Judas Machabée, ou le Rétablissement du culte à Jérusalem

Judas Machabée, ou le Rétablissement du culte à Jérusalem, tragédie nouvelle en trois actes et en vers par L. Ch. C. Mathey de Massilian. Prix, 1 fr. 20 centimes, et 1 fr. 50 cent fr. de port. Paris, marchands de Nouveautés, et Moutardier, quai des Augustins, n° 28.

Pièce non représentée

Almanach des Muses 1804

Voici quelques vers qui donneront une idée de la manière de l'auteur.

On en compte en trois jours jusqu'à quatre-vingt mille
De ces Juifs immolés même au ressentiment
D'un roi qui, sans avoir de mécontentement,
Encor bien décidé contre eux voulut les rendre
Victimes d'un revers alors qu'il voulut prendre
Les états d'un voisin plus fortuné que lui.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez les marchands de nouveautés et Moutardier, an XI, 1803 :

Judas Machabée, ou le rétablissement du culte à Jérusalem, Tragédie nouvelle en trois Actes et en Vers. Par L.-Ch.-C. Mathey de Massilian.

Le texte de la pièce est précédé d'un « Avis » (p. 3-8) ;

AVIS.

Je mets sur la scène un héros auquel il n'a manqué, pour être regardé généralement comme un des plus grands hommes de l'antiquité, que d'être un héros purement profane, de n'avoir recherché qu'une gloire humaine, et d'avoir été conduit, dans ses expéditions brillantes, par un autre motif que par celui de son amour pour sa religion.

Ce héros, pour la science militaire, la valeur, la prudence, la modestie dans les succès, l'humanité, la justice, et toutes les qualités qui font les grands capitaines, ne le cède en rien à tout ce que la terre a jamais produit de plus merveilleux.

Jamais vaincu, toujours vainqueur, avec des forces bien inférieures à celles qu'il combattait, il étonna l'Asie par la beauté de ses opérations militaires ; et quand on n'est pas de ces hommes qui nient toutes les vérités dogmatiques, et qui ne peuvent cependant proposer aucun systême sur l'existence du monde qui puisse se soutenir, il est bien difficile de ne voir dans les succès de ce grand homme un secours surnaturel.

Ce qui doit ajouter à sa gloire, c'est qu'il ne fit jamais que des guerres défensives, ainsi qu'on peut le voir dans les deux livres appelés des Machabées, où l'on trouvera la source pure dans laquelle j'ai puisé la connaissance des événemens certifiés encore par l'historien Joseph(1).

Tel fut Judas dit Machabée, de la famille des Asmonéens, troisième fils de Mathatias, qui fut père de cinq enfans, et auquel, en mourant, il laissa le commandement de l'armée qu'il avait levée pour s'opposer aux fureurs révoltantes d'Antiochus dit Épiphanes.

Cet Antiochus, un des hommes les plus détestables qui jamais aient déshonoré l'humanité, prédit comme tel par Daniel, fut fils d'Antiochus dit le Grand, et fut roi de Syrie à la mort de Séleucus IV, son frère puîné, que Laodice sa mère, à cause de la méchanceté d'Antiochus son aîné, lui fit préférer. Ce Séleucus laissait un fils appelé Démétrius. A la mort de Séleucus, Antiochus et Démétrius se disputèrent le trône. Antiochus faisait valoir son droit d'aînesse dont il avait été frustré par le choix de Séleucus ; Démétrius, celui qu'il avait à l'héritage de son père.

Ces deux princes étaient alors en ôtage à Rome, pour Antiochus le Grand qui, dans une entreprise malheureuse contre l’Égypte, devenu prisonnier des Romains, ne put obtenir sa paix et sa délivrance, qu'en leur laissant pour ôtages deux de ses enfans, Épiphanes et Séleucus. A la mort d'Antiochus le Grand, les Romains, à la prière de Laodice, firent couronner Séleucus. Démétrius son fils fut le remplacer à Rome, en qualité d'ôtage ; et à la mort de Séleucus, les . Romains choisirent, pour le royaume de Syrie, Antiochus Epiphanes, au préjudice de Démétrius son neveu.

