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Le Jugement de Salomon

Le Jugement de Salomon, mélodrame en trois actes, mêlé de chants et de danse, de Caigniez, musique de Quaisin, ballets de Richard, 28 nivôse an 10 [18 janvier 1802].

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, se vend au Théâtre, an 10 – 1802 :

Le Jugement de Salomon, mélo-drame en trois actes, mêlé de chants et de danse, Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de l’Ambigu-Comique, le 28 nivôse an X. Par L. C. Caigniez, Auteur de la Forêt Enchantée et de Nourjahad et Chérédin. Musique du Cen Quaisin. Ballets du Cen Richard.

Courrier des spectacles, n° 1785 du 29 nivôse an 10 [19 janvier 1802], p. 2-3 :

[Le Théâtre de l’Ambigu-Comique a renoncé « aux diablotins et aux revenans » au profit de pièces de meilleure tenue, pour le plan comme pour le style. Mais le mot de « mélodrame » n’est pas employé. Le Jugement de Salomon a attiré beaucoup de monde, et un monde passionné pour la pièce au point de réfréner ses applaudissements pour ne pas disperser son attention. L’essentiel de l’article est ensuite consacré à une longue analyse de l’intrigue, ou plutôt à la manière dont l’auteur a enrichi l’épisode biblique bien connu. Le jugement porté ensuite souligne la qualité de l’écriture, « pure et élégante », et le caractère croissant de l'intérêt au fil de la pièce, intérêt qui culmine avec la scène du jugement lui-même. Elle a été bien jouée, tout le monde étant félicité. Le dernier paragraphe (un peu bouleversé) donne le nom des divers auteurs, y compris pour les costumes, et souligne l’apport de l’imaginatif Caigniez.]

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

Depuis que ce théâtre n'est plus livré aux diablotins et aux revenans, il a offert différens ouvrages avoués par le goût, et dont le choix, soit pour le plan, soit pour le style, fait le plus plus grand honneur à l'administration. C’est parmi ces ouvrages qu’il faut placer le Jugement de Salomon, pièce en trois actes, représentée hier sur ce théâtre avec le plus brillant succès. De bonne heure une foule nombreuse assiégeoit les portes et la salle ne put contenir tous les curieux Malgré cette affluence, le silence le plus profond régna durant cette représentation, qui ne fut interrompue que par des applaudissemens, encore sembloit-on se les reprocher quelquefois, parce qu’ils suspendoient pour ainsi dire l’attention commandée par l’intérêt puissant de l’ouvrage.

Leïla, jeune orpheline, vivant pauvrement auprès d'Hébron chez sa nourrice Débora, a été séduite par le prince Eliphal, jeune frère de Salomon. Elle en a eu un fils qu’on les a dérobé [sic] la nuit qui suivit sa naissance, en mettant à sa place un enfant nouvellement expiré. N’ayant pu découvrir la trace de ce vol, l’enfant trouvé mort passa pour le sien aux yeux des autres. Il y a trois ans que ce malheur est arrivé, quand l’action de la pièce commence.

Pour donner de la pompe à son spectacle, l’auteur a choisi la circonstance du mariage de Salomon avec la fille de Pharaon, qui arrive d’Egypte ce jour-là même avec le prime Eliphal qui l’étoit allé chercher. Eliphal est sur le point d’épouser Tamira, veuve du fameux Banaïas 1’un des principaux généreux [sic] de David. Tamira a de Banaïas un fils âgé de trois ans. C\st à ce fils qu’elle n’aime pas cependant, qu’elle doit sa fortune et le rang qu’elle occupe à la cour ; car Banaïas devoit la répudier si cet enfant n’étoit pas né.

Leïla, qui a appris qu'Eliphal arrive d’Egypte avec la jeune princesse, a quitté sa retraite pour venir jouir encore de la vue de cet homme cher à son cœur. Elle rencontre le fils de Tamira : son aspect lui cause une vive émotion: elle apprend de la gouvernante que Tamira habitoit Hébron quand elle eut cet enfant qui vint au monde débile et presque mourant ; qu’un de ses gens nommé Sobar, courut toute la nuit dans les campagnes voisines, sous prétexte de chercher des simples, et que le lendemain l’enfant de Tamira se trouva fort et bien portant. L’époque, la proximité des lieux, le vil intérêt qu’avoit Tamira de donner un fils à Banaïas, tout concourt à donner à Leïla de violens soupçons. Elle acquiert une pleine certitude par la reconnaissance de deux signes remarquables sur le cou et le poignet de l’enfant ; mais cette certitude n’est que pour elle et Debora. Point de preuves que son fils avoit les mêmes signes. Sobar est mort. Tamira n’a contre elle que des présomptions et son indifférence pour un enfant si aimable.

Eliphal qui à la vue de Leïla sent renaître sa tendresse pour elle et qui desire de trouver un fils dans cet enfant qu’il aime tant, fait des vœux pour le triomphe de Leïla. Tamira a cessé de l’intéresser et il ne voit plus qu’avec effroi les engagemens qu’il a pris avec elle. La réclamation de Leïla est portée devant Salomon, qui découvre la vérité de la manière que tout le monde connoît ; mais avec les adoucissemens qu’exigeoit au théâtre le tableau d'une pareille épreuve. L'enfant est rendu à Leïla. Eliphal embrasse son fils et épouse la mère qui se trouve être la fille d’Abiezer officier distingué sous David. Tamira cédant à la voix du remord, fait l’aveu de son crime et confirme ainsi la vérité qu’une inspiration divine vient de découvrir à Salomon.

Tel est le fonds de cette pièce qui a le mérite assez rare aux Boulevards d’être écrite d’une manière pure et élégante, qui joint à cela l'avantage d’offrir un second acte plus intéressant que le premier, et le troisième plus intéressant que le second C'est dans le troisième qu’est la scène du jugement. Au moment où l’enfant est sur le point d’être immolé, l’émotion étoit peinte sur tous les visages. Il faut avouer aussi que cette scène ainsi que toute la pièce a été bien jouée. Le citoyen Révalard a mis de la dignité dans le rôle de Salomon, et le citoyen Tautin de la noblesse dans celui d’Eliphal. Il a dit ce rôle mieux que tous ceux qu’il a remplis jusqu’à ce jour. Mademoiselle l’Evèque a joué avec décence et sensibilité. Dans les scènes où elle réclame son fils elle a arraché bien des larmes. Mademoiselle Bourgeois a bien rendu le personnage de Tamira. Il n’est pas jusqu’au petit enfant qui n'ait mérité d’être applaudi.

L’écriture n'offroit que le dénouement de cette pièce ; mais tout ce qui en constitue la [lacune] et r’attache l’enfant à Salomon lui-même, ce qui fait un enfant de trois ans au lieu d’un nouveau né de la veille, qu’on ne pouvoit point présenter au théâtre, l’attribution de la paternité au plus jeune frère de Salomon, que la bible nomme Eliphal ; et enfin le développement des caractères des deux femmes, tout cela appartient à l’auteur, qui a été unanimement demandé : c’est le citoyen Caigniez. La musique est du citoyen Quaizain, les ballets et les costumes des citoyens Richard et Kanitrol.

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