Jeannette, ou six mois à Paris

Jeannette, ou six mois à Paris, vaudeville en un acte, de Sewrin, 22 février 1812.

Théâtre des Variétés.

Almanach des Muses 1813.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, au Foyer du Théâtre des Variétés, et chez Dupré, 1812 :

Jeannette, ou six mois à Paris, comédie en un acte, mêlée de couplets ; Par M. Sewrin ; Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Variétés, le 22 Février 1812.

Journal de l’Empire, du 25 février 1812, p. 4 :

[Les hasards du feuilleton conduisent l’illustre Geoffroy à passer d’Athalie à Jeannette, ou Six Mois de Paris, situation qui lui semble un peu étrange. Mais la pièce nouvelle est « édifiante et morale », même si elle peut sembler porter un grave coup au commerce du luxe et de la parure féminine. Faut-il encourager un auteur qui veut réduire « le luxe des femmes » aux limites de la sagesse ? L’intrigue est en effet bien morale : une jeune femme venue de la campagne, qui découvre avec bonheur le luxe, mais à qui son oncle donne une bonne leçon : il ne la reconnaît pas sous ses habits parisiens. Et la jeune femme retrouve son affection quand elle revient le voir dans sa tenue villageoise. Belle morale, mais qui se trouve dans un « ouvrage [...] bien foible », et dont on peut douter qu’elle change profondément l’esprit des femmes et fasse de Sewrin « le premier des poëtes dramatiques ». Finalement, même Geoffroy peut faire preuve d’humour.]

THÉATRE DES VARIÉTÉS.

Première représentation de Jeannette, ou Six Mois de Paris.

Après Athalie, parler de Jeannette, n’est-ce pas faire un saut semblable à celui que font les dieux dans l’Illiade d’Homère, lorsqu’ils franchissent en un instant toute l’étendue de l’espace que l'œil peut parcourir ? Jeannette est cependant une pièce édifiante et morale, telle qu’on n’en attend pas à ce théâtre. Je ne sais si avec sa morale elle n’attaque pas une des branches de commerce le plus considérables et les plus nécessaires pour alimenter la bonne ville de Paris : l’auteur voudroit que le luxe des femmes fût réglé sur leur état et sur leur fortune, et que leur parure ne coûtât jamais rien à leur sagesse. Le couplet qui exprime un vœu si honnête a été applaudi et redemandé avec transport : c'est un bon paysan, simple quoique riche, qui donne cette instruction à sa nièce Jeannette. Cette nièce est venue à Paris vêtue en villageoise ; l’oncle la retrouve six mois après avec la toilette d'une belle dame : pour punir la coquetterie de Jeannette, il feint de ne pas la reconnoitre sous ces beaux atours. La pauvre fille s'en va reprendre ses habits rustiques, et revient humblement vers son oncle, qui alors la reconnoit et l’embrasse. L'ouvrage est bien foible, la morale en vaudroit mieux si elle se trouvoit dans une meilleure pièce. Je doute que l’auteur, M. Sewrin, parvienne à modérer, dans les femmes, l’excès de la parure, et qu'il puisse leur persuader de préférer la sagesse à la vanité. Si sa comédie de Jeannette opéroit dans leur esprit un changement si étrange, il pourroit se flatter d'avoir fait le plus admirable des chefs-d'œuvre, et d'être le premier des poëtes dramatiques.                           Geoffroy.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1812, tome I, p. 428-429 :

[Le compte rendu du Magasin encyclopédique apporte des précisions fort utiles pour bien comprendre la situation de Jeannette : elle est mariée et son mari s'inquiète de son évolution. Et la scène de l'oncle donneur de leçon est enrichie d'une étape supplémentaire : c'est d'abord un ami de l'oncle qui ne la reconnaît pas, avant que l'oncle ne donne un tour définitif à la leçon : c'est son changement de paysanne et fausse grande dame qui est cause qu'elle n'est plus elle même. Une leçon de morale donc, comprise par Jeannette qui retourne au milieu des siens, à la campagne, mais leçon donnée par une pièce dont « les détails sont d'une grande foiblesse ».]

