La Manie de l'indépendance, ou Scapin tout seul

La Manie de l'indépendance, ou Scapin tout seul, monologue en prose, mêlé de vaudevilles, de Moreau et D..... [Dumersan], 30 ventose an 12 [21 mars 1804].

Dans La Littérature Française Contemporaine, tome troisième (Paris, 1848), p. 342, la pièce est attribuée à Dumersan et Moreau.

Théâtre du Vaudeville

Titre :

Manie de l'indépendance (la), ou Scapin tout seul

Genre

monologue mêlé de couplets

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

30 ventôse an 12[21 mars 1804]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Moreau et D.... [Dumersan]

Almanach des Muses 1805

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mad. Cavanagh-Barba, an XII – 1804 :

La manie de l'indépendance, ou Scapin tout seul, Monologue en Prose, mêlé de Vaudevilles ; Par MM. Moreau et D.... Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 30 Ventôse an 12, (21 mars 1804).

Courrier des spectacles, n° 2581 du 1er germinal an 12 [22 mars 1804], p. 2 :

[Encore une pièce à un seul personnage, bien que la mode en soit passée. Peu d’intérêt du sujet, des longueurs, des réminiscences, des détails insignifiants ou hors de propos, et, plus grave que tout, un langage peu adapté au statut du personnage (un Scapin enrichi qui parle « avec le ton tranchant d’un petit-maître ou d’un professeur » et juge auteurs et acteurs). Les jugements portés sont plus dignes des petits théâtres (le critique croit fermement à la hiérarchie des salles) et n’en trouve qu’un à cité. L’intrigue se résume ensuite aux tentatives faites pour tirer Scapin de sa solitude, ce qui est obtenu par le vol de sa cassette (réminiscence à n’en pas douter !). Ce qui sauve la pièce, c’est « deux ou trois couplets », mais pas l’interprète unique, qui ne savait pas son rôle.

Madame Deshoulières est une femme de lettres du 17e siècle, dont l’Idylle des moutons, poème où elle déplore le sort de ses enfants après la mort de leur père, est restée célèbre.]


 

Théâtre du Vaudeville.

Première représentation de la Manie de l’Indépendance, ou Scapin tout seul.

Le genre des pièces à un seul personnage commence à passer de mode. On a reconnu qu’en général ces sortes d’ouvrages n’étaient que des tours de force quelquefois mal combinés, mal exécutés et le plus souvent ennuyeux. Scapin tout seul ne les remettra pas en vogue. Outre le peu d’intérêt que comporte le sujet, on a eu à lui reprocher des longueurs, des réminiscences, des choses insignifiantes ou étrangères à sa position, et sur-tout un langage et des observations qu’on ne s’attendoit pas à entendre de la bouche d’un Valet. En effet ce Scapin fourbum imperator, qui au moyen d’une petite fortune qu’il a amassée en tout bien tout honneur, se retire dans sa petite propriété, ne se voit pas plutôt installé dans la chambre où il veut être seul et où il s’est lait enfermer, qu’il s’occupe de juger du mérite de nos grands maîtres avec le ton tranchant d’un petit-maître ou d’un professeur. Ici c’est un couplet sur Moliere, là un autre sur Préville ou sur Dazincourt.

Cette manie de louer des acteurs vivans, est bonne aux petits théâtres, mais au Vaudeville elle fait rarement fortune. Il a été plus heureux, lorsque rencontrant l’ouvrage de madame Deshoulières, il dit qu'elle sait si bien varier ses tons,

Que le censeur 1e plus sévere
Revient toujours à ses moutons.

Jusques-là on avoit attendu patiemment que l’intrigue commençât, et en effet elle a commencé.

Sylvestre, ancien compagnon de fourberies avec Scapin, passe sons ses croisées et lie avec lui conversation. Mais durant ce tems un ami de Sylvestre, de concert avec Lisette, qui veut arracher Scapiu à la solitude, lui enlève une cassette où est toute sa fortune. Notre héros se désole et veut poursuivre le ravisseur ; mais tout est fermé. Il ne sait comment sortir d’embarras, lorsque Lisette vient lui dire qu’elle ne lui rendra sa cassette que lorsqu’il aura renoncé à sa manie d'indépendance.

