Le Major Palmer

Le Major Palmer, opéra en 2 actes, mêlé de chants, de Pigault-Lebrun, musique de Bruni. 6 pluviôse an 5 [26 janvier 1797].

Opéra.

Almanach des Muses 1798.

Drame chargé de beaucoup d'événemens, et par conséquent du nombre de ceux qui ne sont pas susceptibles d'une courte analyse. Il a été fort applaudi.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Huet, an Cinquième (1797) :

Le Major Palmer, drame en trois actes, en prose. Par Pigault-Lebrun. Musique du Citoyen Bruni. Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre Feydeau, le 7 pluviôse de l'an cinquième de la République.

La création a eu lieu le 6 pluviôse, soit le 26 janvier.

Courrier des spectacles, n° 21 du 7 pluviôse an 5 [27 janvier 1797], p. 3 :

[Compte rendu remis au lendemain, parce que la pièce « demande trop de réflexions et d’observations pour pouvoir en présenter l’analyse aujourd’hui ». Le critique se contente de nommer les auteurs (paroles et musique)avant de dire trois mots de la musique (« belle, sonore, majestueuse ») et de donner la liste des interprètes, tous jugés excellents. Succès.]

Théâtre Feydeau.

L’opéra du Major Palmer, donné hier à ce théâtre, demande trop de réflexions et d’observations pour pouvoir en présenter l’analyse aujourd’hui. L’auteur des paroles est M. Pigault-Lebrun, déjà connu par plusieurs opéra et quelques comédies agréables. Celui de la musique est M. Bruni. La musique est belle, sonore, majestueuse. M.lle Lesage a donné, dans le rôle d’Amalie, les preuves du plus grand talent. Elle a été demandée, et le public lui a témoigné combien il étoit satisfait. M.r Gaveaux a fort bien rendu celui du Major Palmer ; M. Lesage a beaucoup plu par son jeu naïf et naturel ; M.de Lesage a joué avec beaucoup de sensibilité le rôle de la mère d’Amalie ; M. Valliere a très-bien rendu celui d’un franc et généreux soldat ; enfin cette pièce a été fort accueillie du;public : mais comme nous ne sommes pas entière[... : une ligne illisible dans l’exemplaire en ligne dans Retronews] demain, en l’analysant, nous nous permettrons quelques observations sur sa marche

Courrier des spectacles, n° 2é du 8 pluviôse an 5 [28 janvier 1797], p. 3-4 :

[Le retard apporté au compte rendu de l’opéra s’explique : le critique tient à émettre de sérieuses réserves à propos de cette pièce, dont il reconnaît volontiers les qualités : « la beauté de la musique, le jeu des acteurs, la fraîcheur des décorations, quelques danses », ce serait suffisant si on ne s’intéressait pas à la contexture du poème. Or, celui du Major Palmer est plein de défauts, dans sa conduite, dans sa marche, dans les incidents et dans les scènes : ce n’est pas aux accessoires de rattraper les insuffisances du livret. On est ici au cœur du débat concernant les œuvres lyriques, le critique affirmant fermement le primat du livret sur la musique, qui peut faire briller des œuvres qui sans elle seraient vouées à l’oubli. Le troisième acte du Major Palmer est « intéressant et même beau » (mais il n’est pas original), mais les deux premiers sont insuffisants : le premier est réduit à une interminable exposition, et le deuxième est un amas informe d’incidents. La suite du compte rendu raconte par le menu l’intrigue de l’opéra, occasion pour le lecteur moderne de comprendre en quoi consistent les beautés et les défauts de l'œuvre (il est bien possible que nous ne soyons que moyennement d’accord avec le critique). L’histoire et très compliquée,, et on comprend facilement qu’il faut tout un acte pour l’exposition d’une telle situation : une fille séduite et devenue folle, un séducteur qui tue le frère de sa victime, et qui est obligé de fuir parce qu’il est condamné comme déserteur : il n’était pas à un combat, qui avait lieu au moment même du duel. La suite continue dans le spectaculaire : au moment même où on est prêt à arrêter le séducteur assassin et déserteur, les ennemis lui donnent l’occasion de montrer sa bravoure : il repousse leur attaque, ce qui a plusieurs conséquences positives : la fille séduite retrouve la raison, et le séducteur va pouvoir l’épouser avec l’accord de sa mère, sauf que le régiment auquel il appartient arrive et veut le mettre à mort. Assez miraculeusement, un cavalier arrive et sort de sa poche une lettre du roi le graciant eu égard à son comportement dans le combat. Le compte rendu s’arrête là. On sait désormais ce qu’est un troisième acte « intéressant et même beau » (le manque d’originalité étant assez facile à comprendre : le dénouement est tout de même assez facile, et on sort souvent à la fin des piècesdes lettres qui mettent fin à tous les problèmes).]

