La Jardinière de Vincennes, mélodrame-vaudeville en trois actes, orné de chants et de danses, de Simonnin et Brazier, ballets d’Adam, 21 mars 1807.
Théâtre des Jeunes Artistes.
« Orné de chants et de danses », c'est ainsi que le Courrier des Spectacles annonce la pièce.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1807 :
La Jardinière de Vincennes, mélodrame-vaudeville en trois actes, Imité du Roman de ce nom ; par MM Simonnin et Brazier fils. Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre des Jeunes-Artistes, le Samedi 14 mars 1807.
Ce roman, c’est la Jardinière de Versailles ou les Caprices de l’amour et de la fortune (1750, 4 volumes), de Gabrielle-Suzanne Barbot, dame de Villeneuve.
La date de la première proposée par la brochure n'est pas la bonne: la pièce n'a été jouée qu'à partir du 21 mars.
Courrier des spectacles, n° 3694 du 23 mars 1807, p. 2-3 :
[Le nouveau mélodrame est censé prendre le relais des Syrènes, ou les Sauvages de la Montagne d’Or, grand succès du moment, mais dont les costumes sont fatigués. Elles reviendront, mais en attendant, place à cette « petite paysanne pleine de fraîcheur et de grâce », jouée par une jeune actrice remarquable. Le sujet n’est pas si original : on retrouve bien des traits communs avec la fameuse Fanchon la Vielleuse – « une jeune fille sans fortune, qui fait tourner la tête d’un grand seigneur, et qui pourtant reste vertueuse ». C’est donc l’histoire d’une jeune paysanne qui livre des fleurs au château, et dont le fils de la maison tombe follement amoureux. Pas question de mariage : même le père de la jeune fille juge l’écart des fortunes et des conditions trop grand. Le jeune amoureux tente d’enlever sa bien aimée, mais il est trahi par son valet, et c’est sa propre mère qu’il enlève, à son grand désespoir. Mais cette mère craint de perdre son fils, et elle accepte de le laisser épouser sa jolie fleuriste, dont le père révèle alors qu’il est marquis et « que des malheurs l’ont forcé de cacher, sous l’humble habit de l’habitant des campagnes, ses titres et sa naissance ». Excellente nouvelle pour la mère du fiancé, « qui n’a plus à rougir d’une mésalliance ». Le jugement porté sur la pièce est positif. Il faudra seulement revoir le troisième acte (il faut y apporter des corrections, mais on ne sait pas lesquelles). Des couplets bien faits, deux actes sagement conduits, costumes et décors ne « laiss[ant] rien à désirer », des acteurs pleins d’assurance et de justesse, alors que ce sont de jeunes artistes, et que c’était la première représentation. Le critique cite de façon élogieuse quatre des interprètes. Les auteurs sont cités, et on voit même apparaître un maître des ballets, ballets dont il n’a pourtant absolument pas été question dans tout l’article.]
Théâtre des Jeunes Artistes.
La Jardinière de Vincennes.
Les Syrènes qui n’ont point cessé d’attirer la foule, vont se reposer un peu. Durant ce temps, on va réparer leurs costumes que des représentations journalières et non interrompues ont un peu ternis, et elles vont reparoître aussi brillantes que dans leur première jeunesse. En attendant, une nouvelle syrêne va occuper ce théâtre : c’est la Jardinière de Vincennes, petite paysanne pleine de fraîcheur et de grâce, et dont les plus jolies Parisiennes envieroient les appas. L’actrice qui la représente est très-digne du rôle qu’on lui a confié ; ses talens et ses grâces séduiroient l’auditoire le plus sévère.
Le sujet de la Jardinière de Vincennes rentre un peu dans celui de Fauchon la Vielleuse, et les auteurs ne sauroient disconvenir qu’ils ne l’aient souvent prise pour modèle. C’est aussi une jeune fille sans fortune, qui fait tourner la tête d’un grand seigneur, et qui pourtant reste vertueuse : rara avis in terris. Le roman d’où ce sujet est tiré est trop connu pour en parler ; voici ce que les auteurs eu ont pris :
Le jeune Comte Alfred devient éperduement amoureux de la jeune Flore, qui tous les jours vient apporter au château les fleurs les plus fraîches de la saison, mais moins fraîches qu’elle. Le jeune homme d’une ame douce, d’un caractère timide et respectueux, n’osant exprimer lui même son amour, charge son valet de ce soin délicat, et lui remet un billet doux pour Flore et même une promesse de mariage. Le valet, en homme d’honneur, remet le billet au frère de la jeune paysanne, (M. de Marainville, fermier à Vincennes) et prévient la Comtesse des folies de son fils. Mad. d’Alfred se hâte de prévenir les suites d’une passion extravagante ; mais l’amour va si vite, que déjà son fils l’a devancée. Instruit qu’on prépare une fête villageoise à Vincennes, il se revêt des habits d’un jeune paysan, et se mêle dans la foule. On le prend d’abord pour un berger voisin qui a le talent de dire la bonne aventure ; il se présente pour la dire à Flore ; elle le reconnoit ; il tombe à ses genoux. Mais M. de Marainville survient à l’instant, et déclare au jeune Comte que la distance des fortunes et des conditions met un obstacle invincible à tout projet d’alliance avec Flore. Alfred désespéré se retire, et projette un enlevement ; il met dans la confidence son valet qui feint de tout préparer, et va encore prévenir la Comtesse. Elle se déguise ; et lorsqu’AIfred croit tenir en sa possession l’objet de ses plus tendres sentimens, il s’apperçoit qu’il n’a à ses côtés que sa mère ; i! fuit et perd la tête, La Comtesse est accablée de ce malheur ; elle sent qu’elle ne peut le réparer qu'en accordant son consentement au mariage d’Alfred avec Flore. Son orgueil cède alors à la tendresse maternelle ; on appelle le notaire, et le fermier Morainville déclare qu’il est le Marquis de Morainville, et que des malheurs l’ont forcé de cacher, sous l’humble habit de l’habitant des campagnes, ses titres et sa naissance. La Comtesse, qui n’a plus à rougir d’une mésalliance , est au comble de la joie. La raison revient au jeune Alfred, et les feux de l’hymen dissipent .tous les nuages.
Ce mélodrame-vaudeville a obtenu un brillant succès. C’est une des pièces de ce genre les mieux soignées. On y remarque des couplets bien faits dont plusieurs ont été redemandés. Les deux premiers actes sont sagement conduits ; le troisième exigera des corrections. La partie des costumes et des décorations ne laisse rien à désirer, et les acteurs sur-tout ont joué avec autant d’assurance et de justesse que si la pièce eût eu dix représentations. Le jeune Prudent annonce les plus heureuses dispositions dans le rôle de Morainville ; Bouillon chante avec beaucoup de goût celui d’Alfred ; le petit Descharnps, chargé du rôle d’un jeune marié, l’a joué avec beaucoup d’intelligence. Mlle. Louise chargée de représenter la Jardinière de Vincennes, est une actrice très-aimable ; cette jeune personne a une jolie figure et une voix agréable ; elle ne laissera plus rien à désirer, si elle sait donner à son jeu un peu plus d’expression.
Les auteurs sont, pour les paroles, MM. Brazier et Simonin ; et pour les ballets, M, Adam.
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