Deux ou trois couplets ont soutenu la pièce, qui pour obtenir plus de succès auroit dit être mieux scue par l’acteur chargé du seul rôle qu’il y eût.

Les auteurs sont MM. de Marsan et Moreau.

Mercure de France, littéraire et politique, tome seizième, n° CXLIII du 3 germinal an 12 (samedi 24 mars 1804), p. 38-40 :

[Après avoir rappelé le premier exemple d’acteur seul en scène (en 1722 !), le critique ramène le procédé à sa juste valeur : pourquoi s’imposer des difficultés inutiles ? Après avoir cité le couplet d’annonce, bien accueilli, il résume l’intrigue (si on peut employer le mot) : Scapin range les livres qui vont meubler sa solitude, occasion de donner des jugements littéraires plus ou moins pertinents (le critique se demande toutefois si Scapin est fondé à juger les livres, « mais dans un vaudeville, on n'y regarde pas de si près »). Il raconte ensuite une double intrigue, les avances que Lisette fait à Scapin, et le vol de sa cassette, mais les deux intrigues n’en font qu’une : il s’agissait, en prenant l’or de Scapin de le faire sortir de sa retraite, pour que Lisette puisse l’épouser. Le succès de la pièce a duré jusqu’au moment où Scapin parle longuement à la fenêtre avec Sylvestre, passage jugé trop long. Peut-être aussi a-t-on trouvé inconvenant qu’un solitaire dans sa retraite donne des conseils pour un cambriolage. L’interprète a un peu déçu.]

La manie de l'Indépendance, ou Scapin tout seul; par MM. Moreau et Dumersan.

La nécessité avait, en 1722, obligé l'entrepreneur de l'Opéra-Comique de ne produire sur la scène qu'un seul acteur. Piron vint à son secours, et lui composa un monologue en trois actes, intitulé Arlequin Deucalion, qui eut le plus grand succès. Ce tour de force était nécessaire ; mais quand il ne l'est pas, il semble fort inutile de se donner de volontaires entraves. Une bonne pièce est assez difficile à faire, pour qu'on ne doive pas ajouter inutilement à la difficulté. Quoi qu'il en soit, Piron a eu des imitateurs. Arlequin tout seul ayant été vu avec quelque plaisir, Scapin a voulu avoir son tour. Le couplet d'annonce a été parfaitement accueilli.

Arlequin obtint l'avantage
De vous plaire, quoique tout seul ;
Et, jaloux du même suffrage,
Scapin va paraître tout seul.
En n'offrant qu'un seul personnage,
L'ouvrage doit aller tout seul :
Car vous aurez trop de courage
Pour vous mettre tous contre un seul.

Scapin, dégoûté de ses amis et de sa maîtresse, Lisette, ainsi que de l'issue de quelques fourberies qui lui ont attiré une querelle avec la justice, s'enferme dans sa chambre, résolu à n'en plus sortir. Il est entouré de livres qu'il vient d'acheter pour amuser son loisir, et a près de lui une cassette pleine d'or, pour assurer son indépendance. Il commence par arranger ses livres, s'extasie sur la prodigieuse quantité des ouvrages de Voltaire, et les classe cependant au-dessous des moralistes. Le sel de cette plaisanterie, si c'en est une, m'échappe. Scapin se demande lequel doit être placé plus honorablement de Corneille ou de Racine, et finit par les mettre de front. Buffon et Rousseau sont sur la même ligne, comme ayant fait, l'un l'histoire , l'autre le roman de la nature. Il garde sur sa table Molière et Regnard ; c'est, dit-il, la nature et l'art; il range à côté l'un de l'autre

La Fontaine , dont la candeur
De Boileau corrige l'aigreur ;

Donne une place honorable à madame Deshoulières, qui

. . . Sait si bien varier ses tons,
Qu'on en revient toujours à ses moutons:

allusion à la fameuse idylle qui est son plus beau titre de gloire ; titre cependant contesté par quelques-uns, qui prétendent que c'est un plagiat. Quel est, se demande-t-il, ce tas de brochures ?.... ce sont des livres nouveaux : c'est dans l'ordre ; ceux-là on ne les relie pas (Calembour); il est convenable que des ouvrages qu'on broche demeurent brochés. Quant aux satiriques , il les met en pièces , en disant :

Il est juste de déchirer
Ceux qui déchirent tout le monde.

