Le Major Franck

Le Major Franck, comédie en un acte et en prose ; 16 brumaire an 13 [7 novembre 1804].

Théâtre du Vaudeville.

Almanach des Muses 1806.

 

Mercure de France, littéraire et politique, tome dix-huitième, n° CLXXV, 19 brumaire an 13 (10 novembre 1804), p. 331-332 :

[Le compte rendu est celui d’un échec. La pièce a déplu d’entrée, pour des raisons de bienséances, le début de la pièce montrant un soldat dépenaillé partageant une maigre pitance avec son chien (qu’on ne voit pas !) et parlant « par sentences ». Chacun dira ce qu’il y a de choquant là-dedans. Le résumé de l’intrigue paraît plutôt confus : le soldat a un conflit avec le fameux major Franck, il finit par le retrouver, veut se battre, mais le major préfère se marier (?) et lègue cent ducats au hussard qui l’accompagne, et le soldat dépenaillé décide de ne pas se battre contre quelqu’un que tout le monde apprécie. Il semble que le public n’ait pas tout compris, et a sifflé, avant de demander le chien (invisible) du début, plutôt que l’auteur, qui ne méritait pas de paraître...]

Le major Franck n'a pas été mieux accueilli que les Deux Jambes. Le couplet d'annonce lui promettait un plus heureux destin. C'est Arlequin qui l'a chanté.

On va, dit-il, vous donner une nouveauté:

Je sais qu'on y parle d'honneur,
Et j'en conçois douce espérance.
Chez vous l'honneur et la valeur
Sont en pays de connaissance.

Mais dès l'ouverture de la scène , on a été choqué de voir un soldat, dont l'habit annonçait la misère, faire un très-mauvais déjeûner qu'il partage avec son chien caché dans la coulisse, et auquel il adresse quelques paroles. Ce soldat, très-mal-à-propos appelé l'Enfant du Bonheur, a des prétentiens à la philosophie. Il ne s'énonce que par sentences. D'où venez-vous, lui demande-t-on ? — De mon berceau. — Où allez-vous ? — Où se rendent tous les hommes. — Vous êtes seul ? — J'ai mon chien, mon sort et mon ombre. Il est content des deux premiers, mais non pas de son ombre -parce qu'elle disparaît,

Ainsi que font les faux amis,
Quand le soleil cesse de luire.

Il rencontre un vieux hussard, qui est au service du major Franck, et qui le nomme comme par hasard. L'Enfant du Bonheur se rappelle qu'il a reçu, il y a dix ans, un démenti de cet officier, et veut se mesurer avec lui. Le fidèle serviteur se donne pour son maître. Rendez-vous pris en conséquence, le major arrive. L'officieux mensonge du hussard est découvert, et le cartel s'établit entre le véritable offenseur et l'offensé. Mais le premier se marie à une petite paysanne qui a eu le bonheur de lui sauver la vie, et qui est tout émerveillée de ce mariage. En homme prudent, il fait ses dispositions matrimoniales et testamentaires à-la-fois. Il assure cent ducats de pension à son brave hussard. Il fallait voir la noble indignation de celui-ci. Il prétend

Qu'on met ses amis à la porte,
Mais qu'on ne les chagrine pas.

On se regardait dans l'assemblée, on se demandait ce que cela voulait dire ; on sifflait. Les gens du village viennent complimenter le major , et en font un si touchant éloge, que l'Enfant du Malheur est désarmé, et déclare qu'il ne se battra pas contre un si digne personnage. Ainsi finit, l'histoire. On a demandé le chien , mais on ne l'a point amené.

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