L'intention des Romains, en demandant ces ôtages, avait été de tenir en respect Antiochus le Grand, s'il avait encore voulu s'agrandir du côté de l'Égypte ; de mettre, selon leur politique, la division entre les compétiteurs pour le royaume de Syrie, afin de profiter de leurs débats pour s'en emparer quelque jour, et de se rendre maître du choix, puisqu'ils les retenaient à Rome.

Ce royaume de Syrie, une partie du vaste empire d'Alexandre le Grand qui, mourant, en fit le partage à ses généraux, était quelquefois appelé le royaume d'Asie. Ce nom lui venait de la vanité de ses rois qui, quoique maîtres d'une étendue immense de pays jointe à la Syrie proprement dite, ne se contentaient pas de la dénomination de rois de Syrie.

C'est du premier Séleucus, nommé roi de Syrie par Alexandre, que descend notre Antiochus. Ce fut ce monstre qui fit de si grands maux aux Juifs. La joie qu'ils firent éclater sur un faux bruit de sa mort, après ses malheurs en Égypte, anima d'abord contre eux cet homme naturellement méchant et environné d'hommes qui ne valaient pas mieux que lui-même. Il se permit des atrocités incroyables, si nous n'avions le témoignage des écrivains tant profanes que sacrés, et si nous-mêmes n'en avions vu de semblables, jusqu'à l'époque du libérateur qui me paraît avoir tant de rapport avec celui de la Judée.

Judas Machabée, succédant à Mathatias son père, dans la conduite de l'armée des Juifs, défit tous ses ennemis, rétablit le culte du vrai Dieu dans la Judée, y fit régner la paix et la religion que des méchans seuls purent y détruire, et, comme il arrive souvent, pour leur propre malheur.

On trouvera peut-être à redire, même dans un sujet relatif à cet objet, à quelques discussions dogmatiques, quoique, pour le ton, accomodées au théâtre. On devrait bien plutôt improuver l'impiété qui renverse les États, en faisant couler des torrens de sang. Il est révoltant de voir que les ennemis de toute morale, sans laquelle ils ne peuvent subsister, attaquent des dogmes qui peuvent seuls lui servir de sanction et de base : c'est qu'ils ne veulent point de morale. C'est ainsi que les plus cyniques des hommes proscrivent la satire ; c'est ainsi que les plus grands criminels interdisent les réactions même légales ; c'est ainsi qu'ils veulent que tous les crimes soient impunis, parce qu'ils veulent les commettre. Au reste, ce qu'il y a de plus étonnant ici, c'est la simplicité des hommes qui répètent de bonne foi ce qu'on ne leur fait entendre que pour les replonger dans l'excès du malheur.

L'ouvrage que je publie renferme un grand fond d'instruction sur plusieurs objets, principalement sur ce qu'il nous importe le plus de connaître, notre origine et notre fin, et rappelle le souvenir d'abominations qui ne peuvent être que le produit de l'oubli des hommes à cet égard.

Cet ouvrage fut composé lors du rétablissement du culte dont la cérémonie, par le bienfait du premier Consul, eut lieu dans l'église de Notre-Dame de Paris, ainsi que celui des Juifs fut rétabli par Judas Machabée dans le temple de Jérusalem : car je n'ai composé cet ouvrage sous ce titre, qu'en mémoire de ce que nous avons vu ; ce que je dis pour prévenir les reproches des diseurs de riens, qui pourraient m'accuser d'avoir cherché des allusions. Je n'ai pas eu beaucoup de peine à les trouver, et l'on verra plutôt qu'elles se présentent elles-mêmes.

Cette tragédie ne put être assez tôt terminée pour la faire paraître dans les instans de la première impression que la touchante cérémonie dont nous fûmes les témoins avait laissée dans les ames, et que le temps, comme il arrive toujours, avait sans doute affaiblie. J'ai donc préféré d'attendre, pour sa publication, la solennité de Pâques, et l'anniversaire de cette même cérémonie.

La représentation de cette œuvre dramatique pourrait être très-utile aux bonnes mœurs, à la véritable philosophie qui n'est autre que la religion ; à la gloire de son restaurateur : mais elle est d'une nature à ne pas être agréée sur nos théâtres, même sur ceux se disant républicains.

(1) Je conseille même de lire, avant cette tragédie, les six premiers chapitres du premier livre des Machabées, et les neuf premiers du second : j'aurais trop à citer au bas des pages, s'il fallait justifier mes autorités.

Ajouter un commentaire

Anti-spam
 
×