Jeanne d'Arc, ou la Pucelle d'Orléans (Cuvelier)

Jeanne d'Arc, ou la Pucelle d'Orléans, pantomime en 3 actes et à grand spectacle, de J.-G.-A. Cuvelier, musique arrangée par Dreuil, 25 germinal an 11 [15 avril 1803].

Théâtre de la Gaîté.

Le Courrier des spectacles du 25 germinal an 11 annonce la pièce sous le titre de « la Nouvelle Jeanne-d'Arc, ou la Pucelle d'Orléans, pant. en 3 actes, à spectacle ».

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, au théâtre de la Gaîté, an 11 (1803) :

Jeanne d'Arc, ou la Pucelle d'Orléans, pantomime en trois actes et à grand spectacle, contenant ses exploits, ses amours, son supplice, son apothéose, mêlée de marches, chants, combats et danses. Par J. G. A. Cuvelier, associé correspondant de la Société Philotechnique. Représentée, pour la première fois, sur le théâtre de la Gaîté, le 25 germinal an XI.

Courrier des spectacles, n° 2232 du 26 germinal an 11 [16 avril 1803], p. 2 :

[La nouvelle pièce traite un sujet déjà mis sur le théâtre, et à un moment où la pantomime est peu appréciée, il faut remettre sur la scène un personnage aussi fort que Jeanne d'Arc pour obtenir un succès. Elle a une valeur patriotique essentielle, surtout au moment où le gouvernement pense à relever la statue qui la représente, rappelant ses triomphes, mais aussi la honte que ses ennemis doivent éprouver (les Anglais...). La pièce nouvelle est imitée de celle de Schiller, si bien qu'elle ne respecte aucune règle, et montre en trois actes la vie entière de Jeanne d'Arc. Le critique énumère les épisodes mis sur le théâtre, ce qui permet de se faire une idée de ce qu'on retient alors de Jeanne, et la place étonnante qu'y joue l'amour. La vérité historique n'est certes pas le souci premier des auteurs, puisque même sa mort est modifiée : elle échappe au bûcher, et s'élève au ciel. L'article se contente ensuite de souligner la qualité du spectacle, costumes, combats, ballets, décors, tout est remarquable (mais c'est tout de même l'accessoire que le critique a retenu : rien sur la musique, ni sur les interprètes. Deux auteurs sont cités, pour les paroles et pour la musique, arrangée.]

Théâtre de la Gaîté.

Première Représentation de la Nouvelle Jeanne-d'Arc,
ou la Pucelle d'Orléans.

Ce sujet a été déjà traité en pantomime, et autrefois il a fait conjointement avec quelques autres pièces du même genre le succès du théâtre de Nicolet. Aujourd’hui le mélodrame a tant de vogue aux Boulevards, et la pantomime y est si peu goûtée, qu’il n’a fallu rien moins que le nom de l'Héroïne française, pour faire réussir ce nouvel ouvrage.

En effet, le spectateur même le moins instruit veut se rendre compte ; il aime outre le spectacle qui frappe les yeux, ce style farci de sentences et de grands mots qui excite les applaudissemens ; il lui faut d’ailleurs une attention trop soutenue pour suivre le fil d’un ouvrage de longue baleine, ou on ne parle point, ou tout est action et ou les seules choses écrites sont déployées à ses regards sur des pancartes : moyen usé et toujours peu naturel.

Du reste, on ne peut que louer l’administration d’avoir offert de nouveau aux yeux des Français une héroïne dont le bras a sauvé la France, et dont la mort est une tache pour les juges ennemis qui l’ont condamnée. Le moment sur-tout est favorable, puisque sous les auspices d’un gouvernement réparateur, la statue de cette fille célèbre va être relevée dans les lieux où elle rappeloit jadis aux Français les triomphes qu’elle leur avoit procurés, et aux ennemis la honte dont ils s’étoient couverts en la sacrifiant dans un siècle d'ignorance.

La pièce nouvelle est en partie, et sur-tout dans sa marche, imitée de la pièce du poète allemand Schiller. Admirée des étrangers, cette production ne devoit pas inspirer un auteur Français. Cependant négligeant toutes les régles reçues, il a suivi l’auteur allemand, et il a renfermé en trois actes la vie entière de la Pucelle. Elle rencontre à la chasse Dunois, le bâtard d’Orléans, et le courage qu’elle a déployé contre l’animal qu’il poursuivait, donne au héros une haute opinion de sa valeur, il l’emmène à la cour et la présente au roi Charles VII, qui ne paroit un moment que pour s'extasier sur les charmes d’Agnès Sorel, et qui probablement va faire 1'amour pour ne plus se meler de rien ; Jeanne est armée par un ange, mais le bras de la Providence cessera de la soutenir si son cœur est accessible à l’amour. La Guerrière et Danois marchent vers Orléans. Là, ils fondent sur les Anglais au moment où ils sont prêts à escalader la ville, ils les taillent en pièces et délivrent ce dernier boulevard de la France. Cependant Dunois n’a pu voir Jeanne sans l’aimer : il lui fait l’aveu de ses sentimens. Jeanne refuse de l’écouter, et cependant n’ose rejetter tout-à-fait ses vœux.

L’Amour et l’Hymen se reunissent pour triompher de sa résistance ; le premier la frappe d’une de ses flèches, et la guerrière désarmée cède à son pouvoir. A peine a t-elle prononcé le serment redoutable que Chandos et Talbot lui envoient à elle et à Dunois un cartel auquel tous deux se rendent.

Là ils triomphent de ces fiers Anglais lorssqu’un coup de fusil blesse mortellement Dunois, et qu’on profite de cette trahison pour arrêter Jeanne et la précipiter dans un cachot ; elle est condamnée à mort et conduite sur le bûcher, qui par un pouvoir surnaturel , se change en un autel environné de nuages au milieu desquels elle s’élève et se dérobe aux yeux des spectateurs.

Cette violation de tous les droits de la guerre n'a point paru noble et généreuse ; peut-être est elle justifiée par l’action même des juges qui la condamnèrent.

Cette pièce est établie avec soin. Les costumes sont fidèles, les combats bien exécutés, les ballets agréables, et les décorations fraîches surprenantes pour la célérité des changemens à vue.

Les auteurs sont pour la pantomime Monsieur Cuvelier, et pour la musique arrangée M. Dreuil.

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