Théâtre de la rue Feydeau.

Nous avons dit dans notre numéro d’hier, que l’opéra du Major Palmer avoit été fort accueilli du public, mais que nous n’étions pas entièrement de son avis.

La beauté de la musique, le jeu des acteurs, la fraîcheur des décorations, quelques danses peuvent bien être suffisans pour satisfaire ceux qui ne regardent aucunement à la contexture d’un poème ; pour nous, nous pensons que tous ces agrémens ne sauroient cacher les défauts de conduite, de la marche, des incidens, des scènes, etc. et qu’on ne sauroit faire trop d’attention à suivre les principes reçus, sans s’embarrasser si les accessoires aideront à pouvoir les faire oublier. Eh ! combien d’opéra aujourd’hui ne brillent que par le secours de la musique, sans laquelle ils seroient restés dans l’oubli ! Ce n’est pas ainsi qu’ont travaillé les Monvel, les Sedaine, etc. Ce n’est pas que nous n’ayons trouvé des beautés dans la pièce du Major Palmer. Le troisième acte est intéressant et même beau, quoiqu’il ne soit pas original ; mais le 1.er n’est qu'une exposition lente et répétée : le 2.e est surchargé d’incidens sans aucune liaison, de scènes décousues : tel est l’apperçu des fautes essentielles que nous avons remarquées dans cet opéra, dont voici l’analyse.

Amalie, fille de M.de Dumental, a été séduite par le major Palmer, qui l’a ensuite abandonnée : cette fille infortunée est tellement affectée de son malheur, qu’elle en a perdu totalement la raison. Palmer a tué dans un duel le frère d’Amalie, et pendant ce combat, son régiment a donné, dans une action, les plus grandes preuves de valeur ; le major ne s’y étant pas trouvé, a été condamné à mort comme déserteur. Palmer est obligé de fuir pour sauver sa vie ; un cavalier qui l’accompagne, lui conseille, pour réparer sa faute, de s’enrôler dans un bataillon cantonné dans cet endroit ; le major y consent, mais il en est détourné par la voix d’Amalie qu’il entend dans un château voisin. Il s’y introduit, et bientôt en sort furieux ; Amalie le suit, l’accable de reproches, et lui dit qu’elle a un fils qui du moins lui lient lieu de tout. Palmer veut voir cet enfant, Amalie le lui refuse; il persiste, elle résiste avec force : on accourt à ses cris, elle perd connoissance, on l’emmene. M.de Dumental traite le major avec la plus grande rigueur : le général Aulbourg, commandant de l’endroit, veut le faire arrêter ; mais au même instant l’ennemi se fait entendre : tout le village s’arme pour la défense commune ; Palmer va combattre et fait des prodiges de valeur ; l’ennemi est repoussé, Amalie recouvre la raison, elle voit dans Palmer son défenseur ; M.de l)umental consent à leur union, et va pour préparer sa fille à 1a célébration de cet hymen, quand arrive le régiment dont Palmer est le major. Il est reconnu, on est prêt à le conduire au supplice ; mais le cavalier qui l’a accompagné dans sa fuite, apporte une lettre du roi de Prusse qui accorde à Palmer sa grâce, en faveur de l’intrépidité qu’il a montrée en repoussant l’ennemi.

Journal littéraire, première année, tome second, n° XXIII, du 9 février 1797, p. 350-351 :

Le Major Palmer, opéra comique en trois actes, représenté pour la première fois le 7 Pluviôse, paroles du C. Pigault-le-Brun, musique du C. Bruni.