Jeannette , ou six mois à Paris , comédie en un acte, mêlée de couplets, jouée le 22 février.

Jeannette est la nièce d'un bon cultivateur qui l'a mariée à l'époux de son choix. Jeannette est douce, franche, naïve, elle aime son mari ; que vient-elle donc faire dans la grande ville ? Six mois de séjour à Paris ont suffi pour faire d'elle une femme à grands airs. Le mari gémit de cette métamorphose, d'autant plus que son état ne lui permet point de fournir aux folles dépenses de sa femme. Jeannette, à qui son oncle fait une pension, se présente pour en toucher le premier quartier chez un ami de sa famille , qui est chargé de lui compter. Mais, au lieu d'argent, elle y reçoit une leçon. Le correspondant refuse de payer, en lui disant qu'elle diffère trop du portrait que son ami lui a tracé de Jeannette pour qu'il puisse croire que ce soit elle. L'oncle survient, Jeannette court vers lui pour l'embrasser; mais il la méconnoît aussi : elle sort désespérée, et bientôt le repentir la ramène sous le simple costume qu'elle portoit au village. Tout le monde la reconnoît, l'embrasse, la caresse; on lui raconte qu'une Dame, vêtue en élégante, s'est présentée sous son nom, mais que personne n'a été sa dupe. Jeannette renonce au faux éclat qui l'avoit éblouie un instant, et toute la famille retourne au village chercher des plaisirs simples et vrais Le fonds de cette petite pièce est moral; les détails sont d'une grande foiblesse.

L'auteur est M. Sewrin.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, huitième volume (1er janvier au 31 mars 1812), n° 136 (29 février 1812), p. 284 :

Théâtre Des Variétés.

Première représentation de Jeannette, ou Six mois à Paris. (Samedi 22 février.)

Jeannette habite le village où elle a pris naissance ; mariée à l'époux que son cœur a choisi, douce, simple et naïve, rien ne manque à son bonheur. Tout à coup elle se met en tête de venir à Paris. Six mois de séjour dans ce lieu enchanté suffisent pour changer tout-à-fait son caractère. Ses vertus villageoises ne lui semblent plus que des ridicules, sa modestie de la timidité, son maintien simple et naturel, de la gaucherie. Elle prend les airs d'une femme de qualité, court les bals, les spectacles, les fêtes, fréquente le grand monde, devient enfin une des agréables du jour. Son mari gémit de cette métamorphose, d'autant plus que sa fortune ne lui permet pas de suffire aux folles dépenses de sa femme ; cependant il n'a pas le courage de s'opposer à ses excès et c'est un étranger qui se charge de la corriger. Cet étranger est un ami de la famille de notre héroïne ; celle-ci vient chez lui, sous un costume brillant, pour toucher le montant d'une rente que lui fait un oncle, nommé Bernard ; mais le correspondant la méconnaît : il dit que c'est à Jeannette qu'il est chargé de remettre de l'argent et non à la femme qui se présents sous son nom et qui ne peut être cette bonne et simple villageoise dont son ami Bernard lui a tant parlé. Dans ces entrefaites, l'oncle lui-même arrive et tient un pareil langage. Cette petite leçon suffit à Jeannette, dont le cœur n'est pas encore tout-à-fait perverti ; elle sort les larmes aux yeux, va reprendre ses habits villageois et revient sous ce nouveau costume. Elle est alors accueillie, fêtée, embrassée ; on lui dit qu'une inconnue s'est présentée sous son nom, mais qu'on n'a point été dupe de cette intrigante qui a été éconduite comme elle le méritait.

Ce dernier trait achève de convertir la pauvre Jeannette ; elle avoue tout, reconnaît ses torts, renonce au tourbillon de Paris, et retourne avec ses parens au village jouir en paix de ces plaisirs purs et vrais dont elle avait un instant méconnu le prix.

Cette bluette, qui offre, comme on le voit, un but moral, mais dont le sujet est froid et peu vraisemblable, a été très-bien accueillie. L'auteur demandé et nommé est M. Sewrin. Le rôle de Jeannette a été médiocrement joué par mademoiselle Pauline.

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