques. Voici quel en est le sujet :

Il s'est écoulé environ seize ans depuis que Jean-Baptiste, porte-balle, ayant été dépouillé dans une forêt par des brigands, a trouvé dans une maison voisine de cette forêt un asile et un secours de trente louis qu'il n'a reçus qu'à titre de prêt, pour continuer son petit commerce. Depuis ce temps on n'a point eu de ses nouvelles ; mais ses affaires ont réussi, et il revient s'acquitter de sa dette, en offrant le partage de sa fortune à l'honnête paysan qui l'a secouru, et qu'il retrouve entouré de sa famille, et réduit au plus strict nécessaire.

Tel est tout le fond de cette petite pièce, qui doit son succès à de jolis détails, et à quelques scènes épisodiques : on regrette seulement que le Cousin Jacques se soit chargé de la musique, qui n'est ni assez neuve, ni assez piquante. Cet ouvrage a pourtant un fond d'originalité qui rappelle l'auteur singulier des lunes.

D'après la base César, la pièce a été jouée 30 fois, du 1er juin 1798 au 26 mars1799, toutes au Théâtre Feydeau, sauf une, à l'Odéon.

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