Encore un opéra comique dans le genre de ceux qu'on donne à présent. Des pleurs, des cris, des lamentations, l'échafaud en perspective, une demoiselle absolument folle pendant deux actes, parce qu'elle a été abandonnée par un Major Palmer dont elle a un enfant. (Foiblesse bien peu intéressante, et bien peu excusable dans une jeune personne bien née, qui a eu les secours d'une bonne éducation, et les exemples d'une famille vertueuse). Le frère, pour avoir voulu s'opposer à ce commerce criminel avec sa sœur, a été tué en duel .par le Major, et le Major lui-même, faute de n'avoir pu se trouver tout à-la-fois à un combat particulier et à une bataille générale, a été condamné à mort par son régiment pour cause de désertion. Heureusement, qu'il n'y a pas de tyran dans cette pièce, et que la mère qui a tant à se plaindre du Major, est d'un bon caractère, c'est-à-dire, qu'elle n'en a pas ; pour peu qu'elle eût été vindicative, le dénouement, ou le mariage, déjà éloigné par tant d'autres obstacles, devenoit à-peu-près impossible.

S'il n'y a rien de neuf dans ces situations, il y a souvent de l'invraisemblance. Le général dit à ses soldats qu'il a reçu l'ordre de faire chercher un officier condamné à mort comme déserteur. Cet officier, c'est Palmer. Il est présent, le général vient de lui parler, personne n'ignore qu'il s'appelle Palmer. Le nom de Palmer est écrit dans l'ordre envoye par le roi ; mais le général ne daigne pas le lire ; voilà comme ou sauve les difficultés.

Plusieurs morceaux de la musique ont été fort applaudis, tel que celui qui finit le second acte ; et au commencement du troisième, le duo entre la mère et la fille qui a recouvré l'usage de sa raison.

Le dernier rôle est rendu avec beaucoup d'expression par la Cne. Lesage.

Annales dramatiques, ou dictionnaire général des théâtres, tome sixième (1810), p. 37 :

MAJOR PALMER (le), opéra en trois actes, par M. Pigault-Lebrun, musique de Bruni, à Feydeau, 1797.

Palmer, major dans le régiment de Brown, est logé en Franconie, chez madame de Blumensthal, dont il séduit la fille. Amalie a un frère jeune et ardent, qui la surprend avec le major, et se bat avec lui ; plus expérimenté et plus calme, Palmer tue son adversaire, et se voit obligé de fuir. Peu de jours après cet événement, l'ennemi paraît, mais il ne tarde pas à être repoussé par le régiment de Brown ; enfin, Palmer est condamné à mort comme déserteur.

Par une suite d'événemens qu'il est inutile d'expliquer, madame de Blumensthal s'est retirée avec sa fille, devenue mère, en Silésie, où elle a fait l'acquisition d'un château ; le propriétaire de ce château était l'ami de Palmer. Ce dernier arrive en Silésie pour lui demander un asyle, et, pendant la nuit, pénètre dans le parc ; il y est reconnu, et, par sa seule présence, jette le trouble dans cette malheureuse famille. Déchiré de remords, méconnu par Amalie, qui a perdu la raison, repoussé par la mère, qui a conservé la sienne, il est en proie au plus violent désespoir. Cependant l'ennemi passa l'Oder, et approche du château de madame de Blumensthal, où le général est logé. Ce dernier rassemble ses troupes, arme les habitans, et propose à Palmer de saisir cette occasion de réparer ses torts. Palmer accepte, se met dans les rangs, marche à l'ennemi, le combat et le repousse, après avoir sauvé la vie au général : de retour au château, on lit le signalement de Palmer, et l'ordre de l'arrêter pour lui faire subir son jugement ; mais au moment où lui-même veut qu'on le conduise à la mort, le général reçoit une lettre du grand Frédéric, dans laquelle ce monarque lui dit, que la nécessité de maintenir la discipline ne lui permet pas de révoquer le jugement contre Palmer, mais qu'ayant appris qu'un inconnu s'est distingué dans le dernier combat, et a contribué à la victoire, il lui donne un régiment sous le titre du baron de Holtz, et défend de faire aucune recherche ultérieure sur la retraite de Palmer. Rentré en grâce et toujours amoureux, Palmer regagne les faveurs de madame de Blumensthal, d'Amalie, sa fille, qui a recouvré la raison, et la pièce se termine par leur union.

Cet opéra, malgré ses invraisemblances et ses irrégularités, a obtenu beaucoup de succès.

D'après la base César, la pièce a été jouée 12 fois en 1797 (à partir du 2 avril), 16 fois en 1798, 11 fois en 1799.

 

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