Cette revue a généralement amusé. On aurait pu trouver étrange qu'un drôle qui a eu des démêlés avec les tribunaux, s'érige en juge de la littérature. Mais dans un vaudeville, on n'y regarde pas de si près.

Lisette lance à Scapin, au bout d'une flèche, un billet doux, pour l'exhorter à mettre fin à sa boutade misantropique. Elle lui propose un engagement avantageux pour l'emploi des valets. « Je reconnais bien là Lisette, s'écrie Scapin en ramassant la flèche un trait piquant et léger, voilà le digne messager d'une coquette. » Mais il n'a aucun égard au message. Personne, dit-il, ne doit oser prétendre à remplacer Préville :

A la mort de ce grand acteur,
Les valets ont perdu leur maître.

Scapin cependant, malgré sa philosophie, conserve du goût pour l'intrigue. Il aperçoit un fripon comme lui, Sylvestre, qui, de la rue, lui demande conseil sur une escroquerie qu'il médite. Scapin le lui donne ; tandis qu'un de la bande, dit-il, a amusera le propriétaire que vous voulez dévaliser, l'autre enlèvera son trésor. Pendant qu'il parlait, un ami de Sylvestre escamotait la cassette de Scapin, et avec elle tous ses moyens d'indépendance. Il crie, pleure, se désole. Lisette met fin à son désespoir, en lui annonçant que ce vol n'est qu'une ruse qu'elle a employée pour l'arracher à sa solitude, et parvenir à la conclusion de leur mariage ; il ne demande pas mieux, afin de ravoir son or.

La pièce a réussi jusqu'au moment où Scapin s'est mis à la fenêtre, et a entamé une conversation avec Sylvestre, qu'on n'entendait pas, et dont il répétait les paroles. On a trouvé ce colloque un peu long ; on a peut-être été indigné qu'un misantrope philosophe se rendît complice d'un vol. On a demandé les auteurs, mais non à l'unanimité. Des sifflets même, en petit nombre il est vrai, se sont fait entendre quand on les a nommés. Au moyen de quelques légères corrections vers la fin, cette pièce pourra se soutenir ; elle n'est dépourvue ni d'esprit ni de gaieté. Elle a été bien jouée par Carpentier ; quoiqu'avec un peu trop de timidité peut-être.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 9e année,1804, tome V, p. 404-405 :

[La pièce nouvelle, qualifiée de « bleuette », est prometteuse : les deux auteurs, jeunes, ont « de l’esprit et du goût », deux qualités essentielles. Mais elle repose sur le procédé usé du personnage seul en scène (« le public commence à se lasser »). Positif : but moral, détails très gais (il faut la réunion des deux pour qu’une pièce soit bonne). Négatif : ni intérêt, ni action (et il n’y a pas de théâtre sans les deux.. Autre cause possible de l’absence d’adhésion du public : l’acteur (unique) n’a pas été très bon.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

La manie de l’Indépendance, ou Scapin tout seul.

Cette bleuette est l'ouvrage de deux jeunes auteurs qui annoncent de l'esprit et du goût. Ils auroient dû travailler sur un meilleur fonds ; car on a vu depuis quelque temps un si grand nombre de personnages seuls en scène, que le public commence à s’en lasser. Le but de la pièce est moral, et les détails très-gais ; mais cela ne sauroit remplacer l'intérêt et l'action essentiels dans un ouvrage dramatique. Carpentier a joué sans assurance, et n'a pas produit grand effet.

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